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L'ascension du Mont Ténibre Circuit entre la Vallée de la Stura et la Haute-Tinée

Réalisée entre le 23-25 avril 2023

Week end maussade en perspective sur les Alpes du Nord. L'occasion pour nous de se faufiler plus profondément dans les Alpes du Sud. Ces dernières seront, selon les prévisions, moins touchées par le flux de Nord et la grisaille qui nous arrivent tout droit du Bénelux et d'Allemagne. Et tant qu'à faire, nous allons mettre toutes les chances de notre côté en nous rendant dans le massif le plus méridional des Alpes françaises : le Mercantour et son parc national.

Petit bémol, en venant du département de l'Isère, et bien que la majorité des grands cols alpins ait ouvert ces derniers jours, le principal d'entre eux, en ce qui nous concerne, reste bel et bien fermé. Le Col de la Bonnette, perché à 2715m, reliant la Vallée de l'Ubaye à celle de la Tinée est toujours empêtré dans les congères malgré des quantités de neige bien maigres en cet hiver 2022-2023. Pour accéder au Massif du Mercantour, nous avons donc deux possibilités : rouler plus de 6h en contournant l'Arc Alpin jusqu'à remonter la Vallée de la Tinée ou bien le traverser jusqu'à atteindre le Col de Larche et ainsi partir à l'assaut du massif depuis son versant italien. Et c'est bien cette dernière option qui sera choisie.

Un sommet en particulier nous fait de l'oeil dans ce massif : il s'agit du Mont Ténibre 3031m. Il fait partie du petit groupe de sommets du Mercantour dépassant les 3000m et s'élève ainsi comme le plus septentrional d'entre-eux. Le Mont Ténibre constituera donc l'objectif de ce circuit entre l'Italie et la France. L'accès le plus simple se fait depuis la France et plus précisément depuis la Vallée de la Haute Tinée. La prise en compte de l'enneigement, notamment à cette altitude, est un paramètre non négligeable pour l'ascension de cette montagne et ce, même si le printemps a déjà pris ses quartiers, en particulier dans les Alpes du Sud.

Partir de l'Italie pour accéder à un sommet côté français rend d'autant plus important la praticabilité des cols alpins. Depuis nos voisins transalpins, les cols d'accès au versant français du Mont Ténibre dépassent tous les 2500m d'altitude et se retrouvent donc dans leur totalité enneigés. Effectué un circuit dans la zone est donc un pari pour nous, simples randonneurs pédestres. Raquettes et petits crampons sont les premiers équipements que nous accrochons à nos sacs à dos avant le départ puis, dans une matinée dominicale fraiche et humide, nous nous mettons en route pour les Alpes du Sud.

Passé le Col de Larche 1997m (- Colle della Maddalena en Italien), on poursuit notre route côté Italien en longeant le torrent de la Stura di Demonte. On traverse les quelques petits villages désaffectés coincés entre le Massif du Chambeyron et celui du Mercantour jusqu'au hameau de Primavera, lieu de départ de notre randonnée.

Etape 1 : La montée vers le Refuge de Vens.

L'objectif du jour est simple : passer côté français avant que la perturbation prévue en fin de journée n'atteigne les Alpes. Les nuages sont déjà en nombre sur le Mercantour, mais quelques éclaircies arrivent à trancher la couche nuageuse. Il n'en fallait pas moins pour nous mettre en route en direction du Col de Fer (- Colle del Ferro) : notre porte d'entrée vers la Vallée de la Tinée, vers la France.

Depuis la Vallée de la Stura, vallée qui descend du Colle de la Maddalena en direction de la ville de Coni (- Cuneo en français), on part à la perpendiculaire en remontant le Val Forneris, et ce dans son entièreté jusqu'au Colle del Ferro. La première partie s'effectue quasiment au niveau du talweg du vallon et l'inclinaison n'est pas bien importante.

Dès les premiers kilomètres, on aperçoit notre porte d'entrée vers la France, au centre de la photo. Pour le moment, la visibilité semble bonne pour l'ascension du Colle del Ferro.

Le Val Forneris est bien terne en ce début de printemps. la végétation n'a toujours pas redémarré malgré la fonte des neiges. Mélèzes et alpages sont encore grillés par le gel de l'hiver. Seules quelques fleurs téméraires poussent à l'abri, dans le sous-bois.

