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Via Alpina (Partie 7): De Scuol à Merano la Traversée de l'Ötztal

Réalisée du 05 au 11 septembre 2021

La ville de Scuol se situe sur la Via Alpina rouge, cette dernière filant vers l'Ouest en direction de la France. Bien qu'entre cette ville et notre pays les paysages doivent être sensationnels : Parc National Suisse, Sud des Grisons, Parco Nazionale dello Stelvio ou encore la vue sur le Piz Bernina, ce chemin nous ferait partir dans le sens contraire de notre avancée. Nous devons donc faire un choix une fois dans cette ville : partir vers l'Autriche ou partir vers l'Italie. Dans les deux cas, nous effectuerons un pont entre la Via Alpina rouge et la Via Alpina jaune, cette dernière partant de l'Allemagne pour descendre sur l'Adriatique. La météo des prochains jours sera déterminante puisque si nous choisissons l'Autriche nous devrons franchir plusieurs cols de plus de 3000m. Contrairement au côté italien qui nous amène plus directement et plus sereinement vers Merano, la terminaison de cette septième étape.

Le temps s'annonce magnifique dans les jours à venir, c'est donc l'Autriche qui remporte haut la main notre adhésion d'autant plus que via cet itinéraire nous traverserons les Alpes de l'Ötztal, massif transfrontalier entre l'Autriche et l'Italie, et qui, parait-il, est une petite pépite alpine.

Pour autant, nous sommes toujours coincés en Suisse et nous avons besoin de nous ravitailler ce jour-même, n'ayant plus rien à manger dans nos sac à dos. Pour éviter une mise à mort financière dans un supermarché Coop ou Migros à Scuol, nous prenons l'initiative de rejoindre directement Pfunds, en Autriche, notre départ pour la traversée de l'Ötztal. Nous sommes dimanche, les magasins ferment à la mi journée, nous n'avons pas le temps de partir à pied, d'autant plus qu'une trentaine de kilomètres séparent Scuol et Pfunds. Nous tentons l'autostop et cela fonctionne jusqu'à la frontière austro-suisse grâce à un italien travaillant dans le Canton des Grisons. Mais une fois à la frontière, impossible de trouver une âme charitable pour nous amener dans la ville autrichienne. Il a fallu attendre plusieurs heures la navette pour que nous puissions nous rendre à Pfunds. Une fois là-bas il est trop tard pour se ravitailler, les magasins ont fermé et nous ne pouvons pas démarrer notre périple dans le massif tyrolien. Une magnifique journée de perdue qui aura comme unique avantage de nous permettre de recharger nos appareils avant que nous partions en montagne. Qu'importe, nous nous consolons avec un kebab à 5 euros et quelques pintes dont une bière au coca : petite mixture typiquement germanique. Nous installerons ensuite notre bivouac près du bourg, au bord de l'Inn, où nous avons une nouvelle fois demandé au propriétaire son accord. Le lendemain, pas moins de 2000m de dénivelés positifs nous attendent.

Eglise de Pfunds.

Notre première étape en territoire tyrolien nous conduit dans une large vallée où les différents alpages se succèdent. Nous sommes une nouvelle fois sur le Zentralalpenweg mais plus sur les itinéraires de Via Alpina. Les Alpes sont tellement quadrillées par moultes sentiers plus ou moins connus, qu'il est rare de rester coincé dans un cul-de-sac et ce, dans n'importe quel pays de l'arc alpin.

Nous nous lançons donc dans cette ascension de 18km vers le premier col du massif : les forêts de conifères laisseront place aux alpages qui eux-mêmes laisseront place aux vastes pierriers où quelques neiges éternelles résistent.

Nous sommes le 06 septembre et les couleurs d'automne s'invitent déjà dans les alpages.
Avant d'entamer l'ultime ascension, nous arrivons près de ce lac sans nom. Son niveau changeant au gré du débit et donc son caractère éphémère, à en voir la trace du ruisseau au fond de celui-ci, doit expliquer son anonymat.
On grimpe ensuite sous le Glockturm 3355m. Son ascension depuis le col que nous allons franchir semble assez aisée mais nous resterons modestes aujourd'hui. La montée jusqu'au col étant assez importante.
Notre col se présente face à nous. Nous allons traverser les restes d'un glacier pour l'atteindre. Bien que la chaleur estivale étouffe le fond de vallée, les températures au-dessus de 2500m sont relativement fraiches à en voir le petit lac gelé sous le col.
Une bonne petite grimpette sur un sol gelé nous amènera au col.
Panorama sur les Alpes de l'Ötztal depuis le Riffljoch 3149m.

