Béatrice Guay est étudiante à la Maîtrise en orthophonie de l’Université Laval. Elle fait partie du club de badminton Rouge et Or depuis l’automne 2016.
Mon combat
Dans les lignes qui suivent, vous allez lire certaines réflexions que je n’ai jamais raconté à personne, ni même à ma famille et à mes amis, mais que j’aurais bien aimé entendre par quelqu’un d’autre quand j’allais moins bien. Je considère cela comme une véritable chance de pouvoir profiter aujourd’hui de mon statut d’étudiante-athlète et de la tribune qui m’est m’offerte pour m’exprimer sur ce que j’ai vécu, afin de tenter de sensibiliser et d’aider le plus de gens possible aux prises avec des troubles de santé mentale. Si cela peut faire en sorte qu’une seule personne se reconnaisse dans certains de mes mots, alors mon objectif sera atteint et ce que j’ai vécu n’aura pas valu la peine seulement pour moi.
Je ne pensais jamais que je ferais un jour une dépression, moi qui ai fait partie de l’Initiative en santé mentale chez les étudiants-athlètes (ISMÉA), et pourtant ça m’est arrivé insidieusement, à un moment tout à fait imprévisible. Ça arrive aux autres, mais pas à nous, c’est ça qu’on se dit tous hein ?
Les troubles de santé mentale, ça peut toucher tout le monde. Ma mère m’a d’ailleurs déjà dit : on va chez le médecin au moins une fois par année pour faire un suivi de notre santé physique, pourquoi ne pas aller voir un psychologue au moins une fois par année pour faire un suivi de notre santé mentale ? Après avoir bataillé pour préserver ma santé mentale pendant toute la session d’automne dernier, je trouve que ma mère a bien raison (de toute façon, les mères ont toujours raison).
C’est lors de la fin du premier confinement en juillet 2020 que j’ai personnellement ressenti les premiers effets négatifs de la pandémie sur moi. À ce moment, même si je me suis entraînée fort et régulièrement pendant le confinement, quand le badminton reprend enfin, mon feeling de frappe sur le terrain ne revient jamais complètement comme avant. Je sens que je suis moins performante qu’avant, et je réalise que je vais devoir travailler aussi fort, sinon plus qu’avant, pour revenir à mon plein potentiel. En tant que joueuse de cinquième et dernière année, je n’ai plus la même motivation ni la même énergie que j’avais dans mes premières années pour remonter tous ces échelons. Il faut savoir qu’à la saison universitaire 2019-2020, j’étais au sommet de mes performances, au meilleur niveau que je n’avais jamais atteint de ma carrière. J’avais travaillé sans arrêt pour arriver à ce niveau, en m’entraînant de 10 à 15 heures par semaine pendant neuf ans. Le découragement commence donc à pointer le bout de son nez. Ma motivation et mon plaisir de jouer diminuent tranquillement, tout comme le sentiment de confiance et de valorisation que m’apportait le badminton, autant sur le terrain qu’en dehors de celui-ci. Le départ de mon entraîneur Étienne Couture, qui m’avait accompagné pendant plus de 12 ans, est également un coup dur pour moi qui me voyais terminer ma carrière universitaire avec lui. L’adaptation à ma nouvelle entraîneuse Chantal Jobin se fait bien, mais comme elle me connait peu comme joueuse, je me mets une pression supplémentaire en voulant lui prouver ce que je suis capable de faire (ou plutôt ce que j’ai déjà été capable de faire).
