Trouver l’inspiration à partir de son bureau Emma Bell-Scollan, l’Université de l’Asie centrale

Quand on parle de travail en développement international, les gens pensent habituellement à du travail de terrain audacieux, à des épreuves personnelles et à des projets qui ont impact direct et immédiatement visible sur les bénéficiaires.

Mais pour la plupart des gens, surtout pour le personnel expatrié, la réalité est toute autre. Je ne veux pas ici minimiser l’impact ou l’importance du travail réalisé, mais plutôt souligner certaines choses constatées lors de mon stage avec la Fondation Aga Khan du Canada (la Fondation) réalisé au Kirghizistan : l’impact est souvent indirect et l’ajout de valeur à un organisme ne se traduit pas nécessairement par un emploi des plus risqués ou exaltants.

À titre d’agente au développement et aux relations avec les donateurs dans un établissement d’enseignement supérieur, je passe énormément de temps à mon bureau, travaillant à des tâches afférentes au financement et à l’administration de projet. Je le répète : énormément de temps. Donc, une des principales leçons de mon stage a été d’apprendre à trouver l’inspiration à partir de mon bureau – de trouver satisfaction dans le travail que je réalise puisqu’il s’inscrit dans un contexte plus large.

Issyk-Kul.

Pour moi, une des façons d’y arriver a été de me renseigner sur les avantages de la recherche pour le développement (RPD). Dans le cadre de notre travail au sein d’un établissement d’enseignement supérieur axé sur le développement, une de nos principales tâches est d’établir des partenariats avec d’autres organismes pour entreprendre des recherches afférentes à un projet donné de développement. La RPD est une méthode permettant d’accroître l’efficacité du développement international. À l’aide de méthodes qualitatives et quantitatives, la recherche peut servir à développer des produits ou des technologies qui aideront les plus démunis, elle nous permet de mieux cerner les projets qui réussissent et les raisons de ces réussites et de mieux comprendre les contextes dans lesquels les projets sont réalisés. La RPD joue souvent un rôle essentiel – celui de répondre aux questions « pourquoi » et comment », tandis que le développement à lui seul ne peut que répondre à la question « si ».

Un des projets qui m’a le plus intéressé à la recherche pour le développement en était un qui visait à atténuer le conflit concernant l’accès aux ressources dans les collectivités transfrontalières du Kirghizistan et du Tadjikistan. Ce projet montre très bien comment la recherche peut venir compléter et renforcer le développement international. Par exemple, des projets traditionnels en développement international pourraient répondre à la question suivante : « Si nous montrons aux gens comment gérer leurs ressources naturelles, est-ce que le conflit concernant l’accès à ces ressources sera réduit? » Grâce à la RPD réalisée dans le cadre de ce projet, nous avons pu étudier les questions cruciales suivantes : « Pourquoi existe-t-il un conflit concernant les ressources naturelles? » Comment l’histoire et l’identité collective affectent-elles ce conflit concernant les ressources? »

Lors d’une réunion trimestrielle à laquelle je participais pour ce projet, j’ai eu l’occasion de visiter Vorukh, au Tadjikistan – il s’agit d’une enclave tadjike entourée de tous côtés par le Kirghizistan, résultat de la reconfiguration des cartes pendant la période postsoviétique. Le jour de notre visite à Vorukh, les garde-frontières kirghizes relaxaient sur la terre battue à l’ombre des feuillus, buvant du thé et jouant sur leur téléphone cellulaire. Cependant, lorsque des conflits transfrontaliers éclatent, généralement concernant les ressources, cette poreuse région frontalière peut devenir très fortement contrôlée.

Vorukh est confrontée à une multitude de problèmes liés à l’accès aux ressources. Lorsque les républiques d’Asie centrale faisaient partie de l’Union soviétique, les frontières étaient ouvertes et il n’y avait pas de barrières pour les ressources. Mais à la chute de l’Union soviétique en 1991, les frontières se sont refermées et chaque pays s’est affairé à protéger ses ressources naturelles pour sa propre population. Cela a donné lieu à des collectivités comme Vorukh – qui sont tadjikes sur les plans éthique, culturel et juridique, mais se trouvent au Kirghizistan.

Lors de notre visite à Vorukh, mes collègues et moi avons participé à une réunion de l’association régionale (djamoate) des utilisateurs d’eau pour y faciliter un atelier sur l’auto-évaluation institutionnelle. Des administrateurs et des membres de l’association participaient à l’atelier. Ils ont fait une série interactive d’exercices d’auto-évaluation dans le but de renforcer leurs capacités en tant qu’organisation. J’ai trouvé cela intéressant d’entendre et de constater moi-même certains des problèmes associés à l’accès aux ressources pour des collectivités comme celle-ci – des collectivités avec des histoires, des relations à leur territoire et à leurs voisins qui sont complexes. Cette expérience illustre clairement pour moi la place de la recherche dans le développement.

La collectivité de Vorukh n’est pas la seule dans un contexte de développement incroyablement complexe, où de simples approches et explications de cause à effet ne sont pas efficaces. La recherche que nous réalisons apporte une autre dimension plus profonde au projet, répondant grâce à la recherche théorique et sur le terrain à des questions judicieuses sur le comment et le pourquoi des liens entre la gestion des ressources, les conflits entre groupes et les politiques gouvernementales. À l’échelle mondiale, le contexte dans lequel ont lieu les interventions de développement ne se simplifie pas, et les gouvernements et autres donateurs exercent une pression croissante sur l’obtention de résultats et de répercussions positives. Par conséquent, ce genre de recherche demeurera essentiel – pour la collecte de fonds d’une part et d’autre part, de façon plus importante encore, pour s’assurer que les collectivités bénéficient des avantages visés par ces projets. Dans le cas de Vorukh, cela signifie des collectivités qui peuvent avoir accès aux ressources aussi basiques que de l’eau et des prés pour y faire paître le bétail.

Tout comme la recherche est importante pour accroître les incidences du travail de développement, j’ai appris que parfois la plus grande incidence que quelqu’un puisse avoir est de faire du travail « moins audacieux », mais pourtant essentiel. La chose est d’autant plus vraie lorsqu’on est confronté à des barrières linguistiques et culturelles, comme je le suis. Je parle peu le russe, et même si j’essaie d’en apprendre le plus possible, ma connaissance et ma compréhension du contexte local resteront toujours limitées. Malgré tous mes efforts, il m’arrive encore de confondre kumis, une boisson kirghize faite de lait de jument fermenté, et komuz, l’instrument national. Par conséquent, une partie de mon aventure en tant que stagiaire a été d’apprendre où et comment je peux apporter de la valeur à l’organisme qui m’accueille. Cette prise de conscience a été essentielle pour que je puisse trouver l’inspiration en « travaillant au développement » à partir de mon bureau.

Emma Bell-Scollan faisait partie de la cohorte 2016-2017 des jeunes stagiaires en développement international. Elle a fait son stage à l’Université de l’Asie centrale.

Depuis 1989, la Fondation Aga Khan Canada contribue à la formation de jeunes leaders canadiens dans le domaine du développement international par le biais de son programme de stages en développement international.

Credits:

Emma Bell-Scollan

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