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Ascension du Mont Thabor Pèlerinage à haute altitude

Réalisée le 15 juillet 2022

Classé parmi les 3000 les plus accessibles des Alpes, l'ascension du Mont Thabor 3178m chemine progressivement des vallées verdoyantes où forêts et alpages dominent le paysage jusqu'au désert de roches présent sur son dôme sommital. Bien que n'étant pas le point culminant du Massif des Cerces, il est probablement le sommet le plus connu. Trois facteurs sont à l'origine de sa renommée.

Tout d'abord sa géographie. Légèrement excentré et surplombant ses voisins les plus proches (exception faite de son Pic culminant à 3208m), le paysage à 360° qu'offre son sommet est exceptionnel. A la frontière entre les Alpes du Sud et les Alpes du Nord mais également entre la Savoie et les Hautes-Alpes, c'est une bonne partie de l'Ouest alpin qui se décalque à l'horizon. De plus, entouré par les Ecrins, la Vanoise, et les Alpes frontalières, bien plus hautes que celui-ci, les massifs alpins se découpent parfaitement autour du Mont Thabor et permettent d'apprécier pleinement ce panorama d'exception.

Sa géologie ensuite. Lorsque l'on regarde le Mont Thabor de loin, et encore plus lorsque l'on se situe à sa cime, on est frappé par la couleur unique de sa roche sommitale. La quasi totalité de son dôme est fait de roche orangée et bien que quelques sommets ou pierriers des Cerces soient dans ce même cas de figure, l'immensité du Thabor en fait sa particularité. Mi désert, mi volcan, l'arrivée au sommet du Mont Thabor promet un dépaysement total par rapport au reste de l'arc alpin où roches noires ou grises et glaciers blancs dominent la plupart du temps. Le sommet est en réalité totalement dénudé de roche ''compacte''. La quartzite composant son relief laisse place à ce qu'on appelle, dans le langage géologique, des cargneules et des schistes dolomitiques, à dominante orange pour les premières, grise pour les secondes. Les cargneules se forment par la transformation de la roche dolomitique. C'est l'eau qui est responsable de la dissolution de cette roche et sa composition majoritairement faite de sulfate conduit à cette couleur orangée une fois la dédolomisation (autre nom donné à ce phénomène géologique) effectuée. Ce phénomène n'est pas unique dans les Alpes, on retrouve ainsi ce phénomène de cargneulisation au Col du Soufre dans la Vanoise ou encore sur les hauteurs de la Muzelle dans les Ecrins.

Sa géographie et sa géologie conduisent inexorablement au troisième facteur de sa renommée : son histoire. Une histoire religieuse et politique. Religieuse tout d'abord puisque son nom peut faire directement allusion au Mont Thabor de Palestine. Ce sommet maintenant situé dans le Nord-Est de l'Etat d'Israël revêt une symbolique particulière et ce pour les trois religions monothéistes que sont le christianisme, le judaïsme et l'islam. Pour certains une montagne sacrée, pour d'autres un bastion stratégique, le Thabor (ou Tabor) de Palestine est présent dans de nombreux écrits religieux. Mais revenons à notre Mont Thabor français. Un lien entre le Mont Thabor de Palestine et le Mont Thabor des Cerces serait directement fait par un pèlerin revenant de Terre Sainte et trouvant une ressemblance entre les deux monts. Il y aurait tout simplement eu un transfert de nom. Ce caractère sacré n'est pas totalement étranger à la présence d'une petite chapelle au sommet du Mont Thabor faisant de ce sommet un lieu de pèlerinage et ce depuis des siècles. Mais l'histoire de cette chapelle sera élucidée un peu plus tard.

Politiquement, le Mont Thabor a une histoire toute particulière puisqu'il faut attendre 1947 et la signature du Traité de Paris pour que ce sommet soit totalement français. En effet, cette partie du Massif des Cerces fait partie des concessions que l'Italie a dû accorder à la France en vu des réparations de guerre, faisant ainsi reculer la frontière franco-italienne de quelques kilomètres un peu plus à l'Est. Avec la Vallée Etroite et le Mont Thabor, c'est environ 47km2 de terres que la France a récupéré sur cette zone. Ailleurs dans les Alpes, ce traité a également acté le transfert de l'Italie vers la France du Col du Petit-Saint-Bernard, du Mont Chaberton, du Plateau du Mont-Cenis ainsi que d'une partie de la Vallée de Tende et de la Roya. Tous ces petits territoires revêtant un caractère stratégique dans la sécurisation des Alpes françaises.

