Loading

Jules Janin et Saint-Étienne Regards croisés

Jules Janin, naît le 16 février 1804 à Saint-Étienne dans une famille de juristes. Il entre au collège de Lyon en 1817 et poursuit au lycée Louis-le-Grand en 1820.

Il entre dans le milieu de la presse en 1827 au Figaro, puis au Journal des Débats, où ses billets et feuilletons lui vaudront le surnom de « Prince de la critique ».

Il est élu en 1870 à l’Académie Française, au fauteuil de Sainte-Beuve.

Il meurt à Passy le 19 juin 1874. Son dernier roman, "La Dame à l'oeillet rouge", est publié au profit des pauvres.

Parisien de carrière, mais Stéphanois de cœur, il conservera une vive tendresse pour Saint-Étienne. Mais l'hommage de sa ville tardera à venir.

Tendresse...

Tendresse pour sa maison qu'habite, en 1837, le Dr Michalowski, destinataire de cette lettre :

« En vérité, je voudrais être à votre place, et je changerais volontiers mes beaux salons, et mes beaux meubles,... pour cette petite chambre. Nous avions là un petit nid humble, mais bien heureux. Mon père était jeune, et beau, et spirituel, mais d’une imagination vagabonde qui lui faisait négliger toutes les petites affaires... A présent, je fais qu’un vœu : c’est que vous restiez dans cette maison jusqu’au jour où j’irai à Saint-Étienne... » ( 5 avril 1837 ).

Plaque de la maison natale de Jules Janin, située 22 bis place du Peuple à Saint-Étienne.

( Archives municipales de Saint-Étienne ).

Ville en mutation

Attachement paradoxal chez ce raffiné pour un cadre urbain tout de gris et de noir, bouleversé par l'industrie et par les travaux de Dalgabio, mais si pittoresque :

"C’est un assemblage étrange : des ruines et des palais ; un hôtel, massif comme un hôtel vénitien qui serait sans grâce, à côté d’une échoppe ; une maison basse en pierre de taille, et six étages en plâtre et en chaux […] Tout est confondu dans cette ville ; c’est du luxe, c’est de l’indigence, c’est le canot de Robinson Crusoë qui n’est pas encore lancé à la mer."

Terre de charbon

"On agit à Saint-Etienne comme dans un vaste caserne... une armée en bataille n’a pas plus de précision. Hier, vous êtes entré dans la ville au bruit méthodique de trente mille enclumes ; vous vous êtes endormi au bruit de douze cents chariots... Le matin, vous retrouverez le même ordre et la même précision […]"

« Je ne crois pas que le flegme hollandais ou l’âcreté anglaise soient plus digne de remarque que l’industrieuse patience de l’homme à Saint-Étienne, que son acharnement à utiliser la moindre parcelle de cette terre de charbon."

Du chemin de fer

« …quel beau voyage à faire de Lyon à Saint-Étienne, même par le chemin de fer tiré à deux chevaux ! Comme j’étais heureux d’aller si lentement et de pouvoir admirer tout à l’aise ce beau pays traversé d’une façon si solennelle ...Voyez-vous le fer qui s’échappe des hauts-fourneaux? Tout là-bas, la houille dans des flots de fumée se dépouille de son soufre. Plus loin, le souffleur souffle le verre. Le laminoir bruyant étend la fonte sous ses dents de fer. Partout la lime, la scie, le moulin, le bruit, le mouvement, la vapeur, la cheminée qu’on prendrait pour l’obélisque de Louxor, la fumée, la flamme, le charbon qui sort de terre ».

"Dans la nuit du 26 au 27 août 1834, une crue subite du Furan se déclare, à la suite d'un orage. La foudre tombe sur plusieurs points et occasionne des incendies. Les flots du Furan se précipitent furieux, inexorables; l'eau remplit les caves et envahit les étages, rien ne lui résiste."

"Dans la rue de l'Heurton, une famille entière est sur le point de périr quand on parvient à retirer ces malheureux, en ouvrant la toiture de leur maison".

