Loading

Black Smith Hammer Dix ans déjà....

Aujourd'hui je fête le 10ème anniversaire de ce jour, le 27 Décembre 2010, qui aura considérablement chamboulé le cours de ma vie. Dans ce document je reprendrai mot pour mot le compte-rendu que j'avais écrit quelques mois après mon accident. Cette reprise est importante pour moi car elle permet de ressentir l'amertume au travers des mots utilisés, le manque de prise sur cette situation qui m'échappait complètement à l'époque...

Bonne lecture.

Je pense que pour comprendre les soucis de prise en charge psychologique et pathologique d'un patient issu des forces, il est important d'avoir le détail de l'incident survenu sur ledit patient. En ce qui me concerne, j'ai été blessé par un tir de sniper dans la vallée d'Alasay alors que nous menions une mission d'interdiction de mouvement insurgé. L'accident est survenu le 27 décembre 2010 aux environs de 12H30. Tout mouvement rendu impossible du fait de la présence importante d'insurgés sur notre position et qui se traduisait par des tirs incessants, décision fut prise de ne pas m'évacuer de jour mais d'attendre la nuit afin de ne pas surexposer l'ensemble de l'équipe. Placé sous morphine, ainsi que perfusé, j'ai dû attendre 7H30 avant de pouvoir être évacué sur une zone propice située à environ 1 kilomètre de notre position.

Vallée D'Alasay / Nord de la COP Shekut

Durant ces moments, j'avoue que beaucoup de choses vous passent par la tête concernant l'avenir de votre main ; et le maintien des aptitudes en matière d'aérocordage ou parachutisme liées à votre fonction. Je ne reviendrai pas sur la période du 27 décembre 2010 au 4 janvier 2011 puisque la prise en charge par l'hôpital de KAIA a été de mon point de vue excellent. Le seul point qui pourrait leur être reproché est le fait que dans le même couloir que les blessés appartenant aux forces en présence sur le territoire se trouvaient des enfants afghans blessés eux aussi, mais surtout accompagnés le plus souvent de leur père.

Je vous laisse imaginer ce que peut faire le simple fait de croiser ces visages ressemblant trait pour trait à ceux qui sont la cause de votre présence en ces lieux et dont vous garderez à jamais visible les marques des blessures sur votre corps. Néanmoins, j'ai trouvé une équipe à l'écoute des angoisses de chacun ; et qui s'est montrée disponible lorsque le besoin s'en faisait sentir.

Photo prise durant la première opération au ROLE 3 de Kaboul

Je fus rapatrié en Falcon dans la nuit du 3 au 4 Janvier 2011. Ce voyage fut épique car l'équipage s'était octroyé les places assises dans l'appareil et ne nous laissait, à nous blessés que l'arrière de l'appareil à disposition. Autant vous dire que la place n'était pas propice à un voyage en première classe, pour nous tout du moins ! J'ai le souvenir de cette jeune lieutenant assise avec tout le confort requis qui ne nous calculait même pas, armée à deux vitesses. J'ai donc passé ma nuit allongé dans le couloir du Falcon tentant tant bien que mal de maintenir ma main avec les broches externes loin de tout contact qui aurait occasionné de violentes douleurs.

Nous sommes arrivés le 04 Janvier à sur l'aéroport de Villacoublay où deux personnes du CPA m'attendaient. Voir leurs visages m'a beaucoup réconforté, mais ce ne fut que durant un court instant, le moment de rejoindre l'hôpital de PERCY était venu.

J'ai été placé en chambre double et l'équipe soignante m'a averti que mon opération était prévue pour le 6 janvier. Je demandais alors à pouvoir voir mon chirurgien afin de pouvoir être tenu au courant de ma future opération et des soins qui allaient m'être prodigués. Il est bon de rappeler que j'ai été opéré trois fois lors de mon séjour à Kaboul, et que avant mon transfert vers la France, le chirurgien qui s'occupait de moi m'avait parlé sans doute de greffe de peau au niveau de l'auriculaire, je restais par conséquent dans le doute concernant la suite à donner à ses interventions. Le 5 janvier dans l'après-midi, une femme responsable de l'anesthésie passa me voir dans ma chambre afin de remplir le questionnaire préalable, ce que nous fîmes ensemble. Elle m'apprit lors de cet entretien quel serait mon chirurgien, et je lui demandais à nouveau de pouvoir le voir afin de m'entretenir avec lui de mon opération. Elle me répondit qu'il serait avertit de ma requête et passerait sûrement dans la soirée.

