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Première virée dans les Pyrénées Les secteurs du Néouvielle, du Marboré et de barroude

Réalisée du 24 au 28 juillet 2022

Brève parenthèse dans notre chauvinisme alpin, il était temps de partir à la découverte d'une autre chaîne de montagnes. Deuxième plus grande chaîne montagneuse de France, les Pyrénées nous ont vite fait de l'oeil. Cette barrière naturelle entre la France et l'Espagne s'étend sur plus de 400km entre le Golf de Gascogne et les plages catalanes de Méditerranée. Moins hautes que les Alpes, les Pyrénées dépassent tout de même significativement la barre symbolique des 3000m d'altitude. Le culmen de la chaîne se trouve en Espagne, au Pic d'Aneto 3404m et c'est pas moins de 129 sommets pyrénéens qui s'élèvent au-delà de cette altitude.

Nous nous sommes souvent demandés ce qui pouvait différencier les Alpes des Pyrénées. Bien sûr, au niveau de la faune on pense évidemment à la présence de l'ours dans ces massifs contrairement aux Alpes françaises. Mais globalement, la faune et la flore sont similaires entre les deux chaînes de montagne. Les réelles différences proviennent de la topographie et de l'hydrographie. En effet, les Pyrénées, de par leur position méridionale, n'ont quasiment plus de gros glaciers sur leurs pentes. Quelques vestiges glaciaires subsistent encore ici ou là sur les face Nord les plus élevées. Mais avec le réchauffement climatique, on estime que les glaciers pyrénéens auront totalement disparu d'ici 2050, contre 2100 pour les Alpes.

Il n'y a pas non plus de grands lacs comme c'est le cas des Alpes : Lac d'Annecy, du Bourget ou Léman. Mais cela ne veut pas forcément dire que les Pyrénées soient plus arides que les Alpes. Notamment les Pyrénées françaises qui regorgent d'innombrables torrents de montagne (un peu moins nombreux côté espagnol). En franchissant certaines falaises ces chutes d'eau créent d'ailleurs les plus hautes cascades de France, comme celle de Gavarnie qui plonge de plus de 400m. Ces chutes d'eau sont parmi les plus hautes d'Europe, quasi uniquement surpassées en Scandinavie.

Mais une des différences les plus significatives des Pyrénées par rapport aux Alpes correspond au nombre important de vallées constituant un cirque rocheux dans leur partie haute. Ces cirques font la renommée des Pyrénées, françaises mais aussi espagnoles : Gavarnie, Troumouse, Ordesa, Pineta et bien d'autres encore. Certains étant même classés à l'UNESCO. Mais leur nombre nous est d'aucune aide pour retenir un lieu spécifique où rester plusieurs jours.

Choisir le lieu idéal pour faire nos premiers pas dans les Pyrénées n'a pas été une mince affaire. La chaîne est divisée en trois espaces : les Pyrénées Atlantiques (ou Basses Pyrénées), les Pyrénées Centrales et les Pyrénées Orientales (ou Pyrénées Catalanes). Les Pyrénées centrales ont l'avantage d'être les plus hautes mais aussi d'accueillir les parcs nationaux français et espagnols. Ce sera donc notre objectif. Deux paramètres permettront également de réduire l'échelle de recherche : le monde et un point de passage routier vers l'Espagne pour la suite de notre périple. En effet, malgré la taille de son parc national, les lieux les plus connus des Pyrénées sont victimes de la sur-fréquentation en période estivale, notamment le Cirque de Gavarnie, le Pic du Midi d'Ossau et ses lacs ou encore le Lac de Gaube.

Une vallée en particulier retient notre attention : la Vallée d'Aure dans le département des Hautes-Pyrénées. En plein coeur des Pyrénées centrales avec plusieurs accès sur le Parc national des Pyrénées, un accès privilégié pour la Réserve Naturelle Nationale du Néouvielle mais aussi un passage vers l'Espagne via le Tunnel de Bielsa. Ce lieu est donc idéal pour profiter à la fois des Pyrénées françaises mais aussi espagnoles, tout en évitant la foule des sites les plus populaires de ces montagnes. Au fond de cette vallée se situe la commune d'Aragnouet : une succession de petits hameaux remontant jusqu'à la station de Piau-Engaly, la plus haute station des Pyrénées françaises. C'est dans cette station, aux allures de village fantôme en pleine saison estivale, que nous crècherons le temps de notre escapade pyrénéenne.

Jour 1 : Circuit dans la Réserve du Néouvielle.