"Aux Rives, la digue du Furan est entraînée; l'usine de M. Jovin est inondée : des étaux, des soufflets de forge et d'autres ustensiles sont emportés. Plusieurs buanderies sont démolies."

Extrait de "Histoire générale chronologique, administrative, biographique et épisodique de St-Étienne..."par Stanislas Bossakiewicz, 1905.

Le Furan furieux

En 1834, la crue du Furan dévaste Saint-Étienne. Janin organise une soirée à Passy. Les plus grands musiciens de son époque y sont conviés : Liszt, Chopin, Hiller, Rossini. Une querelle l’oppose à Paganini qui boude l’invitation. 8918 Francs sont collectés. Janin écrit au préfet de la Loire :

« Quels secours inespérés ce sera là-bas dans nos montagnes, incultes et reculées comme elles sont, et toutes noires de charbon, et toutes plongées dans le travail et l’ignorance, à se voir ainsi secourues et sauvées par les plus grands noms, et les plus aimés, et les plus chers aux Beaux-Arts ! ».

Autographe extrait de "Documentation sur Jules Janin", cote MS E095

Mécène

En 1843, lorsque la ville s'intéresse enfin à la Bibliothèque publique, Janin, fin bibliophile, confie 500 livres au conservateur Latour-Varan :

« J'ai envoyé chez le correspondant de la bibliothèque plus d’un volume, qui je l’espère, sera le bienvenu. Condillac, le Pisaurensis, un très bel exemplaire de Tacite, une belle édition des Œuvres de Buffon, les Mémoires du duc de Saint-Simon, les Petits Cahiers d’histoire, le Dictionnaire de la Conversation ... je vous ferai passer un second ballot de 250 tomes, et j’aurai soin de les mieux choisir. »

Sur quelques uns de nos livres, on trouve l'ex-libris de sa célèbre bibliothèque.

Bibliothèque municipale du Palais des Arts, salle forézienne : photographie [1958]. Archives Municipales de St-Étienne.

Ville ingrate !

C'est la stupide querelle des bibliothèques populaires et le peu d'empressement des élus républicains à l'honorer qui tempèrent l'enthousiasme du vieux Janin. Il l'écrit à Galley en 1871 :

"...un homme occupé d’histoire, de poésie et de bouquins, ne saurait avoir un grand charme aux yeux de ces négociants affairés... on a vu les Stéphanois dénoncer les livres de mes meilleurs confrères comme attentatoires à l’honneur public... Le conseil municipal a refusé de donner mon humble nom à je ne sais quel carrefour mal hanté !"

A la mort du maître, en 1874, sa fastueuse bibliothèque ne sera pas léguée à la ville de Saint-Étienne, comme l'espérait le conservateur Jean-Baptiste Galley.

Inauguration de la plaque commémorative sur la maison natale de Jules Janin, place du Peuple : photographie (1904, 28 avril). Archives Municipales de St-Étienne.

Hommages tardifs

Le décès de Jules Janin provoque quelques hommages... tardifs

Le 13 mai 1874, le Conseil municipal propose de baptiser le boulevard du Nord « cours Jules Janin ». C'est à l'époque une rue industrielle bien peu reluisante !.

1904 : Un comité se constitue pour faire ériger un monument à sa mémoire. Une plaque est apposée sur sa maison natale, 22 bis place du Peuple. La date de naissance mentionnée est fausse !

1908 : un buste de Janin est érigé square Violette. Il est fondu en 1942 pour l’armée allemande. On le remplace par un autre, en pierre, installé depuis place Carnot.

La collection Janin

La gloire de Jules Janin est aujourd'hui bien oubliée. Ce louis-philippard souffrit de son orléanisme sous la Troisième République et de l'évolution des goûts littéraires.

La bibliothèque conserve ses oeuvres, dont beaucoup portent de fines reliures romantiques, et une série d'estampes le représentant , rassemblées par le collectionneur Joseph Delaroa.