De nombreuses Hépatiques Nobles tapissent le sous-bois du mélézin.

Après avoir grimpé un ressaut d'un peu plus de 200m de dénivelés, on arrive à un nouvel alpage. Le contraste est flagrant entre le versant Sud et le versant Nord de la montagne. On s'élèvera petit à petit sur le versant Sud du vallon avant d'atteindre le fond de celui-ci, en contrebas de l'aiguille rocheuse que l'on aperçoit au loin.

Les éclaircies se font plus franches par moment. Marmottes et biches paissent paisiblement dans l'alpage avant de détaler en nous apercevant.
L'ambiance printanière est totalement absente dès que l'on lève les yeux vers les imposant pics rocheux qui surplombent le Val Forneris.
Purge printanière.

Au niveau du Pian Belvedere, la neige fait son apparition. Les langues de neige molle rendent plus difficile la progression vers le col. On chausse donc dès à présent nos raquettes. Nous sommes à 2200m d'altitude.

La couronne de l'ancien roi du Val Forneris.
Le Colle del Ferro se trouve caché par l'aiguille rocheuse de droite.

Après le Pian Belvedere, il n'y a plus aucune indication, visible tout du moins. C'est à vue que l'on se dirige vers le pied de l'aiguille rocheuse pour ensuite la contourner et grimper jusqu'au Colle del Ferro.

Sur la ligne de crête du Monte Peiron, on aperçoit quelques bunkers. Signes des tensions passées entre les deux voisins transalpins. Le Massif du Mercantour est parsemé d'anciennes fortifications militaires, françaises et italiennes. Alors qu'aujourd'hui les habitants des deux pays passent et repassent les frontières, parfois même sans le savoir, quelques caprinés, notamment les bouquetins du massif, s'abritent dans ces ruines d'altitude.

On grimpe les derniers ressauts pour prendre d'assaut le Colle del Ferro. Toujours aucune trace de pas ni de ski lors de l'ascension : nous ouvrons la voie. Un peu avant le col, un imposant pic dolomitique apparait plus au Nord : il s'agit de la Tête de Moïse 3104m (- Monte Oronaye) située dans le Massif du Chambeyron.

Après 3h30 d'ascension, on atteint le Colle del Ferro 2584m et l'on repasse en France, sur la Vallée de la Haute Tinée. On poursuit légèrement à niveau pour franchir le Collet de Tortisse 2591m. Depuis ce col, on surplombe le vallon des Lacs de Vens.

Les sommets du Mercantour sont de plus en plus malmenés par la nébulosité. Face à nous, le sommet du Claï Supérieur 2982m est totalement invisible et le restera tout le long de notre descente vers le Refuge de Vens. On retrouve cependant quelques traces de vie, le côté français semblant davantage parcouru que le côté italien par les bipèdes que nous sommes.

Un peu plus en aval du Collet de Tortisse, on devine enfin le petit Refuge de Vens et ses deux lacs. Ces derniers sont légèrement bleuit par l'arrivée des beaux jours, Leur couche de glace a débuté, malgré des nuits encore bien fraiches, son dépérissement printanier.

Encore quelques lacets a effectué en versant Sud pour rejoindre le Refuge de Vens. On déchausse donc nos raquettes avant de buter face à une merveille géologique.

Porte d'entrée dans le Vallon de Vens, cette arche ne se trouve qu'à quelques mètres en amont du sentier nous menant vers le refuge.

Le Refuge de Vens se situe à près de 2400m d'altitude. Il surplombe directement le Lac supérieur de Vens et précède le Vallon du Ruisseau de la Montagnette qui grimpe jusqu'au Pas de Vens (au loin sur la photo de droite). Ce col pourrait être une option de choix pour rejoindre le Mont Ténibre le lendemain, d'autant plus que l'on aperçoit quelques traces montant dans le vallon. Nous aurons la soirée pour appréhender l'étape du lendemain.

Un peu avant d'atteindre le refuge, on profite des sources environnantes pour faire le plein d'eau. On sent par la même occasion l'odeur du feu de bois, signe que nous ne serons pas seuls ce soir là. Pas de panique, une vingtaine de places sont mises à la disposition des randonneurs en période hors gardiennage.