La Réserve Naturelle Nationale du Néouvielle a été l'une des premières réserves de France. Elle a été créée en 1935 puis a été rattachée au Parc National des Pyrénées en 1968. La spécifié de cette zone de 2300ha située entre 1800 et 3000m d'altitude tient à la présence d'un micro-climat du fait de son orientation Sud et à la présence de hautes crêtes protégeant la région. Le climat y est donc plus sec que sur le reste des massifs des Pyrénées centrales. Ce micro-climat, conjugué à la présence de nombreux lacs (naturels ou artificiels) ainsi qu'à l'altitude, a permis l'épanouissement de la vie en altitude. On y dénombre pas moins de 370 espèces animales et 570 espèces d'algues.

Pour y accéder, une route saisonnière bifurque au niveau du Hameau du Fabian rattaché à la commune d'Aragnouet. Cette route relie trois lacs artificiels : le Lac d'Orédon, le Lac de Cap de Long et le Lac d'Aubert. Au niveau du Lac d'Orédon, le plus en aval, un système de navette a été mis en place entre 9h30 et 18h pour pallier à la sur-fréquentation des lieux. Si vous voulez y accéder avec vos véhicules personnels, il faudra franchir le petit péage en dehors de ces horaires, tout en gardant à l'esprit qu'à partir de 21h, aucun véhicule ne pourra rester sur les parkings d'altitude.

Cette découverte de la Réserve du Néouvielle se fera par la réalisation d'un circuit plutôt simple et sans difficulté. Le temps de se chauffer avant les deux autres randonnées que nous effectuerons dans les montagnes pyrénéennes. Au départ du parking du Lac d'Aubert, situé à 2150m d'altitude, nous grimperons progressivement vers les hauteurs pour contempler les multiples lacs qui se cachent dans cette région montagneuse.

Dès notre arrivée sur le Barrage du Lac d'Aubert, l'absence de vent nous offre de magnifiques reflets sur les montagnes des alentours.
De l'autre côté du lac, on observe le sentier grimpant à la Hourquette d'Aubert, c'est vers ce col que nous allons nous diriger.

Après avoir quitté le Barrage du Lac d'Aubert, on s'élève progressivement grâce à un sentier traversant la pinède qui borde les lacs du coin. Entre quelques branches et quelques troncs, la vue sur le Lac d'Aubert, le Lac d'Aumar et les pics des environs se dévoile.

Sur la photo de droite, le Pic de Néouvielle 3091m surplombe les eaux du Lac d'Aubert de 1000m.
Le Pic de Néouvielle est le pic de droite. A gauche de celui-ci, le Pic Ramoun 3011m.

Malgré son altitude et sa toponymie, le Pic de Néouvielle n'est pas le point culminant du massif éponyme. Il s'agit du quatrième sommet de Néouvielle. Son nom vient de l'occitan ''nèu vielha'' signifiant ''vieille neige''. Sa face Nord ayant accueillit trois petits glaciers aujourd'hui disparus.

Le sentier passe entre le Lac d'Aubert (tout à droite) et le lac d'Aumar (au centre). Ce dernier est un lac naturel contrairement au premier et constitue le plus grand lac naturel du Massif de Néouvielle. ''Aumar'' vient de ''Eau de mer'' et ''Aubert'' provient de ''Eau Verte'', tout deux ayant un rapport avec la couleur de ces lacs.
Pour atteindre la Hourquette d'Aubert, il faut gravir environ 400m de dénivelés. La montée ne présente aucune difficulté, après la pinède, de brèves traversées dans des chaos de pierres conduisent aux ultimes gradins herbeux.
Les lacs de la réserve surveillent constamment nos arrières.
Le faucon crécerelle zyeute le moindre mouvement du sous-bois.
Vers 2300m, la pinède commence à se disperser. Bientôt le plein soleil.
On commence à surplomber l'autre rivage du Lac d'Aubert. Ses eaux se marient à merveille dans le paysage du Néouvielle.
Dans les quelques chaos de pierres, les cairns aident à la progression vers le col.
Place aux gradins herbeux. Le col n'est plus très loin et déjà, la chaine pyrénéenne se dévoile davantage vers le Sud-Est.
Panorama en direction du Nord-Ouest depuis la Hourquette d'Aubert.

Au niveau de la Hourquette d'Aubert 2498m, on se situe à la limite de la Réserve du Néouvielle. Il ne s'agit pas non plus du Parc national des Pyrénées. Seulement d'une partie de l'aire d'adhésion. Ce col sépare la Vallée d'Aure, d'où nous venons, de la Vallée de Barèges où nous allons crapahuter le reste de la journée.

Notre parcours continuera en direction des deux lacs de la photo ci-dessus : le Lac Estagnol et le Lac Nère. La présence des pins devient anecdotique. Blocs de roche, touffes d'herbe et rhododendrons composant la majeure partie de l'alpage.

