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L’Éducation populaire Rapport | Octobre 2020 | CÉSECÉM

Introduction

La Commission Education, formation professionnelle & apprentissage a retenu : «L’Education au civisme et au développement durable à tous âges» sous l’angle particulier de l’Education Populaire.

La crise sanitaire que nous vivons, depuis fin 2019, nous conforte donc dans notre proposition d’intégration de la dimension populaire dans notre démarche. Le traitement d’une telle crise ne peut se faire qu’avec toutes les composantes de la société. L’éducation populaire en est un vecteur important car elle permet d’irriguer finement la société de savoirs et de pratiques salvateurs sur le long terme.

Aujourd’hui l’école à elle seule et la famille ne pourront parfaire l’éducation des citoyens tout au long de la vie. Les exigences sociétales sont de plus en nombreuses et plus en plus complexes.

Une éducation dispensée par un faisceau de vecteurs institutionnels ou informels permettra à l’Homme d’aujourd’hui de s’adapter mais aussi de participer à la construction de ce monde en pleine mutation.

Un modèle basé sur l’éducation populaire, une éducation partagée et soutenue par et dans l’action pourra faciliter ces transitions. Il est indispensable que le citoyen d’aujourd’hui puisse disposer d’un savoir efficace et que la société puisse à son tour garantir par tous les canaux une formation et une information de qualité. Ces éléments permettront donc au peuple ou aux populations d’appréhender plus facilement les problématiques modernes qui se traduisent dans l’éducation civique qui intègre aujourd’hui des dimensions républicaines et dans le développement durable qui englobe, elle, une échelle planétaire, comme le réchauffement climatique. L’éducation populaire devra donc être irriguée par tous les canaux des savoirs, sous des formes, méthodes et stratégies différentes.

Cette dimension populaire pourrait s’appuyer sur des outils modernes tel le numérique et vient renforcer tant l’éducation familiale que scolaire. Cette approche a pour objectif incontournable l’expansion de l’éducation populaire. Comme le préconise d’une part le CESE dans son avis « L’éducation populaire : Une exigence du 21 siècle du CESE de 2019 » de mai 2019, et d’autre part, la résolution, de l’Etang Salé à l’ile de la Réunion dans le cadre du colloque Inter CCEE (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et Ile de la Réunion) de 2015 sur l’éducation Populaire.

L’éducation populaire, ce n’est pas éduquer, ou instruire le peuple, c’est donner l’accès à la conscience et faire naitre des sentiments de valeurs intrinsèques telles que le respect et l’estime de soi. Ce sont des dynamiques collectives qui permettent à tous de comprendre le fonctionnement de la société et de déterminer les origines des inégalités sociales. Cela permet d’élaborer des pensées conceptuelles pour comprendre et améliorer voire changer le monde.

L’éducation populaire a nécessairement un rôle actif dont le point de départ est notre quotidien et l’aboutissement est une modification positive de notre société. L’éducation populaire, ne saurait être uniquement un vecteur de transmission des savoirs, mais aussi un lieu de cheminement et d’évolution de la pensé et des attitudes. Son essence est l’agrégation de ces savoirs pour développer le sens des libertés. Des libertés émancipatrices et créatrices, qui sont moteur de mouvements antagonistes aux dérives sociétales comme les discriminations de tous genres, le racisme, la xénophobie, les disparités économiques. Chacun sera libre de créer son propre savoir et élaborer ainsi ses propres opinions. Chacun sera porteur de ses propres expériences qu’il mettra en synergie avec d’autres pour comprendre et agir. Il s’agit de dépasser les tabous sociaux et les autocensures, s’autorisant la réussite et aussi l’échec. Les libertés émancipatrices permettent de s’affranchir des assignations sociales convenues par les pratiques et l’imaginaire des groupes imposant une hiérarchisation des rapports sociaux. Cette démarche collective permet la prise de distance et donne la capacité de transformer ces situations, par la prise de conscience de la dignité de chacun et que nous tous sommes porteurs de richesses humaines. L’éducation populaire est une action de longue haleine et se base sur un principe d’amélioration continue. C’est pratiquement le parcours d’une vie. Elle permet donc d’acquérir la capacité d’analyse de nos propres actions ainsi que d’en mesurer leurs portées et leurs pertinences. Paulo Freire exprime parfaitement la posture d’éducation populaire dans sa phrase « Personne n’éduque personne, personne ne s’éduque seul, les Hommes s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde ».

La mise en œuvre de l’éducation populaire est basée sur le principe d’accompagnement qui n’est pas là pour imposer des modèles ou des pensées mais bien pour permettre à chacun de produire une pensée critique à partir de leur état du moment pour l’amener à une prise de conscience de ses savoirs. Pour l’amener également à la prise de connaissance de ses pouvoirs et ainsi tracer de nouvelles routes. C’est une Education émancipatrice qui libère les Hommes.

L’Education populaire jouit d’une grande notoriété en Martinique depuis longtemps. Un exemple de cet enracinement est la création 1969 de l’AMEP (Association Martiniquaise de l’Education Populaire), qui est une structure d’enseignement de niveaux primaire, secondaire général et professionnel.