Nous retrouvons un environnement glaciaire que nous avions peu à peu perdu au cours de la Via Alpina verte. La vue depuis ce col était tout simplement splendide. Le calme et le silence régnaient. Nous n'avons croisé aucun randonneur. La montagne s'offrait à nous.

Nous ne sommes pas encore dans le Naturpark Ötztal et pourtant la sauvageté des lieux est palpable.
Les deux petites perles glaciaires du Rifflkar nous attendent pour le déjeuner.

Nous descendons de ce col en direction de la vallée mais deux autres petits lacs nous convaincrons de poser notre tente non loin d'eux. Nous nous situons au milieu de ce cirque minéral et glaciaire et profitons des dernières lueurs qui ne réchaufferont en rien notre douche, particulièrement froide ce soir-là.

Le dôme de Weisseespitze 3518m.
Bivouac face à la langue glaciaire du Gepatschferner.
Ça a l'air agréable vu comme ça. Ça ne l'était pas du tout, MAIS DU TOUT !
Robinson Gelé.
Weisseespitze et Seeles Seen.
Depuis notre petit bivouac illégal.

C'est parti pour une nuit bien fraîche à plus de 2400m d'altitude. La partie du corps souffrant le plus pendant les nuits les plus froides s'avère être le nez : rien pour le couvrir sinon c'est l'étouffement. Reste le masque de nuit pour le recouvrir a minima, laissant nos narines à découvert : c'était l'astuce du jour !

Le lendemain matin, le vent s'est calmé. C'est un festival de reflets parfaits qui s'offre à nous une fois hors de la tente.

Nous terminons la descente vers la vallée avant d'attaquer notre second col tyrolien, lui aussi au-dessus de la barre des 3000m. Mais avant, nous faisons une rencontre plutôt sympathique en arrivant à Gepatsch Alm.

Gepatsch Stausee
Un jeune veau surexcité et pas du tout farouche nous a accompagné sur quelques mètres.

Nous laissons le mignon derrière nous et partons à l'assaut du Ölgrubenjoch. Nous quittons par la même occasion le Zentralalpenweg qui part vers le glacier. On se contentera de la caillasse.

En montant au col. Face à nous, les pentes que nous avons dévalé la veille et le matin même.
Là encore, nous approchons quelques glaciers mourants laissant derrière eux d'immenses pierriers.
En arrivant au Ölgrubenjoch 3050m, le petit glacier descendant de la cime du Hintere Ölgrubenspitze a formé un petit lac de fonte.
De l'autre côté du col, le cirque glaciaire est encore exceptionnel. Partagé entre la roche rouillée et le blanc des glaciers. Une petite perle glaciaire s'est formée au milieu du vallon et nous servira de réservoir d'eau potable pour le repas.
Vus du sol ou du ciel, les glaciers des Alpes de l'Ötztal sont gigantesques. Nous n'imaginions pas voir d'aussi gros glaciers dans ces montagnes.
En route pour le manger.

Alors que les paysages alpins restent constamment magnifiques des Alpes françaises jusqu'aux Alpes slovènes. Il y a tout de même quelque chose qui s'enlaidit au fur et à mesure que nous partons vers l'Est : les moutons !

Un petit groupe de moches des montagnes.

Arrivés à la Taschachhaus, dans le fond de vallée, nous profitons de la présence de réseau pour appeler un refuge du massif afin de passer une nuit dans celui-ci : la Similaunhütte. Mais le refuge s'avérera complet le jour de notre passage, nous n'y ferons donc qu'une halte ''manger'' dans deux jours.

Le ciel se couvre légèrement avant notre arrivée vers Mittelberg où nous bivouaquerons.

Vers 4h du matin, nous serons réveillés par les cris d'un berger présent sur l'autre versant de la vallée où nous avons posé notre tente. Au son de ''EHHHHHH OHHHHHH'', son typiquement tyrolien, il appelle son troupeau pour la traite. Nous avons tout de même pu nous rendormir une fois que les vaches se sont décidées à rentrer dans la ferme.