Le lendemain matin, n'ayant toujours pas pu discuter avec mon chirurgien, je dois vous avouer que j'étais pour le moins tendu. Mais la machine de la prise en charge était en marche et le patient de la chambre 424 devait rejoindre le bloc. Arrivé dans la salle d'opération, je discutais avec l'anesthésiste qui remarqua mon stress apparent. Je lui fis part à ce moment précis du fait que depuis deux jours je n'avais cessé de demander à qui voulait bien l'entendre que je souhaitais m'entretenir avec mon chirurgien afin de connaître la nature des soins qui allaient m'être donnés et ainsi mieux m'y préparer. Il décida par conséquent d'attendre l'arrivée du Dr BAUER dans la salle d'opération avant de lancer l'anesthésie. L'entretien fut bref je dois vous l'avouer car ni l'un ni l'autre n'avions ni l'endroit, ni le temps de nous entretenir sereinement. Deux minutes plus tard je m'endormis...

Retour au domicile

La suite des soins donnés par l'équipe soignante fut excellent et je sortis de l'hôpital le 13 janvier, rendez-vous fut pris de se revoir le 4 février 2010 afin de procéder à l'extraction des deux broches du pouce ainsi que des deux broches de l'auriculaire.

Lors du rendez-vous du 4 février, la fracture de l'auriculaire n'étant pas consolidée il ne fut procédé qu'à l'extraction des deux broches du pouce ; et rendez-vous fut pris pour le 7 mars afin de procéder à l'extraction des broches de l'auriculaire dans le cas où la fracture serait consolidée, ce dont je doutais beaucoup au vu des radios par ailleurs.

Ma rééducation qui devait se dérouler sur l'hôpital PERCY a dù être annulée suite à un changement familial qui m'imposait de demeurer à mon domicile de Tours durant la semaine. J'ai pris contact avec le secrétariat du service orthopédie ; ayant trouvé un centre de rééducation en hôpital de jour (Le clos Saint Victor) près de mon domicile, afin qu'ils faxent au plus vite ( nombre de places disponibles limitées) une demande de prise en charge afin de pouvoir bénéficier de séances de kiné ainsi que de séance d'ergothérapie. Quatre jours plus tard, je rappelais le secrétariat car aucun fax n'avait été reçu par le centre. À ce moment précis, on me demanda qui j'avais eu au téléphone (infirmière, aide soignante...) car personne ne semblait au courant de ma demande de fax. Au bout de 10 minutes, la personne concernée par mon appel précédent fut trouvée. Je lui demandais donc ce qu'il en était de ma demande de prise en charge dans le centre de rééducation. Elle me répondit que le numéro de fax avait été joint à ma demande et déposé sur le bureau du Dr BAUER ; mais que le papier avait été perdu entre temps et qu'il avaient par conséquent envoyé la demande à mon adresse sur Orléans. Au vu du sérieux donné à ma situation, je me permettais de lui faire remarquer qu'ils disposaient de mes coordonnées téléphoniques et qu'ils auraient pu me rappeler afin d'obtenir à nouveau le numéro de fax du centre. Le secrétariat me répondit "mais nous n'avons pas que vous à nous occuper monsieur", ce qui est en tout point rassurant sur la vocation du personnel de ce service. De toute façon cela ne changeait plus rien au problème vu qu'à 3 jours de ma date d'entrée théorique au centre, ils ne disposaient plus de places disponibles...