Au loin, on devine le Pic du Midi de Bigorre 2876m avec sa cime équipée de son observatoire et de son téléphérique. Dans la Vallée séparant le Pic du Midi de notre position, on trouve le Col du Tourmalet. Un des plus importants cols routiers des Pyrénées, bien connu des coureurs du Tour de France.
Prochain objectif : le Lac Estagnol.

Avec le climat, la végétation, le relief et les nombreux lacs, un petit parallèle alpin vient à notre esprit. On pourrait presque se croire dans le Massif du Mercantour. La position méridionale de ces deux massifs - Néouvielle et Mercantour - ne doit pas y être pour rien.

Le petit Lac Estagnol nous offre son plus beau vert lors de notre approche.
Pour la pause déjeuner, nous décidons de nous diriger vers le second lac : le Lac Nère. Un peu plus grand, un peu plus profond, un peu plus bleu. Pourtant ''nère'' signifie ''noir'' du fait de sa profondeur.

Le calme et la chaleur des lieux nous poussent à faire tomber nos vêtements et à profiter de la fraicheur des eaux translucides du Lac Nère.

Baignade sous le Pic de Tracens 2551m (à gauche) et le Pic des Coubous 2647m (à droite).
Les Epilobes profitent aussi de cette oasis de fraicheur.

Le circuit se poursuit. On ne rebrousse pas chemin pour retrouver la Réserve du Néouvielle et ses grands lacs. Pour digérer nos sandwichs, nous montons en direction du Col de Tracens, sans toutefois l'atteindre puisque nous bifurquerons légèrement avant. Pendant l'ascension, nous contemplerons une fois de plus le Lac Nère après l'avoir contourné sur son rivage Nord.

Le Col de Tracens est le premier col sur la gauche. Tout à droite, la Hourquette d'Aubert.
En direction du Pic de Néouvielle.
Au centre, le Pic d'Astazou 2622m.

Après 200m de dénivelés positifs et 50m environ avant le Col de Tracens, une sente cairnée nous emmène vers le Col de Madamète, notre porte d'entrée vers la Réserve du Néouvielle.

On laisse le Pic et le Col de Tracens derrière nous. Ainsi que le Pic du Midi de Bigorre.

Avant de débuter la petite traversée en balcons vers le Col de Madamète (toute à droite), on atteint un belvédère vers 2550m, point culminant de la randonnée, surplombant d'autres lacs. Le Massif de Néouvielle contient énormément de lacs puisque c'est pas moins de 70 bassins qui sont répertoriés. Ici, on observe les Lacs de Madamète.

Derniers moments de contemplation avant d'entamer la descente vers la Réserve.
Dernier lac de l'expédition du jour : le Gourg de Rabas. On remet pied dans la Réserve.
Entre deux petites rafales, les quelques pins bordant le lacs se dédoublent dans ses eaux. Au loin, le sommet le plus haut du chainon correspond au Pic Méchant.
Le Pic de Néouvielle et le Pic Ramoun refont leur apparition.
On divague dans les blocs longeant le lac pour atteindre le rivage opposé et l'ultime descente.
Quelques 9km plus tard, on retrouve les Lacs d'Aumar et d'Aubert. La boucle est bouclée.

Avec cette petite boucle dans le Massif du Néouvielle vous pourrez en apprécier l'essentiel : pas moins de 5 lacs abordés et 3 cols franchis. Sans parler des lacs que l'ont aperçoit de loin, des pics entourant les lieux et du calme régnant dans ce massif pyrénéen.

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ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :

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Jour 2 : Le Lac glacé de la Vallée de Pineta.

Le Tunnel de Bielsa reliant la France et l'Espagne est un avantage non négligeable pour la Vallée d'Aure. Il nous permet un accès direct et rapide aux Pyrénées espagnoles ainsi qu'à son parc national : le Parque Nacional de Ordesa y Monte Perdido. Bien moins grand que son voisin français, il regorge de petites merveilles notamment géologiques avec de nombreux cirques marquant le début de larges vallées et canyons. La plus connue étant la Vallée d'Ordesa. Cependant située à l'opposé de cette position, nous nous contenterons de la partie ''Mont Perdu'' de ce parc national, à la recherche d'un lac d'origine glaciaire : le Lago de Marboré. On change de massif, celui de Néouvielle se situant exclusivement en France. On atterrit dans le Massif du Mont Perdu.

Pour atteindre le départ de la randonnée, il faut emprunter la troisième vallée sur la droite en venant de France : la Vallée de Pineta. ''Pineta'' signifiant ''Pinède'' en Espagnol. Cette vallée s'enfonce de plusieurs kilomètres depuis le petit village de Bielsa jusqu'au pied du Cirque qui bouche son fond.

