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LES VHU : Synthèse et propositions Rapport | Septembre 2020 | CÉSECÉM

Les VHU (Véhicules Hors d’Usage) sont définis comme des véhicules dépourvus de ce qui permet leur mobilité. Ils sont considérés comme des déchets dangereux du fait de leur nature (verre, métal) et de leur capacité à constituer des habitats pour les nuisibles (rongeurs, serpents) et des gîtes pour les moustiques générateurs de risques pour les populations. Les VHU sont également un risque pour l’environnement par leur contenu en substances (liquides de freins et de refroidissement, huiles, fluides climatisation, batterie.) susceptibles de polluer le sol et l’eau, en particulier lors du démontage. Enfin les VHU dégradent les paysages et le potentiel touristique des régions, et donnent une mauvaise image du territoire.

En Martinique on estime que 13 à 14 000 véhicules sont mis au rebut chaque année, et que le stock « historique » est de 20 000 VHU.

Depuis le début des années 2000 les pouvoirs publics et les collectivités ont pris conscience du problème. Entre 2001 et 2009, 18 900 VHU ont été collectés et traités par la Région et les communes, avec l’appui de l’Etat et de l’ADEME, pour un coût important. Par la suite un projet FEDER obtenu après une épidémie de dengue a permis une prise en charge partielle du financement par l’Europe. En 2018 suite au changement de réglementation, 1740 VHU ont été traités.

CADRE JURIDIQUE

La prise en charge des VHU est faite dans un cadre réglementaire et s’appuie sur la réglementation Européenne, le Code de l’Environnement et le Code de la Route.

La réglementation européenne définit le VHU comme un déchet dangereux (DE 2000/53/CE du 18 septembre 2000).

Le code de l’environnement :

  • Responsabilise le producteur ou le détenteur de déchets, et l’oblige à en assurer la gestion jusqu’à son élimination ou sa valorisation. Ainsi tout propriétaire de VHU a l’obligation de le remettre à un centre agréé par la Préfecture (article L541-2 ; décret 2011-153). Des sanctions sont prévues pour les propriétaires ne respectant pas cette obligation (article L541-46).
  • Prévoit également des sanctions pour les exploitants non agréés d’installations qui traiteraient les VHU (article L541-46).
  • Donne aux Maires pouvoir de police pour mettre en demeure les propriétaires de VHU abandonnés, et, en cas de non obtempération, pour consigner les sommes correspondant aux mesures prescrites pour leur traitement et y faire procéder d’office (article L541-21 )

Le code de la route interdit de laisser abusivement un véhicule en stationnement sur la voie publique (article R417-12) et prévoit des sanctions allant jusqu’à la mise en fourrière (articles L325-1 à L325-33).

Enfin sur les recommandations d’un rapport du député Letchimy, l’Etat a publié un décret relatif à la gestion des VHU dans les départements ultra-marins, qui responsabilise les producteurs automobiles en matière de gestion des déchets. Le décret prévoit en particulier « la prise en charge de la totalité ou d’une part significative du repérage, de la collecte et du transport de ces véhicules vers un centre de traitement, ainsi que leur traitement par ce centre », ainsi que l’organisation par le producteur de campagnes de communication sur la gestion des VHU. Ces obligations sont réparties entre les constructeurs au prorata des parts de marché calculées par la moyenne des ventes de véhicules neufs au cours des cinq dernières années civiles (Décret 2017-675 du 28 avril 2017).

En dernier lieu madame la Sénatrice Conconne a fait inclure dans le projet de loi sur l’économie circulaire la possibilité, pour les communes qui le souhaitent, de déléguer les opérations de recherche et de mise en demeure aux intercommunalités, ainsi que la possibilité pour des casses privées d’exercer une activité de fourrière sous l’autorité du Préfet.

ORGANISATION ACTUELLE ET PROBLEMES RENCONTRES

Les années 2018 et 2019 sont considérées comme des phases test de l’application du décret 2017-675 en Martinique. Un Comité de Pilotage a été mis en place, incluant le MTES (Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire -DEAL), le MOM (Ministère des Outre-Mer - DGOM), l’ADEME, TDA-VHU et les constructeurs et se réunit 3 à 4 fois par an.

Les travaux de concertation organisés avec la filière ont conduit au lancement d’une première phase expérimentale de collecte au printemps 2018 avec les groupes PSA et Renault. L’association des concessionnaires automobiles de la Martinique s’est engagée à établir un plan d’enlèvement avec l’association TDA-VHU (Traitement des Déchets Automobiles-Véhicules Hors d’Usage) en lien avec les collectivités locales et les constructeurs. Le plan 2018 visait à l’élimination de 1700 VHU sur tout le territoire.

Pratiquement, comment se passe une action de collecte VHU ?

Etape 1 : Les VHU sont recensés, en général par la Police Municipale qui dresse un procès-verbal pour stationnement abusif. Le propriétaire du véhicule est ensuite recherché

Etape 2 : le Maire prend un arrêté de mise en demeure du propriétaire du véhicule, qui est sommé d’enlever son véhicule dans un délai d’un mois.