Les aspects sociaux, les loisirs et les activités artistiques occupent la plus grande place dans l’architecture actuelle de l’Education Populaire en Martinique. L’évolution de la société implique une mutation de cette architecture. Il faut donner aux individus les outils de compréhension et transformation de ce Monde nouveau.

Des moyens d’Etat seront ainsi nécessaires :

  • Le programme scolaire ;
  • Le Service National Universel ;
  • Le Service Civique ;
  • La Journée défense et citoyenneté ;
  • Le défenseur des Droits ;
  • Le Conciliateur de Justice ;

Nous pouvons noter aussi que l’objectif 4 du Programme des Nations Unies pour le développement durable à l’horizon de 2030, prévoit notamment, le point suivant : « Assurer à tous une éducation équitable, inclusive et de qualité et des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. »

Commentaires

Le niveau éducatif scolaire, étape fondamentale à la construction de l’Etre, ne suffit pas pour guider l’ensemble des citoyens quelques soient leurs origines.

Si le développement économique est un des éléments structurant de la société favorisant une ambition collective, trop souvent, seules les questions économiques prennent le dessus, faisant évoluer les citoyens dans un monde mercantile, dans un égoïsme aveugle, s’opposant à l’idéal de départ. Le modèle social en vigueur est basé en grande partie sur la compétition entre les êtres. Les moyens de l’Etat se basent amplement sur ce modèle de compétition voulant faire de l’homme un travailleur performant et mobile avec les conséquences sociétales et environnementales connues, bien avant un citoyen libre et engagé. Cette société élitiste conditionne les discriminations, les injustices donc les inégalités, à l’expérience c’est le modèle coopératif qui se trouve être le plus efficace, juste et pérenne.

La crise sanitaire que nous traversons nous montre, plus que jamais, la nécessité d’avoir une société juste et équilibrée dans laquelle les citoyens évolueront en solidarité active disposant de savoirs et savoirs faire académiques et sociétaux afin de faire face aisément aux problématiques imprévues ou palier à d’éventuelles défaillances institutionnelles ou collectives.

Pour atteindre ce niveau d’implication les systèmes éducatif, scolaire ou familial demeurent sommes toute incomplets. Il faut donc un relais organisationnel intermédiaire. Ce dernier permettrait à chacun de développer son libre arbitre en mesurant ou prévoyant à tous les niveaux l’impact de son activité tant personnelle que professionnelle, c’est l’Education Populaire.

Education au sens large qui partage les savoirs et les savoirs faire, qui exerce de manière délibérée en situation réelle, est possible à tous les âges, par frottement avec les parents pour les plus jeunes et par la pratique de l’engagement pour les adultes.

Si une partie de la transformation de la Société est confiée aux domaines régaliens de l’Etat, l’autre partie toute aussi importante relève de l’ordre de l’informel mais toute de même validée par des principes moraux, éthiques, légaux et de justice sociale.

L’Education civique et au développement durable à tous âges est certainement un moteur pour faire tendre les sociétés d’aujourd’hui vers un idéal républicain et environnemental. L’éducation populaire sera son énergie dont la ressource est infinie car elle puise dans le bon sens de l’Humanité toute entière et est accessible à tous indépendamment du niveau scolaire ou du lieu de naissance. Ce bon sens partagé est aussi l’un des ferments du vivre ensemble.

L’Education populaire pourra vaincre les inerties et faire disparaitre ces plafonds de verre limitant ou autolimitant.

La Martinique dispose de ressources avec près de 8000 associations, mais seulement 3,2% sont axées sur l’Education et la Formation dans leur intitulé. Cette éducation populaire risque donc d’en pâtir.

Ce maillage associatif permet l’existence d’une grande solidarité intergénérationnelle, lieu de communication, d’histoire transmission de savoirs et savoir-faire, favorable à l’Education populaire.

Les évènements historiques font qu’en Martinique il y est une grande prise de conscience collective pour la problématique environnementale. Cependant elle reste fortement mobilisée sur l’usage des pesticides. L’engagement individuel sur l’utilisation des énergies et la gestion des déchets est en voie de progrès. La volonté se manifeste souvent mais hélas les moyens ne sont pas toujours au rendez-vous. Conséquence de la situation socioéconomique sans doute.

Le premier objectif de l’EDD 2030 de l’ONU «éliminer la pauvreté» concerne aussi la Martinique. Le taux de chômage et le seuil de pauvreté sont bien des témoins hélas.