En période hors gardiennage, le Refuge de Vens 2380m est une bâtisse relativement modeste. Le strict nécessaire est mis à disposition des aventuriers de la saison hivernale : un hall d'entrée pour stocker le matériel, la salle commune contenant des tables, des bancs et un poêle ainsi qu'un dortoir d'une vingtaine de places. Que l'on se trouve dans le dortoirs ou dans la salle commune, le refuge est orienté de telle façon que nos yeux portent sur le vallon des Lacs de Vens, plein Ouest.

Quelques minutes avant de prendre place dans nos lits douillets, la perturbation touche finalement les Alpes du Sud. D'abord sous forme de pluie, les précipitations se transformeront rapidement en neige accompagnées de quelques bourrasques de vent. Reste à voir si celle ci se sera évacuée vers l'Est demain matin.

Etape 2 : Du Refuge de Vens au Refuge de Rabuons.

Au petit matin, la vue depuis le Refuge de Vens nous donne l'impression que la journée sera belle et ensoleillée. le chaînon de la Pointe Côte de l'Ane 2916m, sur l'autre versant de la Vallée de la Haute Tinée profite des premiers rayons lumineux.

La perturbation de la nuit n'a été que très peu active sur les Alpes du Sud. Un léger saupoudrage recouvre les massifs des Alpes-Maritimes au-dessus de 2000m. Rien ne remet donc en cause la praticabilité des sentiers. Au contraire, le regel nocturne aidera à la progression en crampons ou en raquettes.

Il ne nous reste plus qu'à décider de l'itinéraire du jour pour rejoindre le Refuge de Rabuons. Nous avons le choix entre la version haute et la version basse. Par version haute, on entend l'ascension successive du Pas de Vens puis du Mont Ténibre ce jour-ci, le tout en face Nord. Par version basse, il s'agirait de rejoindre le Refuge de Rabuons par un sentier principalement en balcons au-dessus de la Tinée, entrecoupé de quelques cols, tout en restant à des altitudes relativement modestes, entre 2300 et 2500m.

Dans tous les cas, du fait qu'il nous faille repartir côté italien le lendemain, le Mont Ténibre se retrouvera de facto sur notre itinéraire. Les cols les plus simples d'accès dans les alentours du Refuge de Rabuons se trouvant près de sa cime. On décide donc de retarder notre ascension du Mont Ténibre d'un jour et d'opter pour la longue traversée reliant les deux refuges du Nord du Mercantour. Ainsi, on évitera les probables galères dans les faces Nord et l'on grimpera le 3000 par sa face Sud, encore faut-il que le temps se stabilise de nouveau la journée suivante.

Contrairement à la veille, le vent semble être de la partie aujourd'hui. Les crêtes et les cols voient leurs flocons tombés pendant la nuit s'envoler violemment à chaque rafale.

Dès 8h du matin, on quitte le Refuge de Vens en direction de celui de Rabuons. Les panneaux indicatifs prévoient 5h de traversée. Mais le terrain enneigé augmentera probablement notre temps de progression.

Dans un premier temps, on passe aux abords des deux Lacs de Vens. Leur banquise a retrouvé sa parure d'hiver et leur fonte est stoppée par quelques jours de refroidissement dans les Alpes.

Les rayons frôlent tout juste la surface gelée du lac supérieur et nous nous mettons en route. Le vent reste pour le moment cantonné aux points hauts du Mercantour.

En longeant les Lacs de Vens, notre objectif est de rejoindre un sentier partant dans le petit vallon sous la pointe ensoleillée au centre de la photo.
Malgré le regel, pas question de tenter la traversée du lac. On ne sait pas si la glace s'est suffisamment densifiée en une nuit pour supporter le poids de nos corps.

Une fois les Lacs de Vens traversés dans leur intégralité, on pique plein Sud dans un vallon ombragé et totalement enneigé. On part à l'assaut du Lac des Babarottes et de son col. De nouveau, nous ouvrons la trace entre les quelques mélèzes qui peuplent les lieux.

Rapidement, on atteint le Lac des Babarottes. On cherche à relier les langues de neige sur l'autre rive pour progresser vers le col à droite de la photo.