Je me rendais donc à mon rendez-vous le 4 mars afin de me faire enlever les broches de l'auriculaire. Au vu des radios, le Dr BAUER décida d'enlever les deux broches. La première se passa bien. Pour ce qui est de la deuxième, deux ouvertures furent faites afin de la trouver mais cela ne donna rien. Je m'entendis dire "bon cela ne sert à rien de vous charcuter ainsi, vous reviendrez dans un mois pour que nous les enlevions au bloc". Je fus surpris qu'à l'aide des radios et en présence du chirurgien qui m'avait opéré, la broche restante ne soit pas trouvée et qu'on y aille à tâtons si j'ose dire ! Sur ce, je fis remarquer au Dr BAUER que je trouvais la situation dans laquelle je me trouvais pour le moins étonnante. Ce à quoi il répondit "votre remarque prouve que vous n'êtes pas du métier, chacun son métier". À fleur de peau, je me permettais de lui rappeler les événements qui m'avaient amenés jusqu'ici et à quel point le fait de retrouver la mobilité de ma main était important pour moi, pour mon avenir professionnel, ce à quoi il ne répondit pas. Je repartis de l'hôpital en prenant rendez-vous pour le 04 avril à 09h00 afin de procéder à l'extraction de ma dernière broche.

Ce résumé de ma situation n'a pas pour but d'enfoncer telle ou telle personne, mais davantage pour réveiller les consciences professionnelles. Le service auquel je suis confronté ne témoigne d'aucune écoute vis à vis de ma situation qui est bel et bien un accident en service et qui aura peut-être des répercussions sur ma vie professionnelle à l'avenir. En l'état actuel des choses, comme je me suis permis de le dire au Dr BAUER, je serais tombé lors d'un accident de scooter que ma prise en charge par l'hôpital Militaire de PERCY ne serait pas meilleure ! Pour tout vous avouer, je pensais avoir affaire à des personnels formés à l'accompagnement des malades issu des forces, empreint aux doutes concernant leur avenir, et des répercussions concernant leur pathologie sur leur milieu professionnel ou familial, mais il n'en est rien vous n'êtes qu'un patient au milieu d'autres patients et c'est bien regrettable. Sans demander un tapis rouge à chaque visite, nous ne demandons qu'à être accompagnés dans notre reconstruction après cette épreuve qui aurait pu nous coûter la vie, et le personnel soignant a une place prépondérante dans cette démarche, mais que nous devons assumer seuls malheureusement...

Fin du compte-rendu effectué en 2011.

Ce que je retiens de cette expérience dont je vous laisserai juger et apprécier l'aspect positif/négatif c'est l'importance du facteur humain à chaque étape du traitement de la blessure. Le manque de temps, l'habitude du geste font de nous des robots dénués du sens de l'écoute et de toute humanité. Dans le cas de la prise en charge de personnels tels que je le fus, la condition physique est un élément essentiel de nos aptitudes aux sauts, à la projection à l'étranger, aux séances cœur (descente en rappel d'hélicoptère entre autre) et toute pathologie ou séquelle peut nous interdire de continuer d'exercer notre métier. Durant mon parcours cette notion fût au coeur r du problème car je ne savais pas où j'allais et de quoi serait constitué mon avenir opérationnel.

Mon équipe à mes côtés pour ma remise de la médaille militaire

Invalides Juin 2011

Courant été 2011 (la mémoire me fait défaut) je revenais dans mon unité. Autant vous dire qu'il n'y avait pas foule sur la place d'arme !

Souvent je me suis dit que les conditions d'accueil des blessés de retour de convalescence n'étaient pas idéales. Imaginez une personne revenant après un accident diamétralement plus important que le mien. Devoir raconter à chaque personne rencontrée les conditions de son accident, sa convalescence, croyez-moi c'est une épreuve énorme ! Pourquoi ne pas organiser un arrêt des activités pendant une heure et accueillir le personnel pour un petit pot, reprenant dans un récit les conditions de sa blessure narrées par le Commandant d'unité ? Ce discours pourrait être clôturé par des applaudissements chaleureux témoignant du fait d'être heureux de le retrouver sain et sauf. C'est à ce moment là que la cicatrisation profonde est selon moi amorcée...

Je m'entretenais avec Brad concernant mon éventuel maintien en tant que chef de groupe de la XIV et nous convenions ensemble du fait que je ne pouvais plus exercer normalement mes fonctions ; la décision fut prise de me placer au sein de la cellule étude et prospective de l'unité (cellule dédiée à la recherche de matériels innovants et en étroite relation avec les entreprises œuvrant pour la défense). Au sein de cette cellule je retrouvai Jojo avec qui j'ai passé de longues après midi à discuter de mon parcours de blessé, de ma prise en charge par la Cellule D'Aide aux Blessés de l'Armée de l'Air (CABEMEF). Ces discussions lui firent prendre d'ailleurs en compte sa propre situation, victime d'un IED lors de l'époque d'ARES pour ceux qui ont connu. Souffrant finalement de PTSD, il me précéda dans le parcours post-accident et fut un conseiller de pointe sur les démarches administratives.