C'est parti pour notre troisième col. Pas de 3000m aujourd'hui mais nous n'en serons pas très loin. En débutant l'ascension, nous mettons pied sur la Via Alpina jaune. La faim se fait ressentir un peu plus chaque jour. Nous ne pouvons pas prendre de fruits secs ou de collation pour au-delà de 3 jours de marche généralement. Nous nous contentons donc d'un maigre petit déjeuner et de nos deux repas quotidiens, pas plus. Heureusement, les refuges sont encore ouverts à cette période de l'année. Ce jour-là nous allons découvrir une petite merveille culinaire du coin.

Le Kaiserschmarren (ou Crêpe de l'Empereur en français). Souvent servi avec de la compote de pommes ou de la confiture de fruits, il saura, pour une dizaine d'euros, vous rassasier pour quelques heures !
C'est à la Braunschweiger Hütte que nous dégusterons le meilleur Kaiserschmarren de notre Via Alpina. Avec vue sur le Wildspitze 3768m, point culminant des Alpes de l'Ötztal.
Le front du Glacier Karlsferner en amont du refuge.
Non loin du col, un panorama de sommets dont les noms sont tous aussi imprononçables les uns que les autres s'élance vers le Nord.
Près du Pitztaler Jöchl 2996m.

Le paysage sera tout autre sur le versant Est du col. Une station de ski s'est installée et est en train de se développer dans ces montagnes. Le Glacier de Pitztal est une station de ski à lui tout seul, situé sur les montagnes surplombant le village de Sölden. C'est cette station qui a fait les gros titres en 2019 avec une image de pelleteuse creusant un glacier. Elle a d'ailleurs été accusée de vouloir détruire une partie du glacier pour étendre son domaine skiable. Ce qu'elle réfuta et réfute encore, spécifiant qu'il s'agit de travaux annuels pour la préparation du domaine skiable. En arrivant dans cette station, les pelleteuses sont toujours là et le glacier en bien sale état : réchauffement climatique ou travaux ? Les deux probablement.

Le paysage s'enlaidit une fois le col franchi.

Nous nous extirpons de ce brouhaha par le tunnel Rosi-Mittermaier long de 2km traversant la montagne et nous permettant de rejoindre le Panoramaweg de Vent, de l'autre côté. Nous retrouvons ainsi le calme des montagnes tyroliennes en franchissant la délimitation du Naturpark Ötztal.

Bien frais dans ce tunnel.
Les Linaigrettes tapissent encore les bords des quelques lacs présents sur notre chemin.
Sur le Panoramaweg de Vent. A gauche le sommet de Similaun 3606m se débat dans les nuages. Derrière ces montagnes, l'Italie que nous rejoindrons le lendemain.

Nous posons notre tente au-dessus du petit village de Vent. Le lendemain, nous profiterons de notre proximité avec le village pour déguster un magnifique petit déjeuner-buffet à l'Hôtel Kleon pour la modique somme de 9 euros chacun. Pour ce même prix, vous avez une petite tablette de Toblerone en Suisse. Après s'être remplis le gosier, nous débuterons la longue et progressive montée vers Similaun Hütte pour retrouver l'Italie que nous avons quitté depuis maintenant un mois.

Le terrain est assez aride et contraste avec les glaciers face à nous.

Le nom du massif montagneux où nous nous trouvons a donné son nom à une découverte plutôt extraordinaire dans les années 1990. Le 19 septembre 1991, des randonneurs découvrent un corps perché à 3200m d'altitude près d'un glacier, sur la frontière italo-autrichienne. Ils pensent tout d'abord à un randonneur décédé en montagne. Mais il s'agira en fait d'une momie datant de 2600 avant J.C. conservée grâce au glacier. La fonte de celui-ci l'a révélée au grand jour. Il a été prénommé ''Ötzi'' ou ''Homme de Similaun'' du fait de sa localisation. Les scientifiques ont évalué son âge, son poids et sa taille. Ötzi était âgé de 45 ans au moment de sa mort. Il mesurait entre 1m59 et 1m65 pour un poids d'une cinquantaine de kilos. Les chercheurs ont également réussi à connaitre les raisons de sa mort : une mort qui fut violente puisque non seulement il présentait de nombreuses fractures caractéristiques des chutes en montagne, il avait également une plaie à la main signe d'un coup de couteau reçu 24 à 48h avant sa mort. Enfin, pour le médecin légiste l'ayant étudié, la mort d'Ötzi est le résultat d'une flèche au niveau de l'omoplate. Il est donc probablement mort lors d'un conflit. L'autopsie a aussi révélé son régime alimentaire, qu'il était atteint de la maladie de Lyme, d'arthrite et d'athérosclérose au niveau des poumons (encrassement de ceux-ci du fait de la fumée des feux de camps). Son histoire a d'ailleurs fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 2017 avec le film ''Iceman''.