Plus au Nord, on aperçoit quelques nuages caressant les cimes alpines. Le Col de la Bonnette semble être aujourd'hui la limite naturelle entre les Alpes du Nord et les Alpes du Sud, entre les Alpes ennuagées et les Alpes ensoleillées.

Sur la gauche en arrière plan, on aperçoit l'ultime crête marquant les derniers sommets du Mercantour. On y trouve notamment la Tête de l'Enchastraye 2954m totalement dans les nuages au centre. Le gros col est en réalité le Pas de la Cavale 2673m, point clé du GR5 remontant vers les Alpes du Nord. De l'autre côté le Vallon du Lauzanier et le Col de Larche.

La tempête fait rage sur les cimes du Mercantour. Ici, le Claï Supérieur 2982m se voit orné d'une chevelure de neige et de glace. On perçoit tout de même son cairn sommital.

''Claï'' signifie ''Clapier'' en niçois. Dans l'arrière pays provençal, les clapiers désignent des tas de pierres

Le Col des Babarottes 2509m est l'occasion d'amplifier le panorama vers le Sud du Mercantour. Notamment de l'autre côté de la Vallée de la Tinée où s'érige fièrement le Mont Mounier 2817m. Au premier plan, on distingue les pistes et la station d'Auron.

Du Claï Supérieur au Mont Mounier.

Après avoir franchi le Col des Babarottes, on chute d'une centaine de mètres pour aller chercher le sentier en balcons qui nous accompagnera jusqu'au Refuge de Rabuons : le bien nommé Sentier de l'Energie.

Ce sentier long de 8km surplombe la Vallée de la Tinée aux alentours de 2300m d'altitude. Il relie le Vallon de Claï, où nous nous trouvons, et le Vallon du Rabuons. Ce chemin a été construit au début des années 1920 dans le but d'y exploiter le potentiel hydraulique des lacs de la partie Nord du Mercantour. Ces sentier permettait donc l'acheminement des matériaux et facilitait le déplacement des ouvriers. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale que le projet hydroélectrique a été abandonné. Ainsi, seule la prise d'eau du Lac de Rabuons a été percée et est toujours en cours d'exploitation aujourd'hui. Sur la majeure partie du Sentier de l'Energie seuls quelques aménagements sont encore visibles tels que des poteaux électriques ou des baraquements. Depuis la création du Parc National du Mercantour en 1979, la quasi totalité du Sentier de l'Energie forme la frontière du parc dans cette zone.

Début du Sentier de l'Energie, au niveau du Vallon du Claï.

Sur le Sentier de l'Energie se succède les cirques rocheux du Nord du Mercantour. On alterne portions en versant Sud et portion en versant Nord. Alors que le versant Sud et dénué de toute plaque de neige, le versant Nord présente de nombreux couloirs où la neige s'est accumulée et conservée. Les crampons sont indispensables à cette saison pour parcourir ces quelques kilomètres en balcons, d'autant que 1300m séparent le sentier du fond de vallée.

Une fois dans le Vallon des Lacs Marie, on a une vue panoramique sur la suite du Sentier de l'Energie. En face, on distingue bien les couloirs de neige qui vont nous donner quelques fils à retordre durant leur traversée, mettant notre équilibre à rude épreuve.

Différence entre versant Sud et versant Nord.
Face à nous, le Vallon de Demandols avec la Cime de Pal 2818m.
Quelques chamois détalent dans les pentes abruptes à notre passage.

En passant la partie basse de la Crête de Balaï, on fait enfin face à notre objectif du week end : le Mont Ténibre 3031m. Cependant, aujourd'hui, on se contentera de le contourner via le chemin de l'énergie qui poursuit sa route vers le Sud.

Zoom sur le géant du coin. En passant par le Pas de Vens, nous serions arrivés par le vallon de gauche avant de repartir vers le sommet par le vallon bien enneigé au centre gauche.
Quelques tunnels facilitent le franchissement de blocs rocheux sur le sentier de l'énergie. On ne se rend peut-être pas vraiment compte aujourd'hui, mais la construction de ce sentier dans les années 1920 relève de prouesses à la fois technologiques et humaines pour l'époque.