A notre réveil, une épaisse mer de nuages recouvre le fond de la Vallée d'Aure. L'humidité de la Vallée de la Garonne se bloque aux pieds des Pyrénées et permet ces paysages d'exception. Plus qu'à savoir si le fond des vallées espagnoles se retrouvent également embrumé.

Il n'en est rien. Une fois le Tunnel de Bielsa franchis, plus un nuage ni dans le ciel ni dans les vallées. Les Pyrénées espagnoles sont beaucoup plus sèches. Le temps et la végétation sont là pour nous le rappeler.

Au départ de la randonnée, tout au bout de la route de la Vallée de Pineta, on se retrouve face au mur rocheux du Cirque de Pineta. Difficile de deviner le sentier qui nous fera grimper dans ces parois abruptes. Seules les cascades semblent se faufiler dans ces pentes. Difficile également d'imaginer la présence d'un lac glaciaire et d'un glacier de l'autre côté de ce cirque. Le suspense est à son comble et le restera quasiment jusqu'à la terminaison de l'ascension.

L'ascension démarre au bord du Rio Cinca, dans un sous bois bien bénéfique par ces fortes chaleurs. Sur les premiers kilomètres, la pente est faible, ce qui permet un échauffement en douceur avant d'atteindre le pied du cirque.

Il faut suivre le Camino Marboré (- Chemin Marboré).

Dès les premiers mètres, on passe dans le Parque Nacional de Ordesa y Monte Perdido créé dès 1918 par décret royal. Mais c'est seulement en 1982 qu'un nouveau décret royal agrandit le parc d'Ordesa en incluant notamment le Mont Perdu.

Après la forêt, un alpage de fougères doit être traversé au niveau de la zone El Ferqueral inscrite sur les cartes topographiques.
On se rapproche de la plus grande cascade du Cirque de Pineta : la Cascada del Cinca. Il s'agit de l'eau de fonte du Glacier du Mont Perdu, pour le moment invisible.
C'est maintenant que les choses sérieuses commencent. A l'altitude de 1700m, le sentier part dans les pentes du Cirque de Pineta. Et il le restera le temps que l'on grimpe les 900m de dénivelés qui séparent la base du cirque de son plateau sommital.
Dès les premiers mètres dans la sente du cirque, la végétation rapetisse et se fait plus rare.
Les vestiges d'un pont de neige résistent encore et toujours à la chaleur sous le Pico de Pineta.
Pour le moment, seuls les chocards sortent nous rendre visite pendant la montée.
Les parois rocheuses qui nous entourent restent imposantes constamment. Même au milieu de la pente, on se demande encore comment nous allons déboucher au sommet du cirque.
Le Cirque de Pineta est loin d'être asséchés. Non seulement, les immenses cascades se fracassent sur ses pentes Nord mais de nombreuses sources souterraines permettent le réapprovisionnement en eau.
Au fur et à mesure de l'ascension, la flore se porte de mieux en mieux à l'instar de ces gradins herbeux bien verts et parsemés d'Iris des Pyrénées.
Par moment, et malgré un sentier sans difficulté, le vide reste bien présent. On contourne plusieurs petites barres rocheuses.
Plus l'on prend de l'altitude, plus l'on voit la Vallée de Pineta s'étendre vers l'Est. Sa dense forêt contraste avec les quelques alpages et surtout les barres rocheuses la surplombant.
Quelques lenticulaires commencent à se former au dessus du Massif du Mont Perdu, signes d'une petite instabilité en altitude.

Environ 200m avant le haut du cirque, on atteint le dernier goulet qui nous fera déboucher sur les balcons de Pineta. Encore quelques zigzags et une vire dans la paroi et le plus dur de la randonnée sera derrière nous.

Déjà, la géologie se transforme. Les strates de roche sont de plus en plus visibles sur les parois; conséquences des temps jadis volcaniques et de la violence de la collision des plaques ibérique et eurasienne ayant mis au monde cette chaîne des Pyrénées. Mais encore quelques mètres et la splendeur des lieux montera encore d'un cran. Place à la haute montagne.

C'est une véritable claque que nous prenons en franchissant les balcons de Pineta. Le Monte Perdido 3355m (à gauche) et le Cilindro de Marboré 3325m (à droite) se dressent face à nous. Ils nous dévoilent une palette de couleur assez originale pour le milieu montagnard, du moins avec cette ampleur : orange, marron, blanc, gris, noir. Il faut ajouter à cela la roche tressée sous la cime du Cilindro de Marboré, formation gélogique plutôt atypique. Les géants des Pyrénées nous en mettent plein la vue.

Zoom sur le Cilindro de Marboré.