Considérants :

  • Considérant, le fait que le système actuel n’assume que la partie initiatique et théorique tant dans l’instruction civique qu’environnementale pour le public scolaire pré-bac.
  • Considérant, la complexité organisationnelle des sociétés, les moyens d’Etat seuls ne peuvent subvenir aux besoins éducatifs particuliers occasionnels ou permanents de chaque citoyen. Les besoins d’informations et formations varient avec le développement des personnes. La constitution relative à chaque état diffère.
  • Considérant, les besoins rapides et urgents d’évolution des sociétés qui doivent s’adapter en permanence face à l’évolution mondiale, pour éviter les crises ou réduire leurs impacts.
  • Considérant, compte tenu de l’évolution de la société vers des procédures de plus en plus dématérialisées, le risque d’écarter un nombre important de personnes vers les services concernés et que 55% des séniors ne se sont jamais connectés à Internet. Et qu’aucun plan national ou local n’en a fait une obligation, une priorité, un besoin. Aujourd’hui c’est un impératif.
  • Considérant, les difficultés d’accès au processus de justice et d’équité sociale pour les plus fragiles socialement en Martinique.
  • Considérant, le premier objectif des Nations Unies pour l’EDD 2030 relatif à la lutte contre la pauvreté, que la Martinique est directement concernée par cela.
  • Considérant, le niveau élevé des actes de violence dans la société de manière générale.
  • Considérant, le non-déploiement de dispositifs d’accompagnement de la jeunesse et le peu de portage au niveau sociétal des problématiques planétaires, beaucoup de ressources étant mobilisées par le seul problème du chlordécone.
  • Considérant, la forte demande pour le Service civique et le RSMA synonyme d‘un besoin structurant chez certain nombre jeunes en Martinique
  • Considérant, le grand nombre d’Associations et leur dynamisme avec un faible pourcentage tourné directement vers l’Education 3.2%. L’éducation est partout et en tout néanmoins pas toujours explicitée, pas toujours vue comme richesse comportementale, intellectuelle, personnelle, ….
  • Considérant, comme un élément fédérateur la grande diversité de parcours personnels des membres de la société.
  • Considérant, l’avis CESE Education Populaire au 21ième siècle de 2019 et la résolution Inter CCEE Guadeloupe Réunion, Guyane Mayotte et Martinique de 2014, marquant l’importance et la nécessité de renforcer l’Education Populaire.

Nous préconisons :

1| De renforcer l’enseignement à L’Education civique et au développement durable dans le système scolaire, afin de sensibiliser dès le plus jeune âge le citoyen.

  • Sensibiliser à la connaissance juridique du comportement civique (par exemple jeux de rôles) pour les premiers niveaux de la scolarité.
  • Initier à la connaissance juridique du comportement civil dans toutes les sections secondaires et post bac.
  • Engager dans les 60 000 établissements scolaires, dont 343 en Martinique, un projet éducatif tenant compte du développement durable
  • Rendre obligatoire le SNU, Service National Universel.
  • Augmenter le pourcentage des adultes entre 25-64 ans qui ont un niveau deuxième cycle du secondaire.
  • Diminuer l’échec scolaire dès l’école primaire, réduire à 6% le pourcentage d’élèves ayant des difficultés de lecture.
  • Mettre en œuvre le programme JADE, les jeunes ambassadeurs des droits pour l’égalité sur le territoire.

2| De garantir, à tous âges, à toute personne et sur l’ensemble du territoire, l’accès à l’information

  • Permettre à toutes personnes vivant sur le territoire l’accès aux dispositions légales et juridiques.
  • Mieux accompagner les élèves et les populations allophones.
  • Lutter contre l’illettrisme et encourager l’alphabétisation, en développant les Ecoles et Universités Populaires.
  • Réduire la fracture numérique et sociale : dotation, initiation au numérique à tous, développement des infrastructures, restructuration des Cyber-bases, dotations aux associations afin qu’elles prennent en partie le relais.
  • Informer massivement sur le rôle du défenseur des droits.
  • Promouvoir la diffusion d’informations et de connaissances scientifiques à, tous les niveaux de la société y compris dans les médias.

3| D’améliorer les ressources techniques ou financières des associations, accroitre la performance de l’Education Populaire. Renforcer donc l’Education Populaire.

  • Mettre à disposition des associations une cartographie de tous les dispositifs d’Etat et Associatifs.
  • Faire un colloque de l’Éducation Populaire avec toute les Fédérations présentes.
  • Faciliter les accès aux appels à projets pour les petites associations, surtout pour les projets portant sur toutes formes de respect et le vivre ensemble.
  • Etablir un plan de formation national pour les dirigeants d’associations piloté par la DJSCS.
  • Etablir un plan de formation au numérique, aux sciences, au juridique et à la santé.
  • Populariser l’utilisation du Fond de Développement de la Vie Associative (FDVA)

Conclusion

L’Education civique et au développement durable à tous âges » sous l’angle particulier de l’Education Populaire.

Pour notre société en mutation profonde, la contribution de chacun et de tous est indispensable, indiscutable pour renforcer voire corriger la démocratie. Beaucoup de valeurs sont diluées, tendent à disparaitre, rejetées par des groupes. Une analyse objective, totalement indépendante est utile pour toute mutualisation et enrichissement par l’action. Il faut que les crises, telles, le réchauffement climatique, la surexploitation des ressources naturelles, la pauvreté, les guerres, la violence, les risques sanitaires qui nous affectent autant que nous sommes, deviennent des éléments fédérateurs pour une construction de l’Etre comme du Monde.

Credits:

Inclut une image créée par kevin turcios - "Let me adjust this mask real quick"