L'instant culture est clôturé (pour le moment). Concernant la randonnée, le Mont Thabor est accessible par de multiples sentiers, que ce soit du côté de la Savoie ou des Hautes Alpes. Côté savoyard, on peut le gravir depuis la petite station de Valfréjus ou depuis Valmeinier. Côté hautalpin, la Vallée de la Clarée et la Vallée Etroite permettent également d'accéder à sa cime. C'est depuis la Vallée Etroite que nous entamerons l'ascension du Mont Thabor. Cette petite vallée partagée entre la France (sur sa partie haute) et l'Italie (sur sa partie basse) est un lieu de mélange entre les cultures italienne et française. Ainsi, les refuges présents sur la partie française ont des noms italiens tels que le Rifugio I Re Magi (le Refuge des Rois Mages). Seulement rattachée directement à la France par la route du Col de l'Echelle, l'accès principal s'effectue par la ville italienne de Bardonecchia. Ainsi, forts de ce mixte historique, les refuges arborent les deux drapeaux tricolores : le Français et l'Italien.

Depuis la Vallée Etroite (= Valle Stretta en Italien), le départ s'effectue depuis le hameau des Granges de la Vallée Etroite aux alentours de 1700m d'altitude. Depuis ces quelques habitations, le Mont Thabor s'aperçoit au loin. Plus qu'à filer dans sa direction.

A droite du Mont Thabor, le relief acéré du Grand et Petit Séru s'impose dans le paysage.
Dans un premier temps, on traverse le mélézin jusque sous les parois de la Roche de l'Infernet et de la Tête de Chien.
Les Granges de la Vallée Etroite et leur vallée depuis la Maison des Chamois. A droite, l'Aiguille Rouge 2545m.
Rapidement, on atteint un plateau au niveau du Prat du Plan, vers 2200m, dominé par le Grand Adret 2750m à droite.

Depuis le Prat du Plan, deux sentiers peuvent mener au sommet. Un premier en direction du Col des Muandes et un second, plus direct, vers le Col des Méandes. C'est le dernier col qui est choisi.

La Pointe de l'Enfourant et les Tours du Vallon composent le centre de la photo. A droite le Col du Vallon, à gauche le Pic de Rochebrune, point culminant du Massif du Queyras. Par le Col du Vallon, on peut relier le village de Névache, dans la Vallée de la Clarée.
On progresse dans l'alpage. Entre le Prat du Plan et le Col des Méandes, c'est 500m de dénivelés qu'il faut grimper. Derrière nous le Col des Thures et le Pic de Rochebrune.
Au premier replat, le dôme orangée du Thabor comble l'horizon. On distingue de plus en plus la petite chapelle, toute aussi orange que la roche, si ce n'est plus, mais pour une toute autre raison.
On passe sous la paroi du Grand Séru, étonnant amoncellement de roches.
Au niveau du Plan du Diner, le Grand et le Petit Adret surplombent l'alpage.
La flore alpine est encore luxuriante malgré la sécheresse. A gauche, des Asters des Alpes, à droite des Centaurées Jacées.
Il n'y a pas que des fleurs qui poussent dans ces alpages. De nombreuses croix parsèment le sentier reliant la Vallée Etroite et le sommet du Mont Thabor. Signes de la forte symbolique religieuse de ces lieux.
Près du Col des Méandes, en direction du Sud.
Un petit lac sans nom apparait dans l'alpage. Au centre de la photo, le Pic du Lac Blanc 2980m, entre le Grand et le Petit Adret on trouve le Rocher de la Grande Tempête 3002m.
Au Col des Méandes 2727m, on surplombe plus franchement la Vallée Etroite. Au loin quelques sommets des Alpes du Sud apparaissent les uns après les autres tels que le Mont Chaberton, le Mont Viso (difficilement visible sur la photo), le Pain de Sucre, la Tête des Toillies, l'Aiguille de Chambeyron ou encore les Pics de la Font Sancte.
Plus que 400m de dénivelés pour atteindre le sommet. Versants savoyard et hautalpin se rejoignent au Col des Méandes. La foule à l'assaut du sommet n'est que plus importante.
Côté savoyard, la Maurienne plonge de l'autre côté et les premiers sommets du Parc National de la Vanoise se dressent à l'instar de la Dent Parrachée 3697m ou du Grand Roc Noir 3582m.
Au premier ressaut, la Chapelle réapparait face à nous. Place au monde minéral.
Un premier géant des Ecrins pointe le bout de son nez derrière les arêtes du Rocher de la Grande Tempête : c'est le Mont Pelvoux 3946m.
Jésus n'est jamais bien loin.
On commence à bien distinguer le schiste dolomitique (en gris) et les cargneules (en orange). On sent bien que la montagne est à la merci de l'érosion et des intempéries.
En bas légèrement à droite on aperçoit le croisement du Col des Méandes. Légèrement à gauche, il s'agit du Lac du Peyron et en face la Roche Bernaude 3222m, deuxième plus haut sommet des Cerces. Derrière, c'est l'Italie.
Au tour de la Barre des Ecrins 4102m (à droite) de s'immiscer dans le paysage.
Vue d'ensemble de la Vallée Etroite. Le Massif du Queyras, du Chambeyron et des Alpes cottiennes comblent l'arrière plan droit.
Les pentes désertiques du Mont Thabor.
A la côte 3062m, on atteint un col sous la bosse sommitale du Thabor. Le paysage s'élargit subitement sur les Ecrins et les Arves. C'est un désert aride qui s'étale à perte de vue. Depuis la Vallée de la Clarée ou Valmeinier on accède au Mont Thabor par ce versant.
Meije, Aiguilles d'Arves, Pelvoux et Barre des Ecrins sur leur tapis orange.
C'est parti pour les derniers 120m. Au loin, le Mont Viso 3841m se devine un peu mieux au centre gauche.
Premier panorama sur les Ecrins : du Mont Pelvoux au Glacier de la Girose en passant par le Pic Sans Nom, la Montagne des Agneaux, Ailefroide, la Barre des Ecrins, la Roche Faurio, la Grande Ruine, le Pic Gaspard, la Meije, le Râteau et le Pic de la Grave. Au premier plan, le chainon occidental des Cerces qui se confond sous les Ecrins : la roche orangée le Tête de la Cassille, le Pic de la Moulinière, la Pointe des Cerces, le Roc Termier et le Grand Galibier.
Plus que quelques mètres avant la chapelle. A droite, une des antécimes du Thabor culminant à 3171m.
Quelques dizaines de mètres après avoir passé la chapelle du Mont Thabor, on atteint le sommet à 3178m. Ici, on se dirige plein Est, vers l'Italie. A gauche la Savoie, à droite les Hautes-Alpes.