En nous dirigeant vers Similaun Hütte, nous croisons le panneau indiquant la direction à suivre pour atteindre le lieu où Ötzi a été retrouvé. Nous décidons de grimper dans cette direction. Or, après quelques kilomètres, nous nous rendons compte que ce lieu se situe bien trop haut et complètement hors de notre itinéraire de base. Nous nous contenterons donc de rejoindre le refuge pour descendre ensuite en Italie.

Vallon menant à Similaun Hütte.
Depuis le refuge, nous observons les alpinistes traversant le glacier. Ils ont dû gravir Similaun dans la matinée.
La cordée de Similaun.
Similaun Hütte 3019m.

Côté italien, c'est un véritable mur qu'il nous faut dévaler avant de retrouver les alpages verdoyants de Vernago (- Vernagt) et son barrage. Nous en avons fini avec l'Autriche, pour le moment. Nous retrouverons ce pays après le Massif des Dolomites.

Descente du Rifugio Similaun, côté italien.
Vernago et son barrage.

Arrivés à ce petit hameau, nous n'avons pas du tout l'impression d'avoir quitté l'Autriche. Tout est encore indiqué en allemand : restaurant, panneau de circulation, hôtel. Nous ne nous attendions pas à ce que le Sud-Tyrol italien soit si imprégné de la culture germanique.

Il y a une raison à ce mélange des cultures. Ce territoire, autrefois austro-hongrois, est devenu italien après la Première Guerre mondiale en application du Traité de Saint-Germain en Laye de 1919 alors même que 90% de la population était germanophone. Ce traité a organisé la dislocation de l'Autriche-Hongrie en vertu du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ce territoire fait l'objet de transactions territoriales entre l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste, le projet d'italianisation du Sud-Tyrol voulu par Mussolini ayant échoué. Ce territoire a ainsi été géré par les nazis lors de l'effondrement du pouvoir fasciste italien en 1943. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Sud-Tyrol est restitué à l'Italie mais ce pays étant du côté des vaincus, la toute nouvelle République Italienne a dû se contraindre à adopter une législation mettant en place une autonomie de la province au sein de l'organisation administrative italienne. Juste avant la mise en place de l'autodétermination de ce territoire, le Président du Conseil italien de l'époque décide de fusionner le Sud-Tyrol avec le Trentin afin de rétablir un certain équilibre entre les italianophones et les germanophones et diminuer ainsi les risques de tentatives d'indépendance de cette région. Cette région est ainsi nommée Trentino-Alto Adige (- Trentino-Südtirol). De nombreuses crises ont eu lieu dans ce territoire puisqu'une partie de la population germanophone réclamait son rattachement avec la République d'Autriche. Ceci conduira même à des attentats terroristes contre les forces de l'ordre et les populations italiennes. Dans les années 1970, un nouveau statut d'autonomie est mis en place dans ce territoire. Il devient ainsi un des territoires bénéficiant le plus d'autonomie en Europe. Par exemple, les écoles sont divisées en fonction de la langue, les villes et villages ont un nom italien et allemand, le bilinguisme est obligatoire pour les employés publics, et la répartition des emplois publics se fait proportionnellement au groupe linguistique. Encore aujourd'hui, seulement un quart de la population du Sud-Tyrol parle l'italien. Nous n'en avons donc pas fini avec les ''halo''.

Bivouac au milieu de la forêt de mélèzes.