Au niveau du Plan du Ténibre, petit plateau lacustre marquant une pause plane sur le sentier de l'énergie, on trouve quelques bâtisses qui servaient d'abris aux ouvriers et à leurs montures (ânes et mulets principalement) lors de la construction des projets hydrauliques de la région. On profite des sources des alentours pour déjeuner avant de poursuivre notre route.

Dans la continuité du Plan du Ténibre, et en direction du Refuge du Rabuons, des panneaux indiquent la fermeture d'une portion du Sentier de l'Energie ainsi que la mise en place d'un itinéraire alternatif passant par un col en amont et le Lac de Fer. En cause, l'effondrement d'un des tunnels du sentier. Nous n'avons d'autres choix que d'emprunter la rude montée vers le Lac de Fer.

Depuis le Plan du Ténibre, on monte quasiment à la verticale les quelques 200m de dénivelés qui séparent le plateau du col.
Depuis le Lac de Fer, le Mont Ténibre est toujours visible. Le vent semble s'être calmé sur les cimes du Mercantour. On espère vivement avoir une météo identique le lendemain pour son ascension.

Après ce crochet au Lac de Fer, on peut de nouveau rejoindre le sentier de l'énergie. Cette fois la neige accélère notre progression vers petit cirque du Lac Petrus.

La neige disparaît peu à peu du sentier tout comme de ses abords.

Au franchissement d'une crête, on débouche sur le Vallon de Rabuons. On distingue d'ailleurs le petit refuge au loin sous la Tête des Chalanchas 2978m. La verticalité des abords du sentier est encore plus radicale. Fort heureusement, son exposition plein Sud a fait disparaitre totalement la neige de cette paroi.

Malgré la verticalité des lieux, nous croiserons de nombreux caprinés, notamment des bouquetins, qui se savent intouchables tant par la protection que leur confère le parc national que par notre impossibilité à les rejoindre dans ces pentes abruptes.

Un groupe de petits nouveaux.
Tandis que d'autres se prélassent tranquillement au soleil.
L'aigle royal est également de la partie.
Petit aperçu des dernières centaines de mètres sur le Chemin de l'Energie.
Sur la droite, le Mont Ténibre. Cependant le vallon entre le sommet et le refuge ne constituera pas notre itinéraire d'ascension.

En arrivant au Refuge de Rabuons, le bâtiment est déjà pris d'assaut par un groupe d'une dizaine d'Italiens. Après un tour rapide des environs, on part se faufiler dans les entrailles du refuge pour y installer nos lits. Plus de vingt places sont mis à la disposition des randonneurs, mais sait-on jamais, on préfère assurer notre nuit.

Non loin du Refuge, on aperçoit le Lac de Rabuons encore pris par les glace. Au centre, le Grand Cimon du Rabuons 2995m. Le lendemain, on se dirigera quasiment jusqu'à son pied avant de bifurquer sur la gauche en direction du Mont Ténibre.

Le Lac de Rabuons est le plus grand lac des Alpes-Maritimes. Avec ses 100m de profondeur, il est également l'un des plus profond des Alpes. Cependant, malgré le cadre minéral exceptionnel de ses environs, l'établissement d'une conduite de captage de ses eaux ne lui permettait pas remplir les critères d'adhésion au Parc National du Mercantour. Ainsi, la frontière du Parc se situe légèrement en amont de sa rive Nord, l'excluant de fait de la zone de protection.

Situé directement au-dessus de la Vallée de la Tinée, le réseau est accessible depuis le Refuge de Rabuons. On peut ainsi étudier nos possibilités de retour du côté italien pour le lendemain ainsi que les conditions météorologiques. Il semblerait que les prévisions soient bonnes pour la matinée. On opte également pour le Pas du Ténibre, non loin du sommet éponyme, pour basculer côté italien. Sur la carte, la pente semble importante sur quelques mètres sans pour autant être infranchissable en hiver. On espère la présence de quelques traces de skieurs pour nous rassurer sur cette portion. Mais le temps semble déjà à notre avantage.

Malgré le brouhaha du groupe d'Italiens, on se faufile sous les couettes du refuge puis on entame notre courte nuit : le réveil est prévu à 5h du matin. On pourra ainsi maximiser la période de beau temps et l'état de la neige ne pourra être que meilleur.

Etape 3 : L'ascension du Mont Ténibre et le retour en Italie.