Etape 3 : si le propriétaire ne fait pas le nécessaire pour son véhicule dans les délais impartis, le Maire prend un arrêté d’exécution d’office et consigne la somme nécessaire à la collecte et à l’enlèvement du VHU.

Etape 4 : le VHU est enlevé par la société mandatée et conduit dans l’un des cinq centres agréés pour dépollution et traitement

Pour mettre en œuvre ce plan TDA-VHU a conduit plusieurs actions :

  • Rencontre des représentants de toutes les communes
  • Formation d’agents municipaux de la communauté d’agglomérations Cap-Nord
  • Sensibilisation des agents municipaux
  • Création d’un guide d’identification des VHU
  • Participation au comité de pilotage du plan d’action ultramarin
  • Communication (France-Antilles, Facebook.)

L’objectif du plan d’action 2018 a été atteint avec 1740 VHU traités et les difficultés ont été analysées.

Parmi les problèmes rencontrés :

Problèmes pratiques

L’absence de fourrière est considérée comme un handicap car il n’est pas possible de ‘sécuriser’ les véhicules en infraction en attente de traitement.

Problèmes administratifs

L’identification de certains véhicules peut être difficile, du fait parfois de défauts de formalités lors des ventes. Le manque de carte grise par exemple entraîne l’impossibilité d’établir des certificats de destruction des VHU. L’absence de procédure comptable permettant aux communes de reverser à TDA-VHU les sommes consignées correspondant au prix de la collecte et du traitement a également été constatée.

Enfin il faut souligner que la démarche est basée sur une collaboration entre les communes et TDA-VHU, et dépend pour beaucoup de la volonté des maires à engager des actions qui ne sont pas toujours bien perçues par les administrés.

En octobre 2018 un accord-cadre a été signé avec les 21 plus grands constructeurs automobiles pour la collecte et le traitement des VHU en territoires ultramarins, permettant le passage à une phase plus opérationnelle. Pour 2019 un provisionnement des actions a été acté à hauteur de 8 M€ (tous DOM). Pour cette même année un objectif de traitement de 10 000 VHU a été fixé en Martinique.

À l’heure actuelle 25 communes sont engagées dans la démarche (9 communes manquantes).

Certaines des difficultés rencontrées ont pu être résolues : l’identification des propriétaires a été facilitée depuis que l’accès aux fichiers des immatriculations a été accordé aux Polices Municipales en mai 2018 ; une procédure dérogatoire proposée par la DEAL Martinique et validée par le ministère permet de délivrer des certificats de destruction même pour les VHU sans carte grise

Pour remédier au problème récurrent du maintien d’une fourrière opérationnelle sur le territoire, une étude de marché payée par les constructeurs est en cours avec le cabinet EFIA, avec pour objectif l’évaluation de la rentabilité potentielle.

Pour atteindre cette rentabilité il faut que les VHU arrivent rapidement avec encore une valeur, ce qui implique une chaîne agile en amont.

Enfin la mise en place du COLDEN (Comité Opérationnel de Lutte contre la Délinquance Environnementale) le 27 février 2019 a permis de lancer une première opération d’envergure sur la commune du Robert, où 34 VHU stationnés en proximité d’un garage ont été enlevés.

Globalement le plan d’enlèvement des VHU est donc opérationnel et en cours d’amélioration. Cependant les mesures appliquées ressortent d’une démarche corrective et n’ont pas vocation à perdurer, du moins à l’échelle actuelle.

L’enjeu pour l’avenir est bien d’assurer la prise en charge des véhicules en fin de vie par un circuit de traitement et de recyclage, en évitant les abandons sur la voie publique et les démontages par des privés non agréés.

L’arsenal répressif semble complet mais dépend de la volonté qu’auront les collectivités à appliquer les mesures possibles. La réflexion du CÉSECÉM s’est donc plus orientée vers la question de l’incitation à de bonnes pratiques. Sachant que le traitement des véhicules est gratuit s’ils sont déposés dans un centre de traitement agréé, il faut s’interroger sur les raisons qui conduisent de nombreux automobilistes à de mauvaises pratiques et qui constituent autant de freins à l’instauration d’un circuit vertueux. Sur la base de cette réflexion, il est possible de présenter des suggestions à prendre en compte dans le plan d’action, sachant que les constructeurs sont engagés à contribuer financièrement au circuit et à mener des actions de communication.

FREINS ET PROPOSITIONS

Difficultés d’implication des communes

Quels sont les leviers pour inciter les communes potentiellement récalcitrantes à entrer dans les démarches du plan ? La nouvelle disposition qui permet de déléguer les opérations sensibles de recherche et de mise en demeure aux Communautés de communes pourrait être une solution pour les mairies, mais pose la question des moyens de ces communautés en particulier en termes de police.