Le Mont Perdu (- Monte Perdido) est le sommet le plus proche de notre localisation. On aperçoit bien son petit glacier en piteux état dont les deux morceaux ne sont même plus connectés dans la paroi Nord de la montagne. Cette division laisse place à une paroi grise polie et ruisselante avant d'atteindre l'autre partie du glacier. Il s'agit de la source de la cascade que nous contemplions au départ de la randonnée.

Après s'être émerveillé devant ce relief d'exception, il faut divaguer dans un chaos de pierre une vingtaine de minutes pour atteindre le lac. On reste constamment sous le regard du Mont Perdu et du Cilindro de Marboré.

Perché à 2592m, le Lago de Marboré s'étale sous une abrupte falaise marquant la frontière entre l'Espagne et la France. Ce bassin est le résidu d'une ancien glacier pyrénéen et n'a rien à voir avec le Glacier du Mont Perdu, ces deux entités ne pouvant être reliées du fait de la présence d'un vallon entre le lac et le sommet. Il faut attendre que les nuages daignent laisser passer les rayons du soleil pour que le lac nous fasse découvrir la véritable couleur de ses eaux.

C'est chose faite quelques minutes plus tard. Dès les premiers centimètres à son bord, on s'enfonce quasi verticalement dans son bleu laiteux bien typique des lacs glaciaires.
Le ciel est plus radieux au-dessus du Pic de Tuquerouye qu'au-dessus du Mont Perdu.

En amont du lac, vers la frontière franco-espagnole, une brèche permet l'accès transfrontalier. Le caractère étroit et abrupt de celle-ci attire ma curiosité. Pour l'atteindre, il suffit de contourner en partie le lac et de gravir le petit pierrier sur une centaine de mètres. De là-haut, la récompense est une vue d'ensemble sur le lac et le Mont Perdu.

Pas de meilleure définition pour le mot ''brèche''.

Au niveau de la Brèche de Tuquerouye 2666m, on se retrouve face à ce petit bâtiment. Il s'agit du petit Refuge de Tuquerouye. En plus de son emplacement et de son architecture atypique, il s'agit du plus vieux et du plus haut refuge de la chaîne pyrénéenne. Il a en effet été construit en 1890 et offre aux randonneurs de passage un petit abri avec une vue imprenable sur la face Nord du Mont Perdu et le lac glacé. Ce refuge n'est pas gardé mais possède une douzaine de couchages afin que les alpinistes voulant effectuer l'ascension du Mont Perdu ou que les randonneurs effectuant la Haute Route des Pyrénées (HRP) y fassent une halte le temps d'une nuit. Ambiance montagnarde garantie !

Bien que situé sur la frontière franco-espagnole, ce refuge dépend administrativement du CAF de Lourdes.

Côté français vs Côté espagnol

Coté français, la vue y est moins spectaculaire malgré un à-pic de 300m que les randonneurs et alpinistes doivent gravir pour atteindre la brèche.

Zoom sur le Mont Perdu, sa face Nord et son glacier.

Du haut de ses 3355m, le Mont Perdu est le point culminant de son propre massif et constitue le troisième plus haut sommet des Pyrénées. Totalement situé en Espagne, son étymologie proviendrait pourtant du fait qu'il serait invisible depuis les vallées françaises puisque se situant de l'autre côté de la ligne de partage des eaux entre la France et l'Espagne, cette ligne marquant la frontière entre les deux Etats.

Redescente de la brèche pour retrouver les abords du lac. Malgré la nébulosité de plus en plus importante au-dessus des Pyrénées espagnoles, la vue reste grandiose.

L'itinéraire de descente sera l'identique de la montée. Après quelques gouttes en traversant les chaos de pierres entre le Lago de Marboré et le Balcòn de Pineta, le soleil reprendra l'avantage pendant la descente du Cirque. Bien que le chemin soit le même, l'ambiance et certains éléments seront différents.

La partie basse du Glacier du Mont Perdu.
Dernier regard sur le Mont Perdu et c'est reparti pour 1300m de dénivelés négatifs dans le Cirque de Pineta.
La Vallée de Pineta dans toute son immensité.

Dès les premiers virages, les quelques espions de ces monts se décident enfin à se montrer. D'abord furtivement, puis l'herbe verdoyante du cirque en amènera quelqu'uns à se frayer un chemin entre les groupes de randonneurs.

Le premier nous nargue depuis son sommet.
Le second n'en a que faire de ces paparazzis.
Puis, au bout de quelques poignées de lacets, le soleil reprend l'avantage, et la chaleur aussi.
Bref échantillon de la flore du Parc National du Mont Perdu : Iris des Pyrénées / Edelweiss / Panicaut de Bourgat (ou Chardon Bleu des Pyrénées)
La forêt n'est plus très loin, signe que la base du cirque se rapproche. Les vires taillées à même la roche restent tout de même vertigineuses par moment.
Après des retrouvailles avec le Rio Cinca, nous terminons cette randonnée sous l'imposant Cirque de Pineta strié par les rayons du soleil. Derrière, nous savons maintenant quel paradis montagnard s'y cache.