Le moment est venu de raconter la petite histoire de cette chapelle du Mont Thabor. Le nom complet de ce lieu sacré est en réalité la Chapelle des Sept Douleurs du Mont Thabor. Elle a été érigée au XVème siècle par la paroisse du Mélézet, aujourd'hui petit hameau italien. On imagine la construction de ce bâtiment à cette époque. En 1694 elle est reconstruite en bois puis de nouveau en dur en 1897. Culminant à 3171m, elle n'est qu'à 7 petits mètres du véritable sommet du Mont Thabor. Le principal rassemblement près de cette chapelle s'effectue début aout par les habitants des vallées entourant le sommet (Modane, Mélézet, Valmeinier et Névache) en hommage à l'évènement de 1860 où une épidémie de typhoïde ravagea ce territoire. Les habitants allèrent prier pour la protection de la Vierge du Thabor. Depuis 1947 et le Traité de Paris, la Chapelle du Mont Thabor est française. Cependant, la France en a rendu la propriété à la ville italienne de Bardonnecchia.

Malheureusement, depuis quelques années, la plus haute chapelle de France se détériore et menace de s'effondrer. En cause, la fonte du permafrost présent sous le sommet de la montagne déstabilisant les fondations. Dans un premier temps condamnée à la destruction, des travaux de stabilisation et de rénovation sont tentés depuis peu. C'est pourquoi la chapelle est entourée de panneaux indiquant ''Lavori in Corso'', les travaux étant réalisés par les Italiens, propriétaires de ce temple d'altitude. Servant de refuges pour de nombreux randonneurs, ce bâtiment est pour l'heure fermé au public.

La réhabilitation de ce bâtiment va suivre une processus tout à fait particulier. En effet, la chapelle va être démontée et déplacée quelques mètres plus haut, pierre par pierre, sur un sol plus stable permettant aux fondations d'être pérennes. Elle pourra ainsi rester sur le dôme sommital du Mont Thabor et, si l'opération réussie, rouvrir au public.

Côté Savoie, surplombant le vallon de l'ancien glacier du Thabor. A droite le Pic du Thabor 3208m accessible par une course d'alpinisme. Légèrement à gauche, derrière le petit lac dans le vallon, on devine les falaises du Cheval Blanc. Au fond, le Parc National de la Vanoise et ses quelques glaciers. Un absent, et pas des moindres dans ce panorama grandiose : le Mont Blanc, caché par le dôme de Péclet-Polset.
En direction des Aiguilles d'Arves, c'est la Vallée de Valmeinier qui part du pied de la montagne et du petit Lac Source. A droite on observe la Pointe de Terre Rouge 3080m qui n'a jamais aussi bien porté son nom, ainsi que ses lacs.
Retour coté Sud, le Lac Blanc fait une timide apparition sous le Roc de Valmeinier. La Chapelle à gauche domine le tout.
Les Ecrins et les Lacs des Glaciers / Les Aiguilles d'Arves et le Lac Source
Des Ecrins au Massif de Belledonne en passant par le Massif des Cerces, le Massif du Taillefer, le Massif des Arves et le Massif des Grandes Rousses.
Vers la Barre des Ecrins / Vers le Mont Viso.
L'heure de la descente a sonné. On se croirait presque sur Mars.
Dernier regard vers la Savoie depuis le dôme sommital : Cime Caron, Péclet-Polset, Pointe du Boucher, Dent du Géant, Grandes Jorasses, Glaciers de la Vanoise, Dent Parrachée, Grand Roc Noir, Grand Paradis, Tsanteleina, Aiguille de la Scolette, Rochemelon et bien d'autres encore.
Traversée du désert.