Cette nouvelle fonction n'était pas à proprement parler un choix et j'avoue que je devais me faire cruellement violence pour parfois gérer les plus de 100 mails quotidiens gavés de PDF en tout genre. J'ai le souvenir d'un document de doctrines OTAN sur l'appui aérien rédigées en anglais dont le chef ops me signifiait juste "scoub fais moi un point là dessus rapidement s'il te plaît", autant vous dire qu'il l'attend toujours...

Cette blessure m'a permise d'obtenir la croix de la valeur militaire avec étoile d'argent. Sur cette même opération certains officiers du 1er RPIMA ont reçu la même décoration que moi sans même être blessés. J'ai par conséquent refusé cette décoration.

Entrainement Invex

L'équipe me manquait cruellement....

Ma vie opérationnelle était faite de départs à l'étranger, de séances de tir, de séances d'aérocordage, de moments partagés avec un groupe ! Désormais je me retrouvais entouré de quatre murs, un ordinateur comme compagnie quotidienne.

J'ai le souvenir d'une discussion avec celui qui m'avait remplacé à la tête de la XIV, Calvin, mon adjoint et ami de l'époque. De nombreuses fois, me croisant, il me demandait de passer au groupe vider mon casier où je stockais mon "bordel", des fiches de solde côtoyaient des simunitions et autres choses inavouables ici, enfin bref un beau bordel ! Et jamais je ne passais, pas l'envie, pas le temps, pas le moment...

Un jour, à force de me l'entendre dire je me souviens lui avoir dit les larmes aux yeux que non je ne passerai pas vider mon casier parce que je n'en avais pas envie. Étrangement j'avais encore ce besoin d'appartenir au groupe que je n'avais pas décidé de quitter. Durant trois années ils étaient au cœur de mes préoccupations quotidiennes de chef et je n'arrivais pas passer le cap, je n'étais tout simplement pas capable de m'avouer que ce temps là, cette ambiance là m'étaient désormais inaccessible. Cela peut paraître de petits détails insignifiants, mais j'avais besoin de me sentir encore intégré, entouré oserais-je dire ! Mais il est dur dans ce monde opérationnel de parler de cela, de parler de ses sentiment, alors on se tait, on se mure dans un silence pesant et destructeur pour beaucoup.

Maintenant dix ans ont passés et je revois avec grand plaisir ceux qui m'accompagnaient à l'époque, grâce à la dynamique nouvelle des chefs de groupe qui m'auront succédé pour entretenir la relation avec les anciens. Alors merci Cavin, Leny et désormais Sana...

Une pensée personnelle pour Ben qui, je le sais aura lui aussi été marqué par cette journée. Près de quinze minutes avant moi ce même tireur logeait une balle dans le mur juste à coté de sa tête. Il se souviendra encore longtemps avoir n'être pas passé loin lui aussi ce jour là...

Depuis chaque année il pensait à m'écrire pour me souhaiter un joyeux anniversaire...

Une tension permanente...

Ce n'est pas le militaire gradé qui est blessé, c'est l'homme, le père, le conjoint qui se retrouve impacté ainsi que son cercle familial proche par voie de conséquence.

Lors de mon accident, il est bon de rappeler, sans jugement aucun, le traitement qui fut réservé à ma famille. L'officier en charge d'avertir ma famille, persuadé que j'avais été en capacité de le faire depuis Kaboul jugea bon de laisser sur le répondeur le message suivant :

"Comme vous le savez Jérôme a été blessé en Afghanistan au bras droit, je tenais avant tout à vous assurer de notre soutien en vous souhaitant de passer de joyeuses fêtes de fin d'année".