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ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :

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Jour 3-4 : Bivouac au coeur d'un cirque pyrénéen.

Pour cette dernière randonnée dans la région des Pyrénées centrales, l'envie était de pousser un peu plus loin l'expérience montagnarde dans cette zone. Une nuit en bivouac dans un cirque relativement peu connu par rapport aux autres des Pyrénées a été choisie. C'est direction le Cirque de Barroude - côté français - que nos yeux se dirigent : le lac, son alpage et la muraille rocheuse surplombant le tout semblent être le lieu parfait pour planter notre tente.

Après le Massif du Néouvielle et le Massif du Mont Perdu, c'est au tour du Massif de la Munia, grosso modo situé entre les deux, d'être à l'honneur.

Le Pic Méchant entre deux nuages.

Une dense mer de nuages est encore présente dans les vallées pyrénéennes côté français. Elle est d'ailleurs bien plus élevée que la veille. Et même si, par moment, le soleil perce la nébulosité, les stratus semblent tenaces.

Après une montée progressive en forêt depuis la route menant au Tunnel de Bielsa, on débouche sur une vallée bien moins encaissée, royaume des vaches d'alpages. En milieu d'après midi, le soleil n'est toujours pas présent. Mais au moins la fraicheur adoucit cette montée au Lac de Barroude.

On entre dans le Parc National des Pyrénées. A la différence des parcs nationaux alpins, la délimitation se fait via ce logo orné d'une tête de chamois et des initiales PN et non de drapeaux tricolores.
Dans le Vallon de la Géla bien embrumé. Quelques marmottes sifflent dans le brouillard et se trahissent une fois le nuage passé.

Pendant l'ascension, des randonneurs nous confirment que nous allons dépasser la mer de nuages quelques centaines de mètres avant le lac. C'est donc d'un pas décidé que nous arrivons à l'entrée du Cirque de Barroude. Mais là !

Entre-temps, la mer de nuages s'est elle-même permis une ascension et atteint maintenant la base du Cirque de Barroude. Le soleil n'est pas loin. Reste à savoir si elle se dissipera au fil de l'après midi.

Nos premiers pas dans le Cirque de Barroude. Les lacs sont encore cachés et les nuages tentent de s'y immiscer.
Le Pic de Gerbats 2904m (à gauche) et le Pic de la Géla 2851m (à droite) restent assurés de la luminosité.
On arrive finalement au Lac de Barroude 2355m. Les nuages se montrent relativement discrets. Ils tentent une invasion des lieux par vagues successives, sans franc succès pour le moment.
Au contraire, l'ambiance sur le lac est surréaliste. De forme biscornue où presqu'îles et îlots percent ses eaux, le lac se laisse caresser par les vagues de nuages.
Le Pic de Troumouse 3085m et sa strate de roche claire domine les lieux. Sous sa cime, les cartes IGN indiquent la présence du Glacier de Barroude. Il ne ressemble plus qu'à un gros névé coincé entre la paroi et la moraine.
La gardienne des lieux feinte de regarder le spectacle sur le lac, elle se soucie en réalité de nos pas qui indiqueraient que nous planterions la tente non loin de son terrier.

A la différence des quelques randonneurs présents dans le cirque, nous ne nous posons pas sur les bords du Lac de Barroude mais légèrement en hauteur, sur l'une des bosses herbeuses le surplombant : tranquillité, vue et échappatoire à la mer de nuages sont les raisons de ce choix.

Lors d'une énième tentative, la mer de nuages nous encadrera notre bivouac d'un halo.

Une fois la tente montée et nos lits installés, un moment contemplation au-dessus du lac s'impose pour y apprécier les multiples couleurs qui le composent et le relief qui l'entoure.

''Barroude'' est un mot d'origine occitane signifiant ''un lieu encaissé, cloisonné''. Il fait clairement référence aux gigantesques barres rocheuses qui surplombent et composent le Cirque de Barroude.

Peu à peu, l'ombre envahit le Lac de Barroude. Une fois le soleil caché, la mer de nuages profitera de la baisse des températures pour venir recouvrir délicatement ce lieu. Place au silence.
En quelques minutes, la nébulosité vint déposer sa rosée sur toutes les surfaces : herbes, rochers, tente. Rien n'y échappe.
On s'emmitoufle et on mange nos plats lyophilisés (oui dans cet ordre !). L'humidité rend quasi impossible un diner à l'extérieur, au risque d'être totalement trempés en quelques minutes.