Catalogue de ses œuvres

Ce catalogue ne tient pas compte des préfaces, très nombreuses, rédigées par Jules Janin.

"L'Âne mort et la femme guillotinée", roman, 1829. Cote : FAR FA 16935

"La Confession", roman, 1830. . Cote : FAR FA 4952

"Barnave", roman historique, 1831. Cote : FAR FA 11582 (T1-T2-T3-T4)

"Contes nouveaux", 1833. Cote : FAR FA 11586 (T1-T2-T3-T4)

"Deburau ou le théâtre de quatre sous", critique, 1833. Cote : FAR FA 11559

"Contes fantastiques et contes littéraires", 1834. Cote : FAR FA 7157

"Histoire de la poésie et de la littérature chez tous les peuples", 1834. Cote : FAR FA 11591

"Le Chemin de traverse", roman, 1836. Cote : FAR FA 11618 (T1-T2)

"Un Cœur pour deux amours", 1837. Cote : FAR FA 15400

"Fontainebleau, Versailles et Paris", 1837. Cote : FAR FA 9604

"Voyage en Italie, récit de voyage", 1839. Cote : FAR FE 3302

"L'Eté à Paris", guide pittoresque, 1842. Cote : FAR FE 3307

"Un Hiver à Paris", guide pittoresque, 1843. Cote : FAR FE 3369

"La Normandie", 1844. Cote : FAR FE 3371

"La Bretagne", 1844. Cote : FAR FE 2637

"Clarisse Harlowe", roman, 1846. Cote : FAR FA 13863 (T1)

"Le Gâteau des rois", 1847. Cote : FAR FA 11634

"Le Roi est mort", 1848. Cote : FAR FA 15089

"La Religieuse de Toulouse", roman, 1850. Cote : FAR FA 14343

"Les Gaîtés champêtres", 1851. Cote : FAR FA 11635

"Le Traité des petits bonheurs", 1851. Cote : FAR FA 11587

"Eloge funèbre de la comtesse d'Egmont", 1855. Cote : FAR FA 11578

"Les Symphonies de l'hiver", recueil de nouvelles, 1858. Cote : FAR FA 11627

"Contes non estampillés", 1858. Cote : FAR FA 15315

"Variétés littéraires", 1859. Cote : FAR FA 15770

"La Fin d'un monde et du Neveu de Rameau", roman, 1861. Cote : FAR FA

"Rachel et la tragédie", biographie, 1861. Cote : FAR FE 2632

"La Poésie et l'éloquence à Rome au temps des Césars", 1864. Cote : FAR FA 11626

"Discours de réception à la porte de l'Académie",1865. Cote : FAR FH 2305

"Béranger et son temps", biographie, 1866. Cote : FAR FA 11579

"Le Talisman", roman, 1866. Cote : FAR FA 11553

"Circé", conte, 1867. Cote : FAR FA 11617

"Les Amours du chevalier de Fosseuse", nouvelle,1868. Cote : FAR FA 14468

"L'Interné", roman, 1869. Cote : FAR FA 1446

"Les révolutions du pays des Gagats", 1869. Cote : FAR FA 3826

"Le Bréviaire du roi de Prusse", 1869. Cote : FAR FH 2300

"Le Livre", bibliophilie, 1870. Cote : FAR FA 11620

"Alexandre Dumas, Eloge funèbre", 1871. Cote : FAR FA 11632

"La Dame à l’œillet rouge", nouvelle, 1874. Cote : FAR FE 2635

"Paris et Versailles il y a cent ans", 1874. Cote : FAR FA 4603

"Contes et nouvelles", 1876. Cote : FAR FA 7747

"Mélanges et variétés", 1876. Cote : FAR FA 7487

"Nouvelles", 1896. Cote : FAR FA 7843

Notre fonds d'estampes

Cette présentation fait écho à la dernière acquisition du service Patrimoine : "L'âne mort"

Fin...