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Picot de Lapeyrouse Voyage au coeur des pierres

« Je sens bien que je n’ai ni tout vu ni tout dit. Mais il fallait commencer ».

Ainsi parlait Philippe Picot de Lapeyrouse ! Ce naturaliste toulousain a amassé des milliers de spécimens botaniques et minéralogiques, avec un objectif avoué : écrire l’Histoire Naturelle des Pyrénées.

Sa collection, conservée à l’Université Toulouse III – Paul Sabatier compose une palette minéralogique de la chaîne pyrénéenne, mais présente aussi des échantillons caractéristiques de gisements importants de toute l’Europe, et même au-delà.

Ci-contre : Bernard Griffoul-Dorval, Buste de Philippe Picot de Lapeyrouse Toulouse, 86 5 1, Musée des Augustins.

1 - Grenat de Danemora en Suède. 2 - Soufre de Conil près de Cadix en Espagne. 3 - Quartz du Saint-Gothard dans les Alpes suisses.

Picot de Lapeyrouse est ancré sur ses terres toulousaines. Né Philippe Marie-Thérèse Picot de Buissaizon en 1744, il n’a qu’une seule ambition : faire œuvre scientifique. Héritant du titre de seigneur de Lapeyrouse, il consacre sa vie à sa femme, leurs 6 garçons et surtout à sa vocation : les Sciences Naturelles. Membre ou correspondant de diverses académies et sociétés savantes, il publie de nombreux articles et ouvrages sur le terrain de recherche qu’il s’est choisi : les Pyrénées.

Paysage autour du Pic du midi.

Contrairement à d’autres naturalistes qu’il fustige, Picot de Lapeyrouse n’est pas un « naturaliste de cabinet ». Jusqu’en 1797, il se déplace lui-même pour arpenter les cols et les vallées des Pyrénées.

Description de quelques cristallisations, Philippe Picot de Lapeyrouse, Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 1782, Tome 1 volume 2 p 303.

« Il n’y a en exploitation que [les mines] de Baigorry, et de Sem au Comté de Foix. Pour toutes les autres des Pyrénées, ou elles sont connues sur les lieux par une vieille tradition, ou je suis obligé de les découvrir. Dans les deux cas, j’en prends un bon échantillon, pour servir à mes essais, à ma collection et pour donner à mes amis ». Lettre à Jean Hermann le 30 mai 1775 [Manuscrits de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. Varia. Correspondance de Jean Hermann (1771-1800). 1701-1800.]

1 - Ranciéite de la mine du Rancié, en Ariège. 2 - Pistacite du cirque de Lis ou d'Erès Lits. 3 - Aragonite de la mine du Rancié, en Ariège. 4 - Calcite de Barèges dans les Hautes-Pyrénées.

Ce qui fait la force du naturaliste toulousain, c’est l’importance de son réseau de correspondants, dans les Pyrénées mais aussi dans toute l’Europe. Ainsi sa collection regorge d’échantillons provenant des mines de Freiberg où réside son ami Jean de Charpentier, de Suède ou d’Italie. Et lorsque sa santé et ses charges de Professeur d’Histoire naturelle, ainsi que de maire de Toulouse (1801-1806) l’empêchent de retourner dans les Pyrénées, il trouve en la personne de Jean de Charpentier, fils du précédent, un collecteur efficace. Au total, sa correspondance nous indique plus de 150 correspondants, passionnés de science qui échangent avec Picot de Lapeyrouse : minéraux, plantes, fossiles, livres, idées, informations, contacts...

Carte des réseaux de collecteurs.

A la mort du naturaliste en 1818, cette collection constituée à partir de 1763 se distingue par le nombre d'échantillons issus des Pyrénées qui la rend unique. Les 2545 échantillons qui la composent initialement sont le reflet d'une conception de la science au 18e siècle. Inventoriée par son disciple Jean de charpentier fils, elle était organisée selon la méthode de Werner. Classant les minéraux en 4 grandes classes (Terres et Pierres, Combustibles, Métaux et Sels) puis en espèces, cette méthode se base sur des analyses physiques des minéraux pour les différencier.

1 - Améthyste de Banská Štiavnica, en Slovaquie. 2 - Cassitérite de Zinmwald-Georgenfeld en République Tchèque. 3 - Sidérite de Baïgorry, dans les Pyrénées-Atlantiques. 4 - Pyromorphite de Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne. 5 - Quartz vert de Saxe en Allemagne. 6 - Stibine de Lubilhac en Auvergne. 7 - Haalite de Hallstatt en Autriche. 8 - Malachite de Sibérie.
Recto de la carte accompagnant un échantillon de Barytine (PL 1126).

Cette collection historique a une autre particularité : les 750 cartes à jouer qui accompagnent les spécimens et faisaient fonction d’étiquettes. Elles datent de la deuxième moitié du 18e siècle et du début du 19e, et au dos, sont inscrits noms, et descriptions sommaires de l’échantillon. Aujourd’hui, ces cartes sont un témoignage de l’histoire de la collection mais aussi du savoir-faire des cartiers toulousains, dont l’iconographie s’adapte aux instabilités politiques après 1789.

Verso de la carte accompagnant un échantillon de Barytine (PL 1126).

A travers sa collection minéralogique, Picot de Lapeyrouse laisse une trace dans le monde de la minéralogie, et dans l’histoire des sciences, et de l’université de Toulouse.

1 - Actinote de Carniole en Slovénie. 2 - Epidote de Maronne en Dauphiné en Isère. 3 - Argent natif de Freiberg en Allemagne. 4 - Azurite des mines de Chessy près de Lyon.

Comme une prophétie, il avait écrit dans une lettre de 1778 : « Mettons au moins une pierre à cet édifice immense ».

"Picot de Lapeyrouse - Voyage au cœur des pierres", est une exposition itinérante dont le parcours débute le 1er septembre 2022 à l'Université Toulouse III - Paul Sabatier. Retrouvez son actualité et ses déplacements sur : https://www.univ-tlse3.fr/patrimoine-et-collections

Sources :

Textes et dessins : Marie Nonclercq, Chargée de mission à l’Université Toulouse III - Paul Sabatier

Carte : Anne-Marie Cousin, Infographiste au Laboratoire de Géosciences et Environnement de Toulouse

Photographies : David Maugendre, Inventaire général, Région Occitanie.

Conception : Christelle Parville, Service Occitan et Catalan, Transversalité, Numérique et Territoires, Direction de la Culture, Région Occitanie.