Au bout de quelques instants recroquevillés dans nos duvets, un regard vers l'extérieur nous indique que la mer de nuages régresse. L'appareil photo en main, il est temps d'aller faire un tour près du second Lac de Barroude.

Bien moins atypique que son voisin, tout simplement rond, ce Lac de Barroude se distinguera pas les reflets sur ses eaux. C'est ensuite une petite ascension en tongues de la bosse herbeuse de droite qui sera réalisée pour avoir une vue d'ensemble sur les lieux.
Pas une vague, pas un bruit.
La mer de nuages ne fait en réalité que tapisser le fond du cirque.
Du côté du Vallon de la Géla, le crépuscule commence à décalquer dans le ciel les quelques sommets chanceux de se retrouver au-dessus du brouillard.
La marée haute prend fin. Peu à peu, la nébulosité se retire du plateau.

Il est temps de fermer l'oeil quelques instants. On laisse la nuit s'affirmer avant de retenter un coup d'oeil à l'extérieur de la tente : probablement le meilleur choix de la soirée.

Une magnifique Voie Lactée transperce le sombre ciel pyrénéen. Ailleurs, étoiles et planètes solitaires, satellites et avions pétillent par-ci par-là. Quelques étoiles filantes viendront vivifier cette contemplation. Le silence s'impose tout naturellement lors des longues minutes que nous passerons à nous émerveiller, seuls, couchés sur nos matelas, la fenêtre de notre tente grande ouverte.

Malgré la beauté du moment, il faut tout de même entamer cette courte nuit qui nous attend. Une bise significative soufflera tout au long de la nuit rendant la musique du réveil prévu à 5h20 quasi inutile.

Le soleil doit se lever vers 6h30 au-dessus de la chaîne pyrénéenne. Pour une vue plus ample sur les environs, nous décidons d'abandonner notre tente pour grimper aux premières lueurs vers le Port de Barroude 2534m, col situé sur la frontière franco-espagnole. Mais dès la sortie de la tente, le spectacle est au rendez-vous.

Un léger croissant de Lune surpasse les premières couleurs chaudes de la journée.
Plus l'on s'élève, plus l'on se rend compte du retrait à plus basse altitude de la mer de nuages.

On se pose quelques instants légèrement en aval du col côté français pour attendre le lever du soleil à l'abri du vent. L'environnement est lunaire. Peu ou pas de végétation et un vent qui balaye ces champs de pierres. Un sommet nous cachera l'apparition de l'astre, mais les couleurs sur le Cirque de Barroude compenseront largement ce petit imprévu.

La barrière rocheuse du Cirque de Barroude se pare de rose dans un premier temps.
On fait quelques pas côté espagnol pour aller contempler les hauteurs du Circo de Barrosa. En descendant ce cirque, on arrive quasiment de l'autre côté du Tunnel de Bielsa.
Zoom sur les premières lueurs frappant la Sierra de Liena.
Le jaune prendra le relai du rose sur la muraille de Barroude.
Avant de replonger vers le lac, le chamois que nous avons dérangé côté espagnol décide de s'offrir une escapade en France.
Vue d'ensemble depuis le Port de Barroude. Et dire que certains dorment encore dans leur tente.
On repart retrouver notre tente pour le petit déjeuner.
En dépit de la bise qui souffle toujours dans le cirque, les vaguelettes du lac s'habillent d'or à l'instar de la barre rocheuse.
Il n'y a pas que la Vallée d'Aure qui se retrouve recouverte par la brume. L'horizon l'est également.
L'archipel de Barroude s'illumine peu à peu.
En quelques minutes, le temps de démonter le bivouac, la lumière du jour s'impose dans le paysage.
L'arrivée du cheptel près du lac signe la fin de la nuit pour les randonneurs du coin.
Un bon café chaud pour réchauffer le tout, puis c'est parti pour la descente. On reprendra le même itinéraire que la montée, la fatigue limitant les possibilités de variantes sur le moment.
Au moins une ravie que nous quittions les environs.
On laisse derrière nous l'alpage et les Lacs de Barroude. La muraille nous accompagne sur quelques centaines de mètres avant que l'on chute vers le Vallon de la Géla.
Dernier clin d'oeil au lac, à son col et à son pic.
En contrebas, la houle s'agite dans le Vallon de la Géla.
La descente au soleil est quand même beaucoup plus agréable que la veille. La barre rocheuse surplombe en réalité constamment le sentier menant et partant du lac.
On se rapproche de la nappe de brume. Les vaches de l'alpage manquent de peu de se faire happer par la nébulosité.
Etonnée que l'on se dirige vers le fond de vallée embrumé.
En regardant une nouvelle fois vers les cieux, c'est plusieurs dizaines de vautours fauves que l'on voit tournoyer au-desus du Pic de la Géla.