Après l’été, l’école recommence à distance. Je ne suis pas motivée, je sais que ma concentration est moins bonne et que j’assimile moins la matière par Zoom. Comme tout le monde, aller en classe me manque beaucoup, parce que ça m’incitait à suivre une routine saine et parce que ça me faisait voir mes amies, qui m’aidaient à décrocher pendant les pauses. Marcher jusqu’au campus le matin me permettait de prendre l’air tout en me réveillant. À la rentrée scolaire, j’ai encore quelques entraînements de groupe, mais aucune compétition. Avec mon horaire chargé des dernières années, j’ai toujours été disciplinée et rodée au quart de tour pour compléter mes travaux et mon étude à temps pour respecter les échéances. Je n’ai jamais vraiment eu beaucoup de temps libre. Je réalise alors à ce moment que j’ai MÉGA plus de temps qu’avant, puisque j’étais partie en compétition une fin de semaine sur deux. Et donc, au lieu de profiter de ce temps privilégié pour faire d’autres activités, je me mets à ne pas savoir quoi faire avec toutes ces heures libres. Je procrastine à fond pendant la semaine, puis je fais des devoirs toute la fin de semaine. Ayant longtemps été une athlète avant d’être une étudiante, mon équilibre et mes repères habituels ont complètement disparu. Je me rends compte que le badminton ne prenait pas seulement beaucoup de place physiquement dans mon horaire, mais également dans ma tête. En effet, j’ai constamment eu la tête remplie d’objectifs sportifs, de visualisations de matchs, d’idées d’alignements possibles, de futures feuilles de tirage… ce qui laisse désormais un grand vide pouvant se remplir de bien des pensées angoissantes.
Le fait que la deuxième année d’orthophonie est particulièrement exigeante contribue également à mon déséquilibre. Comme j’ai de la difficulté à comprendre et à appliquer la matière, ma motivation est à son plus bas et je me change les idées en regardant des vidéos YouTube. Je vais aux entraînements, mais pour la première fois de ma vie, le badminton n’arrive pas à me sortir la tête de l’école, qui me stresse de plus en plus. Je ne fais que penser à ça et je me retrouve dans un cercle vicieux infernal : je trouve l’école difficile, je procrastine pour oublier mon stress, je stresse davantage parce que j’avance moins vite que prévu, et donc je procrastine encore plus pour oublier mon anxiété qui grimpe en flèche. Parce que oui, à un certain moment, mon stress a définitivement évolué en anxiété. J’ai une grosse boule constante dans ma poitrine qui me fait mal tous les jours, je commence à faire des crises de panique et à avoir littéralement envie de vomir dès que j’étudie. Je suis rendue incapable d’être seule avec mes pensées anxiogènes, parce que j’ai peur de paniquer et le seul moyen que je trouve pour me calmer est que quelqu’un d’autre me rassure en relativisant ma situation pour moi. Je commence alors à faire des recherches sur Internet, d’abord pour me renseigner sur des trucs pour diminuer l’anxiété et cesser de procrastiner, mais ce sont toutes des choses que je connais déjà, pour les avoir apprises dans mon baccalauréat et mes stages en psychoéducation. En tombant sur des sites de plus en plus détaillés, un jour, je m’autodiagnostique un trouble d’anxiété généralisé, l’autre jour un trouble panique, et l’autre jour des comportements dépressifs. Vraiment pas une bonne chose à faire on s’entend! ;) ).
À ce moment, je décide d’aller chercher de l’aide pour gérer mon anxiété. Grâce aux services du Rouge et Or, j’ai la chance d’avoir accès à une psychologue rapidement, alors que je sais qu’au public les gens doivent attendre au moins six mois. Je demande également des conseils au coordonnateur de l’encadrement pédagogique du Rouge et Or, je prends rendez-vous avec ma médecin de famille et je communique avec le réseau d’aide La Béquille de la Faculté de médecine. Entretemps, le badminton est arrêté en raison du deuxième confinement. Je me dis : « bof, ça ne me dérange pas vraiment, je n’étais déjà plus motivée à aller aux entraînements et le badminton ne me changeait même plus les idées ». Mais ça fait en sorte qu’à ce moment, je cesse (ou presque) de faire du sport, et je crois que même si je ne m’en ennuie pas, clairement les bienfaits physiques, psychologiques et sociaux reliés au sport me manquent et aggravent ma santé. Comme je fais de plus en plus de crises de panique, que je suis constamment sur le bord des larmes et que je pleure souvent, j’en parle aux gens autour de moi, qui me disent qu’eux aussi, leur motivation est à zéro. On me dit que c’est normal que ce soit difficile à cause du confinement et de la deuxième année d’orthophonie, que je ne suis pas la seule, que tout le monde trouve ça difficile, que j’ai juste à « work through it » et que c’est seulement un mauvais moment à passer. On me conseille de recommencer à faire du sport régulièrement, à faire de la méditation ou du yoga et à me faire un horaire dans mon agenda incluant mes séances d’études et mon temps personnel. Toutes des choses que j’ai bien tenté de faire. Le problème, c’est que ce n’est pas tout ça qui était à la source de mon mal-être. Je savais bien au fond de moi que ce n’est pas seulement l’arrêt du sport et l’école à distance qui nuisaient à mon humeur, bien que ça contribuait probablement en grande partie.