Manque d’information

Actuellement le plan d’action vise les enlèvements et cible donc les mairies. Mais quelles sont les démarches à faire pour un particulier, et comment en prendre connaissance ? Avec le concours des Conseils Régional et Général et de l’ADEME, la DEAL a publié un livret intitulé « Le traitement des véhicules hors d’usage : guide à l’usage des collectivités et des détenteurs de VHU ». Mais ce livret date de 2013 et les informations qu’il contient devraient être revues.

En dehors de ces aspects pratiques, on peut s’interroger sur le niveau de connaissance de la population sur les impacts écologiques générés par l’abandon et le démontage sauvage des VHU. Des actions de communications sont pourtant régulièrement menées pour amener la population à une meilleure perception de l’action néfaste que peut avoir l’homme sur son environnement. Elles sont variées et vont de l’éducation dispensée dans les écoles aux spots télévisés encourageant à la préservation de la nature ou au recyclage. Dans un esprit plus militant, l’association ‘Arétésa’ publie des photos de déchets abandonnés et de décharges sauvages permettant d’identifier les responsables.

Propositions :

1 Reprendre une nouvelle édition du guide pratique

Suggestion : éditer deux guides :

Un guide pour l’automobiliste plus détaillé, qui informe également sur les options en amont ; Ex : j’ai un véhicule en fin de vie, est-ce que je dois passer par un garage, est-ce que je peux amener ce véhicule dans un centre agréé, aurais-je quelque chose à payer ? mon véhicule est accidenté, l’assurance prend-elle en charge le transport vers un centre agréé ?... avec si possible une édition électronique et une FAQ.

Un guide pour les collectivités reprenant les nouvelles dispositions

2 Développer des spots télévisés

Plus accessibles pour l’ensemble de la population ; on pourrait suggérer un spot avec une séquence sur les dangers pour l’environnement et une deuxième séquence (ou un deuxième spot) expliquant le circuit de recyclage et ce qui doit ou peut être fait.

Manque de moyens

Le problème du manque de fourrière a été évoqué de façon récurrente dans les entrevues. Des actions sont actuellement en cours pour remédier à cet état de fait. Un des problèmes majeurs semble la viabilité économique et fait l’objet d’une étude en cours. Le problème est que pour atteindre une certaine rentabilité il faut que les VHU arrivent rapidement avec encore une valeur, ce qui questionne sur l’agilité des opérations en amont, et sur les possibilités de recyclage dans l’économie circulaire.

Sur les 5 centres VHU en Martinique, un seul est équipé pour le broyage. Tous les produits doivent être réexpédiés vers l’hexagone pour le recyclage. Le produit principal vient de la vente des composants métalliques à des fonderies, et la rentabilité dépend donc essentiellement du cours de la ferraille, qui est très variable. Le coût de transport par contre reste très élevé quel que soit le devenir du produit transporté. L’équilibre serait possible sur plusieurs années, grâce à la revente des pièces détachées.

Si une solution est trouvée à ce problème, et qu’une ou des fourrières peuvent être installées, la place de ce dispositif dans le système est à réfléchir. Quand faire intervenir un enlèvement et une mise en fourrière ?

Problème économique

La rapidité de dépeçage des véhicules accidentés en bord de route démontre clairement l’intérêt économique des pièces détachées, qui peuvent être prélevés par le propriétaire ou des particuliers pour leur usage propre, mais font aussi l’objet d’un marché parallèle.

En effet, le coût des pièces détachées neuves est élevé du fait du prix pratiqué par les constructeurs et du coût de transport. Une partie importante de la population martiniquaise vivant sous le seuil de pauvreté, il n’est pas étonnant d’une part que les détenteurs de VHU souhaitent valoriser leur bien, et d’autre part que les propriétaires de véhicules en état d’usage cherchent à obtenir des pièces détachées à bas prix.

Propositions :

1 Créer une incitation financière

Parmi les éventualités envisagées par le Comité de Pilotage pour inciter les particuliers à remettre leur véhicule en fin d’usage, la possibilité d’une incitation financière a été évoquée. Plusieurs options sont considérées : prime au retour versée par le concessionnaire quel que soit l’état de restitution du véhicule, répercutée ensuite sur le constructeur ; consigne, ou coût ajouté à l’achat, somme reversée à un organisme collecteur, restituée lors du retour du véhicule pour revente ou abandon.

Un dispositif de ce type parait intéressant et pourrait contribuer à la résolution du problème. L’augmentation du coût à l’achat est cependant à considérer avec précaution, et la question des achats de véhicules d’occasion hors circuit concessionnaires est à étudier.

2 Développement d’une filière pièces détachées d’occasion

On peut aussi considérer avec intérêt le développement d’une filière pièces détachées d’occasion, qui rendrait plus accessibles les réparations de véhicules anciens. Considérant l’importance des véhicules dans le contexte martiniquais, et dans l’attente du développement et de l’augmentation des performances des réseaux de transport collectifs, il pourrait même être intéressant de développer un concept ‘garage solidaire’ pour aider les plus démunis à conserver leur autonomie.