Mais voilà je n'avais pas encore pris le soin de l'annoncer à mes proches, ils l'apprirent par conséquent à travers un message sur répondeur qu'ils écoutèrent cinq fois de suite assis sur le rebord d'un lit sans autre explication que les détails sommaires contenus dans le message. Je suis resté longtemps rancunier vis à vis de l'unité pour ce traitement très approximatif qui impactait ma famille, encore plus vis à vis de l'officier en charge de cette initiative malheureuse. Deux ans plus tard je lui expliquai qu'il aurait eu le moyen de réparer cet impair rapidement en faisant livrer des fleurs accompagnées d'un mot d'excuse. Ce qui ne fut jamais fait.

Souffrant de Post Traumatique Syndrome Disorder, mais n'en étant pas réellement conscient à l'époque, j'ai régulièrement heurté ma conjointe de l'époque.

LE PTSD c'est comme passer d'un ordinateur de 8 Go de RAM à un ordinateur de 512 Mo et dans le même temps d'un disque dur de 1 To à 500 Mo. Même si l'enveloppe demeure la même, les capacités internes sont réellement amoindries et rapidement c'est la surchauffe, voire le blocage du système tout entier.

Lors de discussions quotidiennes, afin de vous dresser des exemples parlants, je n'étais pas prêt à aborder le sujet primordial de la relance EDF, de la scolarité des enfants, de la révision de la voiture, de la vie quoi ! J'étais comme perdu dans mes pensées, dans mes doutes, ou alors juste envie de ne rien faire. Et c'est à ce moment-là que le trop-plein se faisait ressentir et que je bottais violemment en touche afin de m'extirper de ce sujet de trop, de cette sur-sollicitation que l'on m'imposait !

"Tu n'es pas contente, prends tes valises, fais tes cartons et va-t'en" voilà ce que je pouvais dire parfois lorsque le trop-plein était atteint.

Il est parfois dur pour le conjoint de pouvoir prédire pareille réaction car cela ne repose sur rien de tangible et de prévisible. Cela peut être des dates, des odeurs, des informations, de nombreuses choses qui viennent heurter et sur-solliciter le système interne. Sans le savoir je me renfermais dans ce mal-être souhaitant que mon entourage décèle l'imperceptible en moi...

Une long parcours pour faire reconnaitre son statut de blessé...

Celles et ceux qui sont passé par ce parcours de blessé savent de quoi je veux parler. Les organismes destinés à prendre en compte financièrement vos blessures sont divers et variés, il existe les Pensions Militaires d'Invalidité, votre assurance (AGPM à l'époque en ce qui me concerne), votre mutuelle, ainsi que le dispositif appelé lois Brugnot

Loi Brugnot

Sachez déjà que chaque organisme précédemment cité dispose de son propre barème en fonction de vos blessures. Il dispose également de ses propres experts pour la partie orthopédie mais également ses propres experts pour la partie psychologique. Donc pour résumer pendant près de cinq ans vous passez des experts de l'un aux experts de l'autre sans ne jamais rien comprendre à quoi que ce soit ! Et pendant ce temps, justement le temps file à grand pas, votre patience est mise à rude épreuve et le cercle infernal de la reviviscence se met en marche ; raconter, justifier, comme pour quémander une juste réparation.

J'ai toujours dit avec plein de philosophie et de respect que ma blessure était propre. Qu'en est-il après plus de dix ans de combats administratifs pour une personne ayant perdu un ou plusieurs membres, ou souffrant de pathologie psychologique grave ? Ce second combat contre l'institution n'est-il pas plus traumatisant pour le blessé que l'évènement initial ? Se battre pour justifier l'évidence d'une juste réparation, voilà le second combat à mener.

De belles rencontres....

La plus belle rencontre fut celle du professeur Marie-Dominique Colas en charge du Service Médico Psychologique de l'Armée de l'Air à l'époque. De nombreux rendez-vous auprès d'elle m'ont amené à prendre conscience de ma situation, de mes changements ainsi que de leurs répercutions sur mon environnement. Durant près de trois ans elle œuvra à mes cotés pour apaiser mes craintes du lendemain, m'aider à reprendre confiance en moi tout simplement. Son dévouement, je peux le dire, aura été salutaire dans la poursuite de mes projets de vie ; alors même si elle ne lira sans doute jamais ces lignes, je lui dois beaucoup, énormément même...

reportage "Black Smith Hammer" avec Stéphane Rybojad (Film Forces Spéciales) pour Planète +

Le 17 Avril 2019, j'assistais à la reconstitution effectuée par Stéphane Rybojad de l'opération Black Smith Hammer pour la série Opérations Spéciales de Planète +, en compagnie des acteurs de mon ancien groupe. Ce fut un réel bol d'oxygène, reparler et mettre en lumière cette aventure fut pour moi quelque chose de réellement bénéfique. Il est rare de parler des opérations et la mise à l'écran de notre périple n'était désormais plus que mon petit jardin secret, il était désormais partagé avec tous.