En fait, alors que mes cours et mes stages d’orthophonie deviennent de plus en plus appliqués à ce que je vais faire dans ma carrière et que mes collègues de classe débordent de passion et d’enthousiasme, je commence à douter de mon choix de programme. Moi qui ai toujours travaillé fort pour entrer au programme d’orthophonie, le métier de mes rêves, je me mets à angoisser x1000 à propos de mon entrée sur le marché du travail un an plus tard. Je commence à réaliser que je ne suis peut-être pas faite pour le rythme de travail des orthophonistes. Une bonne claque dans la face, je dirais, pour une fille qui se projette comme orthophoniste depuis qu’elle est au cégep. Cette réalisation et les nombreux questionnements qui en découlent (« bien là, je vais faire quoi de ma vie d’abord, je n’avais pas envie de rien faire d’autre qu’orthophoniste, moi ») font en sorte que je commence à mal dormir, et que malgré ça j’ai quand même envie de dormir toute la journée plutôt que de me lever le matin. Et quand je me lève le matin, j’ai juste hâte au soir pour me recoucher. Je suis lâche (aujourd’hui je sais que ce n’était pas de la lâcheté, mais bien un symptôme de mon trouble) alors que j’ai toujours été une travailleuse assidue. J’ai envie de ne rien faire, mais genre RIEN FAIRE, c’est-à-dire rester en pyjama toute la journée, prendre ma douche un jour sur deux et j’ai de la misère à trouver l’énergie de me lever pour aller me brosser les dents le soir avant de dormir. Je n’ai plus d’appétit, alors que j'ai toujours adoré manger. Je me sens faible, je pleure tout le temps. Je ne suis plus capable de me concentrer sur un livre ni d’écouter Netflix, parce que tout ce que je vois est noir. Par exemple, j’écoute un film où la fille perd son emploi, et je me dis « oh my god, ça doit donc bien être difficile de perdre sa job, j’espère que ça ne m’arrivera jamais. Mon doux la vie est tellement difficile, si en ce moment je trouve ça autant difficile, je ne réussirai jamais à traverser toutes les épreuves de la vie qui s’en viennent, même les plus banales comme acheter une maison ou avoir des enfants. À quoi bon de toute façon puisque je vais mourir un moment donné ? » Donc tout ce que je suis capable de faire pour fuir mes pensées négatives est d’écouter d’anciennes saisons d’Occupation double sur YouTube (eh oui ! le meilleur vide-coco qui soit). Je commence à douter de mes capacités et de mon mérite d’être dans cette vie en tant qu’être humain. Je perds confiance en moi. On se rappelle que le badminton me valorisait beaucoup et qu’à ce moment, cette sphère de ma vie est inexistante. Je me mets à penser à toutes les erreurs que j’ai faites dans ma vie et à m’en vouloir à mort. Je m’autoflagelle en me trouvant dégoûtante d’être aussi lâche, toujours en train de pleurer, irritable, incapable de ne rien faire, sans talent. Je me sens seule, tout en trouvant que je le mérite, même si au contraire je suis entourée d’amis, de membres de ma famille et de personnes qui veulent m’aider. Mais dans ce temps-là, je ne vois pas tout ça.
Au contraire, c’est là que les idées noires commencent à embarquer de façon plus intense et sérieuse. Je me dis que je ne mérite plus vraiment de vivre avec mon caractère de chnoute et qu’en fin de compte, j’aurai vécu juste pour être bonne au badminton pendant quelques années.
Depuis le début de la session, il m’est arrivé quelques fois de presque espérer qu’un char me roule dessus ou que j’attrape accidentellement une maladie qui me tue (je sais, c’est complètement injuste comme pensée, considérant la chance que j’ai d’être en santé alors que plein d’autres ne le sont pas et échangeraient volontiers leur place avec moi). Mais ce n’était pas des pensées vraiment sérieuses, je voulais juste cesser de me sentir comme une merde.