La prochaine étape sera rude puisqu'après une traversée en fond de vallée nous grimperons pas moins de 2400m de dénivelés pour atteindre les plateaux et les crêtes du Parco Naturale Gruppo di Tessa, la branche italienne du Naturpark Ötztal. Il s'agit toujours du même massif montagneux et les Alpes de l'Ötztal n'ont pas fini de nous en mettre plein les yeux. Nous quittons par la même occasion la Via Alpina jaune qui se contente d'une traversée en balcons de vallée jusqu'à Merano.

Traversée du Val Senales (- Schnalstal) avec l'église de Monte Santa Caterina (- Katerinaberg).
Surprise à l'orée du bois. La biche s'empresse de déguerpir avec ses petits.
Une fois dans l'alpage, c'est un véritable mur qui se dresse face à nous pour atteindre le Passo di Cengle (- Ginggljoch) 2938m. Sur 300m de dénivelés positifs, le sentier part à la verticale dans le pierrier.
De l'autre côté du col, nous pénétrons dans le Parco Naturale Gruppo di Tessa (- Naturpark Texelgruppe).
On retrouve par moment nos moutons favoris.
Au Rifugio Cima Fiammante (- Lodnerhütte), deux torrents se rejoignent, l'un glaciaire, l'autre non.
Les montagnes du Parco Naturale.
On grimpe une nouvelle fois en direction du Grosser Tablander See (pas de nom italien pour celui-là) puis au Passo di Lazins (- Halsljoch).
Depuis le col, la fin de journée dévoile d'étranges nuages dans le ciel.
De l'autre côté du Passo di Lazins 2808m. Tout à droite, on peut apercevoir une toute petite tâche orange sur la montagne.

Si les Alpes italiennes ont bien un avantage par rapport aux autres pays, c'est la présence de bivaccos dans ces montagnes. Les bivaccos, que l'on traduirait par ''bivouac'' en français au sens de petite cabane, sont de petites installations perchées dans les montagnes, notamment en Italie et en Slovénie. De taille, de forme et de modernité différentes, les bivaccos sont présents en nombre dans les Alpes italiennes. À l'intérieur vous pourrez y trouver des couchages et parfois même de l'eau et de la nourriture laissées par les randonneurs de passage. Ces installations sont gérées par le Club Alpino Italiano (CAI). Elles sont une aubaine pour les randonneurs en itinérance comme nous, nous permettant d'avoir un toit, un minimum de chaleur et de confort le temps d'une nuit.

Nous ne savons pas vraiment pourquoi ce ''concept'' du bivacco est surtout présent en Italie et en Slovénie. Une hypothèse viendrait du fait que ces installations de fortune sont construites au lieu même où un drame s'est produit : mort d'un randonneur ou d'un alpiniste et serait donc là pour éviter qu'un nouveau drame ne se produise. C'est en tout cas ce que nous en avons déduis au vu des noms et des photos de personnes disparues dans les différents bivaccos que nous avons eu la chance de croiser sur notre chemin. Certains portent également le nom d'alpinistes de renom alors même qu'ils ne sont pas mort sur les lieux. Peut-être en guise d'hommage.

Dans le pierrier séparant le Passo di Lazins et le bivacco, nous rencontrons un groupe de bouquetins profitant des derniers rayons de soleil.
Voilà la petite merveille : le Bivacco Eugen Guido Lammer situé à une dizaine de mètres du Milchseescharte, à 2700m d'altitude.
Le paysage autour du bivacco est exceptionnel. Au Nord (à gauche) de nombreux pics montagneux, et au Sud (à droite) un plateau avec plusieurs lacs.
Le bivacco et ses arêtes vus du ciel.

L'intérieur du bivacco est composé de 5 couchages avec matelas et couette, une étagère avec des ustensiles et un peu de nourriture, une table à manger avec des bancs, des tabourets, des bidons d'eau (remplis !), une trousse de secours et même un peu de cannabis ! Tout est en place pour passer une bonne soirée, perdus au milieu de la montagne. Seul bémol : il n'y a pas assez d'eau pour prendre une douche. Mais grâce aux matelas et aux couettes nous ne sommes pas obligés de souiller nos affaires de nuit.

Il n'y a pas de système de réservation dans ces installations c'est la règle du ''Premier arrivé, premier servi'' qui s'impose. Dans notre cas, personne à l'horizon et assez d'eau pour se remplir la panse dignement. La seule obligation tient à laisser les lieux propres et sans dégradations.

