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Budget 2023-2024 : une recette usée

1,7 G$ DE BAISSES D’IMPÔT

Dans le cadre de sa campagne politique, entre autres, l’APTS développe des propositions novatrices pour que la refondation du réseau de la santé et des services sociaux (RSSS) rime avec sa consolidation et avec la préservation de son caractère public et universel, le tout en améliorant les conditions de travail du personnel qui y œuvre. Dans son budget publié le 21 mars dernier, le gouvernement a quant à lui choisi une tout autre voie : diminutions d’impôt, resserrement des cibles de réduction de la dette et accélération de son projet de réforme sont ses priorités.

La mesure phare du budget est la concrétisation de la promesse de baisses d’impôt faite par le premier ministre lors de la dernière campagne électorale. Il s’agit d’une vieille recette que la CAQ reprend des gouvernements précédents : utiliser la marge de manœuvre de l’État pour faire des cadeaux fiscaux au lieu de mieux financer les services à la population. Depuis cinq ans, c’est 4,1 G$ qui ont ainsi été lancés aux quatre vents, si on ajoute à la dernière annonce les 2,3 G$ de réduction des taxes scolaires.

Le gouvernement a donc encore une fois choisi de réduire sa marge de manœuvre et de ne pas aider les gens qui sont le plus touchés par l’augmentation du coût de la vie. En effet, 35 % des contribuables québécois·es ne paient pas d’impôts parce qu’il·elle·s ont des revenus très faibles. Qui plus est, ces personnes sont très largement locataires et ne sont donc pas avantagées lors de révisions à la baisse des taxes scolaires.

Les avantages de la dernière annonce, en plus de creuser un trou de 1,7 G$ dans les finances de l’État, toucheront principalement une minorité. Non seulement les personnes contribuables plus aisées profiteront de plus du double de celles ayant un revenu moyen mais, en plus, 25 % de la cagnotte sera accaparée par le 8 % des plus fortunées.

LE CONSERVATISME BUDGÉTAIRE L’EMPORTE ENCORE

La deuxième priorité de ce budget est la protection du cadre budgétaire conservateur qui régit l’État. Nous nous expliquons mal ce choix. Si la pandémie a démontré une chose, c’est que les investissements en santé et en services sociaux sont essentiels et qu’ils ne doivent pas être sacrifiés au nom d’objectifs budgétaires à courte vue. C’est d’autant plus vrai que les principaux indicateurs de viabilité des finances publiques sont au vert en ce moment, comme l’indique le graphique 1.

Nous y constatons d’abord que le gouvernement a atteint - et même dépassé - les objectifs initiaux de réduction de la dette publique. Celle-ci représente actuellement environ 40 % du produit intérieur brut (PIB) du Québec, dépassant donc déjà de 5 points de pourcentage la cible prévue pour 2026. Ensuite, le coût réel de cette dette est lui aussi à la baisse, et ce, malgré les augmentations des taux d’intérêt découlant de l’augmentation du taux directeur de la banque centrale du Canada. À 6,6 % des revenus consolidés, le poids du service de la dette est dans un creux historique.

Dans ce contexte, l’occasion serait belle pour le gouvernement de changer de lunettes et de ne plus voir les dépenses en santé et en services sociaux comme de simples dépenses comptables afin de plutôt les apprécier comme des investissements hautement rentables pour notre société.

Au contraire, le gouvernement ira de l’avant en resserrant ses cibles de réductions de la dette, remettant ainsi le Québec dans une situation où il doit satisfaire ses créancier·ère·s avant de combler les besoins de sa population.

LES ANNONCES EN SANTÉ ET EN SERVICES SOCIAUX

Si ce budget est globalement insatisfaisant et qu’il n’augure rien de bon pour la suite des choses, se peut-il qu’il nous ait malgré tout réservé de belles surprises pour la santé et les services sociaux? Pas vraiment! Pour les cinq prochaines années, le budget prévoit un relèvement cumulatif de 5,6 G$ des dépenses du RSSS. De ce montant, la part du lion (1,4 G$) permettra de pérenniser la nouvelle approche développée pour la vaccination et le dépistage, en élargissant sa portée vers d’autres services de première ligne. En clair, il est question d’utiliser les centres de vaccination mis en place dans le cadre de la lutte contre la COVID-19 pour en faire des points de services permanents.

Les autres annonces majeures concernent la santé mentale, dont l’enveloppe sera bonifiée de 211 M$, et les services à domicile (SAD) et les programmes d’hébergement, qui recevront 1,6 G$ de plus. Mentionnons également les quelque 770 M$ pour apporter des changements de structure et améliorer l’«efficacité» du réseau. De cette somme, près de 400 M$ iront dans la création de 23 nouvelles cliniques organisées autour des infirmières praticiennes spécialisées (IPS) pour la première ligne, tandis que 46 M$ seront dédiés à la création de la plateforme «Votre santé» afin de faciliter la prise de rendez-vous et l’implantation de la télémédecine. Dernier point, un budget spécial de 60 M$ est débloqué - cette année et la prochaine - pour permettre la mise en place de la nouvelle agence «Santé Québec».

Depuis trois ans maintenant, l’APTS propose pourtant une manière novatrice de repenser le financement du RSSS. En instaurant un bouclier de protection budgétaire pour le RSSS, il serait possible de véritablement jeter les bases d’une refondation du réseau en rendant toute compression budgétaire illégale à l’avenir.

Considérant les annonces de baisses d’impôt, l’abaissement des cibles de réduction de la dette publique et les risques de ralentissement économique qui planent, le gouvernement rate une occasion de mettre durablement le RSSS à l’abri. Surtout que, dès l’an prochain, il prévoit revenir à une évolution des dépenses en santé et services sociaux en dessous de celle des coûts de système. Avec ce budget, nous sommes malheureusement aujourd’hui plus près d’un retour à l’austérité en santé et en services sociaux.

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