Au col sans nom sous le Mont Thabor, deux choix s'offrent à nous : soit redescendre au Col des Méandes et retrouver la Vallée Etroite en contournant le Grand Séru, soit une descente vers le Col de la Chapelle puis le Col de Valmeinier dans l'objectif d'atteindre le Col des Muandes avant une dégringolade dans le vallon menant au Prat du Plan.

Nous choisissons la première option. On part donc retrouver le Col des Méandes avant d'emprunter un sentier inédit vers le Lac du Peyron.

Il y en a un qui traine de la patte...
Malgré l'aspect désertique de la montagne, quelques fleurs téméraires s'épanouissent sur ces pentes : Campanules du Mont-Cenis et Campanules des Alpes.

Après une pause déjeuner au Col des Méandes - un ruisseau y permet le ravitaillement en eau pour le reste de la randonnée - on poursuit la marche en se dirigeant vers la gauche du Grand Séru cette fois-ci. Un sentier traverse le plateau dit des Chances du Peyron. On fait face au Chainon des Rois Mages qui culminent à la Roche Bernaude 3222m. A sa droite, on aperçoit seulement la Pointe Balthazar 3153m, Melchior et Gaspard étant cachés par le Grand Séru.

Le Grand Séru et la Roche Bernaude.
Puis, derrière une crête rocheuse, le vert émeraude du Lac du Peyron scintille au milieu de l'alpage. Au-dessus de lui, l'abrupt Cheval Blanc 3020m.
Le Mont Thabor et le Cheval Blanc dominant le Vallon du Peyron.
Les éperons rocheux de l'arête du Grand Séru.
Vers le Col de la Vallée Etroite.

Depuis le Lac du Peyron, le sentier officiel (le GR57 : le Tour du Mont Thabor) nous dirige vers le Col de la Vallée Etroite. Or, il est possible de descendre plus directement dans la vallée en évitant une traversée jusqu'au col. Au niveau du lac, un sentier désaffecté suit fidèlement le déversoir du bassin jusqu'à la Plaine de Tavernette.

La Plaine de Tavernette sous les éboulis de Roche Bernaude. A partir de ce plateau, on marche à plat pendant quelques instants en direction du Sud.
C'est au niveau de ce petit étang que le sentier va de nouveau plonger vers les forêts de la Vallée Etroite.
La Vallée Etroite. Au centre le Pic de Rochebrune nous fait ses adieux derrière le Col des Thures.

Un fois au niveau du talweg de la vallée, des sentiers longent le Ruisseau de la Vallée Etroite de chaque côté. L'un d'entre eux, traversant le mélézin par une propriété privée, permet de rejoindre un petit joyau de la vallée.

Au creux d'une dépression, sous les pierriers des Rois Mages, se cache le Lac Vert. Plus vert que les pins et les mélèzes qui l'entourent, sa couleur est due à une algue qui prolifère dans ses eaux. Le phénomène de photosynthèse conduisant à sa couleur émeraude.
Ses eaux sont translucides. Il ne dépasse pas les 3,5m de profondeur.
Quelques minutes plus tard, on retrouve les Granges de la Vallée Etroite, terminus de notre excursion du jour.
Au loin, le Mont Thabor trône toujours fièrement au fond de la Vallée Etroite.

S'en est finit de la boucle du Thabor depuis la Vallée Etroite. La conquête d'un des 3000 les plus connus des Alpes françaises est une randonnée variée débouchant sur un panorama à couper le souffle. Un seul bémol à l'ascension du 4ème sommets des Cerces : la renommée de cette montagne conduit malheureusement à une sur-fréquentation notamment en haute saison. Certains versants sont cependant moins courus notamment depuis Valmeinier. Mais les paysages vous feront vite oublier la foule des sentiers.

Un repos bien mérité pour le Kangal des sommets !

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ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :

*un article sur le Tour du Mont Thabor en 3 jours est également disponible.

Created By
Nicolas Thiers
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