Tombée de la nuit autour du bivacco.
Repu, et pas déçu.

Le lendemain nous avons pour objectif d'atteindre la ville de Merano (- Meran) et ce, assez tôt dans la journée pour pouvoir laver nos affaires et nous ravitailler. 2500m de dénivelés négatifs nous séparent de la ville, il nous faut donc mettre le réveil assez tôt. C'est à 4h50 que nous quittons le Bivacco Eugen Guido Lammer pour rejoindre le plateau des lacs. Or, un événement va nous retenir plusieurs dizaines de minutes au Milchseescharte : le plus beau lever de soleil de notre voyage. Peu de propos, seulement une succession de photos :

Panorama au Milchseescharte 2710m : des Alpes de Sarntal aux Massif des Dolomites.
Les Dolomites se décalquent vers l'Est : à gauche on reconnait le Massif du Sassolungo suivi de la Marmolada. À droite le Massif de Sciliar-Catinaccio.
Nous ne discuterons que très peu entre nous lors de ces instants. Trop occupés à contempler le soleil se lever, doucement mais sûrement.
Après le ciel, ce sont les nuages qui s'enflamment.
Ciel de feu au-dessus des Alpes.
Puis c'est l'explosion.
Pas un brin d'air au lever du soleil, permettant même aux nuages de se refléter dans les lacs.

Après de nombreuses minutes à contempler ce spectacle unique, nous commençons la descente du vertigineux Milchseescharte. Les lacs du plateaux partageront leurs plus beaux reflets.

Innerer Milchsee.
Ausserer Milchsee.

Après les premiers lacs, nous commençons à mettre le turbo pour ne pas arriver trop tard à Merano. Nous quittons les plateaux pour atteindre une forêt surplombant la ville. Au fur et à mesure que nous descendons, la chaleur fait son retour jusqu'à en devenir étouffante une fois en bas des montagnes.

Une ambiance méditerranéenne règne dans Merano et ses alentours. La ville est situé à 300m d'altitude, des pins parasols jalonnent les rues, l'architecture colorée typique des villes du Sud nous fait vite oublier que quelques heures plutôt nous étions emmitouflés dans notre doudoune en train de contempler un lever de soleil à 2700m d'altitude.

Une autre caractéristique de cette vallée : les immenses et nombreux champs d'arbres fruitiers, des pommiers notamment, et de vignes. Les hauteurs de Merano sont un trésor agricole. Le Sentiero della Mela (- Apfelweg) et le Sentiero del Vino (- Weinweg) constituent des circuits touristiques autour de la commune de Tirolo (- Dorf Tyrol), juste en amont de Merano. C'est une véritable salade de fruits que nous pouvons déguster en traversant ces champs jusqu'au centre-ville de Merano.

Sentiero della Mela (- Apfelweg) au dessus de Merano.
Centre-ville de Merano. Ville notamment connue en Italie pour son centre thermal.

Cette septième étape alpine se termine dans la chaleur et l'affluence touristique dignes de la Côte d'Azur. Il ne manque que la mer et l'on s'y croirait. Cette ville nous permet de nous ravitailler en nourriture mais aussi en matériel : un nouveau matelas de sol pour moi, quelques sardines pour la tente qui remplaceront celles qui ont été tordues au cours du périple et nous retrouvons enfin des plats lyophilisés, chose que nous ne trouvions plus depuis Courmayeur !

Cette traversée entre l'Autriche et l'Italie, entre le Tyrol et le Sud-Tyrol a été une réelle découverte. Les Alpes de l'Ötztal et leurs parcs nationaux autrichien et italien ont été l'une des révélations de cette Via Alpina. Nous sommes passés des glaciers au climat de la Méditerranée en l'espace d'une matinée. Terres de contrastes, de mélange des cultures, d'évasion, les Tyrols nous ont surpris plus d'une fois. Mais nous ne quitterons pas le Sud-Tyrol de si tôt. Cette région s'étend sur un territoire plutôt vaste et nous accompagnera jusqu'aux Dolomites. Mais d'ici là, il nous faut franchir les Alpes de Sarntal et de Zillertal, massifs qui seront au coeur de notre huitième étape de la Via Alpina.

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Nicolas Thiers
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