Les vautours fauves sont extrêmement nombreux dans les Pyrénées. Du côté français, une étude de 2020 recense 1286 couples reproducteurs, soit une hausse de 51% en 10 ans. Il est intéressant de noter qu'un vautour peut vivre entre 30 et 40 ans, ce qui n'est pas négligeable pour la pérennité de l'espèce. Cependant, ils restent moins nombreux que leurs voisins espagnols qui sont au nombre 6015 couples. Ces rapaces sont des charognards, ils se nourrissent donc quasiment exclusivement d'animaux morts. Cependant, au vu du nombre croissant de spécimens, il est de moins en moins rare de voir des vautours s'attaquer à du bétail vivant dans cette région.

On dévale les derniers gradins herbeux pour retrouver le paisible fond de vallée. A notre arrivée, le soleil perce tout juste la couche nuageuse.

Après la bénédiction de Marguerite nous pouvons finir tranquillement cette randonnée et ce périple dans les Pyrénées.

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ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :

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Ce bref mais intense séjour dans les Pyrénées centrales aura été l'occasion pour nous, non seulement de découvrir cette chaîne de montagnes mais également de toucher du doigt la notion de ''pyrénéisme''. Quézaco ?

C'est un terme qui est apparu au court de la deuxième moitié du XIXème siècle. Bien que pour la plupart, le pyrénéisme ne serait qu'un néologisme signifiant une variante de l'alpinisme, comme l'est l'andinisme ou l'himalayisme. Pour ses concepteurs il apporte une dimension littéraire et scientifique en plus d'une dimension sportive. Là où l'alpiniste se contente de gravir la montagne, le pyrénéiste la décrit, l'étudie, la raconte en plus de la gravir. Pour Henri Beraldi, le concepteur de cette notion à la fin du XIXème siècle :

"L'idéal du pyrénéiste est de savoir à la fois ascensionner, écrire et sentir. S'il écrit sans monter, il ne peut rien. S'il monte sans écrire, il ne laisse rien. Si, montant, il relate sec, il ne laisse rien qu'un document, qui peut être il est vrai de haut intérêt. Si - chose rare - il monte, écrit et sent, si en un mot il est le peintre d'une nature spéciale, le peintre de la montagne, il laisse un vrai livre, admirable.'' - Cent ans aux Pyrénées.

Cette notion connait un léger essor, spécialement dans la région proche de la chaîne de montagne, notamment lors de la conquête des sommets pyrénéens. Souvent à l'ombre des autres chaines de montagnes, notamment les Alpes, les cimes pyrénéennes n'ont été que tardivement gravies. Il faut attendre les exploits du franco-britannique Henry Russell à la moitié du XIXème siècle pour que certains sommets des Pyrénées soient vaincus pour la première fois : le Pic de Néouvielle ou le Mont Perdu en 1858. On peut tout de même rappeler que le Mont Blanc est gravi en 1786. Ainsi, cela fera dire à Henry Russell en 1877 que les Pyrénées, centrales notamment, sont "une région de pics et de neiges éternelles, moins connue que l'Afrique ou la lune''. En effet, même la toponymie des sommets présentait des lacunes à cette époque. Chaque habitant d'un versant de la montagne donnait son propre nom à la montagne en question. Il n'était pas rare qu'un sommet ait plusieurs noms en fonction de la vallée d'où on l'apercevait. Certains pyrénéistes ont donc créé des commissions toponymiques pour mettre fin à ce désordre.

On peut également relater les tentatives d'ascension du Mont Perdu par Ramond de Carbonnières. Ce géologue français est l'un des premiers explorateurs des Pyrénées. En tentant de gravir le Mont Perdu, sommet qu'il considérait comme le plus haut de la chaine à l'époque, à la fin du XVIIIème siècle, il voulait y étudier l'âge de la roche de ces montagnes et notamment le calcaire. Même s'il échoua à atteindre la cime du Mont Perdu, ses trouvailles pendant son expédition, notamment les fossiles, et ses diverses études de la roche près du mythique mont, confirmèrent sa thèse de l'âge primitif des Pyrénées. Son oeuvre ''Observations faites dans les Pyrénées'' de 1792 est considérée comme l'acte de naissance des Pyrénées par l'historien Henri Beraldi. Plusieurs sommets portent maintenant son nom tels que la Soum de Ramond 3263m à côté du Mont Perdu ou le Pic Ramoun 3011m à côté du Pic de Néouvielle.

C'est donc initiés au pyrénéisme que nous quittons ces magnifiques montagnes. Ravis d'en avoir vu un morceau mais également pressés d'en découvrir de nouveaux. L'ours ne saurait constamment se cacher !

B&P

Created By
Nicolas Thiers
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