Des projets toujours d'actualité....

En 2018 je créais, parallèlement à mon activité principale, la marque BRAVE afin de développer dans un premier temps une marque qui reverserait une partie de ses ventes à une association venant en aide aux blessés. Je m'enquérais donc de trouver une association qui correspondait aux valeurs que je voulais défendre, mais malheureusement je retrouvais souvent le même schéma. Un dirigeant ancien officier à la retraite, des femmes d'officiers aux postes de secrétaire et une mission de défense des blessés qui passait après les cocktails dans les ministères. Moi mon envie première ce n'était pas de m'enivrer de champagne et d'avaler du saumon jusqu'à écœurement, mon envie c'était justement de botter le cul à ces associations figées qui n'avaient fait que m'envoyer un chèque avec un mot sur un bout de carton me félicitant pour mon parcours dont ils ne savaient fichtre rien ! Moi je voulais une association qui remontait ses manches, je voulais une association ou des blessés faisait entendre leurs voix pour demander réparation avant d'envoyer une salve d'experts juridiques à l'assaut des bureaux de Balard ; voilà ce que je voulais !

Bon autant vous dire que cela n'existe pas ; et si toutefois cela existait je doute fort que le Ministre de la Défense les inviteraient à la garden party !

J'ai beaucoup de mal à concevoir que certains(es) passent à coté d'une réparation juste de leur préjudice écœurés par de longues années de combats. Ainsi, comme dans tout mon parcours professionnel je n'aime pas laisser de carences dans un système dont j'ai pu souffrir. Plus que jamais j'ai à cœur de devoir changer les choses pour tous les camarades qui me succèderont sur ce parcours délicat de blessé.

2021 peut-être sera-t-elle l'année de la concrétisation de ce projet ? L'avenir nous le dira...

EPILOGUE

Depuis ce matin je ne cesse de me dire "putain dix ans" ! Du temps a passé, des projets professionnels et familiaux se sont construits depuis ! Ma fille a vu le jour le 3 décembre dernier pour mon plus grand plaisir.

Jamais je ne regretterai ce parcours de blessé et si c'était à refaire je referais le même, il m'a permis de voir la vie autrement...

Comme vous avez pu le lire, le parcours de blessé n'est pas un parcours tel que l'on pourrait l'imaginer ! Ils sont loin les honneurs de la première heure rendus de manière officielle, quelques années plus tard. Beaucoup, écœurés, ont coupé les ponts avec leurs unités ou régiments dégoutés de la situation dans laquelle ils étaient laissés sans assistance. Alors oui il existe bien des organismes tels que la CABAT, la CABMF qui font bien leur travail d'orientation et de conseils. Mais que peuvent-ils contre les organismes étatiques UNÉO, PMI et consorts lorsque le moment du combat pour des pourcentages d'invalidité est venu ?

Encore tant de choses à améliorer dans le système...

Désormais place à l'avenir sans pour autant occulter le passé. Il est un bagage et une expérience de vie hors norme que je n'échangerais contre aucune autre. Les souffrances d'hier laisseront place au bonheur de demain à n'en pas douter, un meilleur père à n'en pas douter et des histoires à narrer au coin du feu....

Je laisse désormais, après dix ans, cette journée de Black Smith Hammer derrière moi. Il y aura toujours dans mes pensées l'équipe que j'ai tant aimé commander et avec qui je serais allé au bout du monde ! Vous êtes quoi que vous en pensiez ma seconde famille ; vous êtes des hommes avec lesquels j'ai aimé voyager, combattre, rire, et pleurer parfois. Sachez qu'il y aura toujours une petite place dans mon emploi du temps pour vous écouter si le besoin s'en fait sentir autour d'une bonne bière.

Bon vent à tous.

Created By
Jérôme Scoub
Appreciate