C’est à 15km de Bordeaux, en Gironde, dans la petite ville pavillonnaire de Saint-Loubès que Julie Ambal et Xavier Guillot se sont mis à chercher. L’objet de leur quête? Comment Saint-Loubès, petite ville sous influence bordelaise, permet un cadre de vie sociale et spatiale acceptable sous la pression démographique ?
Tout commence en 2018, quand notre duo postule pour la première édition de Popsu Territoires. Julie Ambal finit à l’époque son doctorat en sociologie et possède également un diplôme d’architecte-paysagiste. Xavier de son côté est professeur à l’école nationale d’architecture de Bordeaux. Ensemble, ils ont créé un séminaire «Repenser la métropolisation, construire un monde en transition».
« Notre choix s’est porté sur la commune de Saint-Loubès car j’ai grandi dans la commune voisine. De plus, un étudiant travaillait sur ce territoire et j’ai compris que cette commune était engagée dans la lutte contre l’étalement urbain. C’est un choix de terrain en lien avec notre enseignement. », introduit Xavier Guillot.
Saint-Loubès est une petite ville de 9 509 habitants en prise directe avec la demande de logement issue de la métropole bordelaise, soit 379,3 habitants/km2. Son essor démographique a engendré la naissance d’un espace urbain périphérique constitué de logement pavillonnaires. Les élus ont décidé de réagir en repensant globalement la politique d’aménagement et de logement à l’horizon 2030.
C’est dans ce contexte, que nos deux chercheurs ont décidé de croiser les savoirs scientifiques et opérationnels afin de questionner les enjeux d’un aménagement inédit: une urbanité campagnarde, soit la quête d’une densification vertueuse partant d’une enquête sociologique avec les acteurs locaux, mais aussi à travers une réflexion élargie à la fois géographique, économique et paysagère.
« Nous avons choisi une entrée par entités paysagères suite à nos premiers entretiens et expertises de terrain. », se souvient Julie Ambal, avant de préciser : « la question de l’entité paysagère c’est un jargon de paysagiste, ce sont des espaces qui forment une sorte d’unité géographique, sociale et paysagère ».
« L’idée centrale c’est de sortir de cette vision urbano-centrée de la périurbanisation et dire qu’il y a autre chose : la Dordogne, les coteaux, la viticulture…», poursuit Xavier Guillot.
Sur le terrain, Julie a parcouru le territoire à pieds, en voiture, par beau comme par mauvais temps.
« On a regardé ces entités de manière factuelle, mais on a aussi écouté les gens parler de ces territoires. Par exemple, je mangeais toujours au même endroit et j’ai ainsi créé du lien avec la gérante du bar. », se souvient la paysagiste.
Xavier de son côté a apporté un regard historique sur la commune de par sa connaissance des lieux qu’il a parcouru et vu changer depuis gamin.
Ensemble, ils ont interrogé les habitants, les acteurs du territoire pour affiner ces entités : service de l’urbanisme de la municipalité, architectes, l’association St-Loubès en transition, le bailleur social Aquitanis...
4 entités paysagères composent la commune :
- Le centre-bourg et ses extensions (Eglise, Place de l’Hôtel de ville, Mairie), les habitations anciennes et les commerces puis les extensions avec les zones pavillonnaires et les équipements (salle de spectacle, piscine…) et services publics (collège, école…);
2. Les palus, zone où on trouve de l’élevage, du bâti agricole, le Port de Cavernes;
3. La zone d’activité avec deux types d’entreprises présentes : un tissu de PME et des industries;
4. Les coteaux viticoles et les hameaux, notamment la proximité entre les parcelles cultivées et les récents lotissements.
Une transition post-pavillonnaire : des humains et des terres
Pour valoriser l’accompagnement d’une transition dans l’aménagement, Julie et Xavier ont été aidés par une commune et des élus proactifs dans les démarches écologiques.
« Dans l’urbanité campagnarde il y a le processus d’urbanisation, mais également une posture militante de faire valoir la campagne. C’est une alliance. », affirme Xavier.
« Saint-Loubès, c’est la France vivante. Il y a des gens qui travaillent sur le territoire. Sur la zone logistique, il n’y a pas que des Loubésiens, mais des personnes du bassin métropolitain bordelais. Sur la vigne, il y a des terres sur les coteaux qui ont été revendus, malgré cela des viticulteurs choisissent de faire du vin bio. Ces gens là portent des projets de passion. », se réjouit Julie.
Saint-Loubès, c’est aussi un centre-bourg du 17ème siècle avec des arcades ; des constructions en pierres calcaires typiques de la Gironde, un bâti homogène, des commerces, une gare par laquelle on rejoint Bordeaux en 18 minutes.
« Le centre-bourg est très ramassé. Il y a encore 40 ans il n’y avait que ce bourg alors qu’aujourd’hui le pavillon et la maison individuelle se sont déployés autour du centre. Les équipements publics sont également très concentrés donc la commune essaye de déployer des écoles dans les autres poches d’habitation, notamment dans un ancien château plus proche d’un lotissement de 90 logements. », précise le professeur d’architecture.
Limité par la Dordogne qui irrigue ce territoire, la ville de Saint-Loubès partage avec trois autres communes, le statut de site Natura 2000. Au bord de la rivière, les marais, aussi appelé palus sont des zones de refuges pour la faune et la flore de la région comme la loutre d’Europe ou le Lucane cerf-volant. Quant au quartier de Cavernes, situé dans la partie basse de la ville, il abrite des maisons du 19ème siècle, un port, un restaurant.
Pour découvrir la transformation de la commune de Saint-Loubès, nous vous invitons à lire le carnet de territoires « Urbanité campagnarde : Le paysage, matrice d’un récit de transition à Saint-Loubès (Gironde) » : les résultats de travaux de recherches réalisés entre janvier 2019 et mars 2020 par Julie Ambal et Xavier Guillot et enrichi d'un reportage photo réalisé par Damien Carles à l'été 2022.
Les Carnets de Territoires, aux éditions Autrement, rassemblent les connaissances produites par les plateformes du programme POPSU Territoires. Chaque carnet illustre une étude de cas et aborde les éléments du terrain, les hypothèses de recherche et les résultats, tout en rendant compte des échos que ces résultats peuvent avoir avec des phénomènes nationaux ou des cas proches. Conçus sous la forme de livrets, chaque texte est accompagné d'un reportage photographique, visant à rendre accessible au plus grand nombre les réflexions contemporaines sur les enjeux du territoire.
POPSU Territoires est un programme de recherche-action qui réunit des chercheurs, praticiens et élus afin d’enrichir les connaissances sur les petites villes et les ruralités. Le programme compte aujourd'hui 34 petites villes et autant de thématiques de recherches abordées sur l'ensemble du territoire français. Au cœur d'un système partenarial diversifié, le programme POPSU Territoires piloté par l'Europe des Projets Architecturaux et Urbain est porté avec le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le Ministère de la Culture, le Plan Urbanisme Construction Architecture et l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires à travers le programme Petites Villes de Demain notamment.