On se réveille tranquillement sans trop brusquer les Italiens qui roupillent encore profondément. On déguste notre cappuccino puis l'on s'équipe pour affronter la nuit alpine. Dans le refuge, on entend quelques bourrasques malmener les volets du bâtiment. Mais les étoiles sont de la partie. A 5h45, équipés de nos frontales, on part à l'assaut du Mont Ténibre. A cette heure-là, vers l'Est, les sommets se décalquent à peine dans le ciel.

Depuis le refuge, on contourne le Lac de Rabuons sur sa rive Nord. On suit quelques timides traces de raquettes mais les crampons sont amplement suffisant pour progresser tant la couche de neige est dure à l'aube.

Une fois passés de l'autre côté du lac, on emprunte un petit couloir enneigé nous menant vers deux nouveaux lacs : le Lac Chaffour et le Lac du Cimon. Les rafales sont encore modestes dans le vallon et rapidement l'heure bleue laisse place à une palette de couleur de plus en plus variée. Les sommets du Mercantour ne devraient pas tarder à être frappés par les premiers rayons du soleil.

Au centre la Cime d'Ischiator 2929m suivi du Corborant 3007m à droite se confondant avec la Tête des Chalanchas 2978m. Tous ses sommets sont autant de possibilités de randonnées alpines dans les environs du Refuge de Rabuons.
Au loin, le Mont Mounier baigne lui aussi sous le soleil.
L'ombre du Grand Cimon du Rabuons se dessine sur cette montagne. L'arête enneigée sur la droite constituera notre ultime grimpette vers le Mont Ténibre. Cependant, la pointe sommitale ne sera visible qu'au dernier moment. On se dirige pour le moment vers le Pas de Rabuons.
On passe en amont du dernier lac de notre itinéraire d'ascension : le Lac de la Montagnette.
Nous ne croiserons qu'un couple de lagopèdes lors de l'ascension.

En arrivant au Pas de Rabuons 2872m, on fait face à une muraille de pics rocheux dépassant tous les 2900m d'altitude. Le vent fait également une apparition remarquée. Il n'est cependant pas continu et se caractérise par des rafales successives.

On en profite pour étudier la praticabilité du Pas de Rabuons. De nombreuses traces de skieurs sont présentes dans son couloir. Et vu du dessus, ce passage ne semble pas si difficile que cela tant par la présence de traces que par l'état de la neige. On prend donc note de cette alternative en cas de difficultés au Pas du Ténibre. Pourtant, aucun sentier n'est indiqué menant à ce pas sur nos cartes.

Depuis le Pas de Rabuons, on poursuit vers l'antécime du Mont Ténibre. Les rafales s'enchainent et la neige fouette notre visage. Plus qu'une centaine de mètres d'ascension.
Lors d'une faiblesse de l'arête, on apercoit pour la première fois le Mont Viso. Comme la veille, les nuages se cantonnent au Nord de l'Arc Alpin, à partir du Parc Naturel Régional du Queyras.
Vers le Sud, à droite de la pyramide du Grand Cimon du Rabuons, on voit l'imposant dôme du Monte Argentera 3297m. Il s'agit du point culminant du Massif du Mercantour-Argentera, totalement situé en Italie. Sur sa droite, l'une des dernières pointes constitue la Cime du Gélas 3143m, point culminant du Mercantour français.
Sur les derniers mètres, l'inclinaison de la pente augmente légèrement. On surplombe le Val del Piz, au centre, que l'on empruntera durant la descente.

Une fois l'arête atteinte, on voit pour la première fois le dôme sommital du Mont Ténibre et sa croix. Il ne nous reste plus qu'à traverser l'arête en empruntant les quelques traces présentes afin d'éviter de ne pas trop s'approcher des corniches qui jalonnent la crête.

Nous voilà proche des 3000m d'altitude, on surplombe ainsi une bonne partie des sommets du Mercantour.

Le vent ne faiblit pas, au contraire. On approchera des 60km/h au sommet. Juste avant ce dernier, l'arête devient plus effilée. On attend que la rafale passe pour s'engager et ne pas perdre l'équilibre. Le gel et la neige renforcent l'ancrage des blocs rocheux présents sur notre passage.

En regardant vers le Sud-Est, on voit se terminer le Val Stura dans les plaines italiennes. On devine quelques villes, notamment Borgo San Dalmazzo.
Dernier petit col avant la croix.

Il est à peine 8h, et nous touchons la croix sommitale.

Un panorama exceptionnel s'offre à nous depuis le sommet du Mont Ténibre 3031m. Notamment le Mercantour qui s'étire du Nord au Sud de part et d'autre de la frontière franco-italienne. Mais pas seulement. Malgré la nébulosité sur la partie Nord de l'Arc Alpin, on devine le Mont Viso bien entendu, le Massif du Pelat, du Chambeyron et d'Escreins également. Au Sud-Est, la Provence s'étale au pied des Alpes du Sud.

Malgré le soleil et notre position méridionale, on ne se situe qu'à 70km à vol d'oiseau des plages de Nice et de Menton, le vent ne permet pas rester trop longtemps au sommet du Mont Ténibre. On a du mal à s'entendre ainsi qu'à rester debout. On observe vite fait l'état de l'arête conduisant au Pas du Ténibre et, face à l'absence de traces, on se décide rapidement à retourner vers le Pas de Rabuons pour basculer côté italien.

Entre deux rafales, on s'extirpe du sommet.
En contrebas, le soleil vient à peine de se lever sur le Refuge de Rabuons.
Malgré la tempête, le Mont Viso semble bien tranquille au milieu des Alpes.

Un par un on s'élance dans le goulet du Pas de Rabuons. Doucement, on prend le temps de s'assurer que chacun de nos pas soit bien stabilisé. La forte inclinaison rendrait compliqué l'arrêt d'une chute. D'autant plus qu'en contrebas, quelques rochers émergent de la couche neigeuse. Heureusement, sous les quelques centimètres de poudreuse, une couche plus dure permet à nos crampons de mieux adhérer à la pente.

Le Pas de Rabuons depuis le pied de la pente.

Après cette petite dose d'adrénaline, nous voilà finalement en Italie. Il ne nous reste plus qu'à dévaler tranquillement le Val del Piz sur quelques kilomètres avant de devoir changer de vallée pour accéder plus facilement à notre lieu de départ. Le vent est peu présent dans le vallon et la neige toujours aussi stable.

Depuis le Val del Piz, l'imposante face italienne du Mont Ténibre. Sur sa droite, le Pas du Ténibre, quant à lui totalement dépourvu de traces.
Val del Piz.

Aux alentours des 2300m, là où la neige disparait peu à peu au profit des alpages, la vie reprend des couleurs. Les troupeaux de chamois et de bouquetins paissent sur les versant ensoleillés, les marmottes bronzent sur leurs rochers et la végétation s'éveille petit à petit.

Le Passo Scolettas se situe sur la gauche de la photo.

Au milieu des alpages du Val del Piz, il nous faut stopper notre descente pour bifurquer sur la gauche afin de franchir le Passo Scolettas, un petit col à 2200m qui nous permet de basculer sur le Vallone di Pontebernardo. Continuer dans le Val del Piz nous ferait trop descendre par rapport au village de Primavera, notre lieu de départ de ce circuit. En effectuant cette bifurcation, on met pied sur la GTA (- Grande Traversata delle Alpi), l'équivalent de la Grande Traversée des Alpes (le GR5) côté français.

Quelques anémones jonchent les bords du sentiers.
Au Passo Scolettas, chamois et bouquetins broutent tous ensemble.
Il faut maintenant que l'on rejoigne le fond de la vallée. 3km séparent le Passo Scolettas du Rifugio Talarico.
Depuis le fond de vallée, on fait un dernier clin d'oeil aux cimes du Mercantour. En gravissant la partie haute du Vallon de Pontebernardo, on peut rejoindre le Pas de Vens.

Au Rifugio Talarico, une petite route de montagne permet de continuer notre descente vers Primavera. Il nous faut encore avaler 7km de distance avant de retrouver la voiture. L'appel du manger nous fera dévaler ces kilomètres en un peu plus de 2h bouclant ainsi ce circuit autour du Mont Ténibre.

Ciel se voilant au dessus du Val di Stura et du village de Primavera.

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ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :

Created By
Nicolas Thiers
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