Par contre, rendu à la mi-session, ça devient des pensées récurrentes et quotidiennes, vers lesquelles mon cerveau se dirige automatiquement dès que je ne comprends pas quelque chose à l’école ou qu’une vague de douleur commence à monter du fond de ma poitrine. Je me dis : « voyons donc Béa, pense à ta famille et tes amis qui trouveraient ta perte tellement difficile et ne s’en remettraient peut-être jamais, tu peux pas faire ça à tes parents, ton frère, ta soeur, ton chum et tes grands-parents qui t’aiment tellement, à toutes les personnes qui ont tellement essayé de t’aider depuis le début, ce serait tellement égoïste, ce serait les abandonner et gâcher le reste de leur vie, et en plus y’a tellement de monde qui l’ont plus rough que toi, tu serais tellement faible de faire ça ». Pendant un certain temps, ces pensées reprennent le dessus sur mes idées noires, puis une autre voix me dit alors : « justement, t’es tellement égoïste et bonne à rien qu’au contraire, ils seront mieux sans toi, t’es tellement négative et désagréable à vivre en ce moment. Un vrai fardeau pour les autres. » Cette voix-là qui commence à prendre de plus en plus de place me fait peur, alors je décide d’en parler à ma psychologue et à ma médecin. Elles m'accompagnent pour que j'appelle le Centre de crise de Québec, pour que je commence à prendre des antidépresseurs (moi qui ne voulais et qui ne pensais jamais avoir besoin de ça) et me suggèrent de faire un arrêt d’école. C’est là qu’on me dit et que je réalise pour de vrai que je traverse une dépression.
En m’entendant dire au téléphone à l’intervenant du Centre de crise que j’ai envie de mettre fin à mes jours, je n’en reviens pas que c’est vraiment moi qui dis ça, moi qui ai toujours tellement ri, été positive et aimé la vie. Je n’arrive pas à y croire moi-même, et pourtant la voix qui me dit que je pourrais juste m’en aller et mettre fin à ma souffrance est plus forte et soulageante que tout ce qu’on me propose d’autre.
Chaque fois que je lis une publication sur Facebook qui dit que si ça ne va pas, d’aller chercher de l’aide parce que c’est important et que ça vaut la peine, je deviens quasiment fâchée parce que je me dis : « crime, si j’ai envie de mourir, pourquoi vous ne me laissez pas le faire en paix, je suis libre de ma personne après tout, pourquoi vous ne me laissez pas tranquille ». Écrire ces lignes en ce moment est vraiment difficile émotivement pour moi, parce que je réalise aujourd’hui à quel point mes pensées n’avaient aucun bon sens et à quel point j’étais malade pour croire aussi dur comme fer à ces choses terribles que je me répétais. Parce que oui, j’étais malade, au sens littéral du terme. Je remercie aujourd’hui mes parents et mon chum de ne pas m’avoir lâchée et abandonnée dans cette période difficile, même si je dois avouer que dans ce temps-là j’avais parfois juste envie qu’ils me laissent tranquille, presque qu’ils me détestent, pour qu’ils aient moins de peine si je partais.
Sur le coup, quand on me dit que je fais une dépression, d’un côté je suis soulagée, parce que ça normalise ma situation. Je me rends effectivement compte que ce sont des choses qui n’arrivent pas juste à moi et je sais que beaucoup de personnes s’en sortent. D’un autre côté, j’ai l’impression d’être désormais une dépressive ambulante, qui se définit uniquement par sa maladie. Aujourd’hui, je suis capable d’en parler et de l’affirmer sans gêne, mais j’avoue que lorsque j’ai commencé à aller mieux avant les fêtes, je n’étais pas capable d’exprimer aux autres que « la session que j’ai trouvée particulièrement difficile » était en fait une session où j’avais fait une dépression. J’en avais honte, et ça me paraissait trop gros et disproportionné de dire ça à des gens qui pensent que c’est « seulement » à cause de l’école que j’ai trouvé ça tough, alors qu’en fait il y a eu tellement d’autres facteurs, dont l’arrêt forcé du sport, que je n’avais juste pas toujours envie de partager non plus. Pourtant, je sais aujourd’hui qu’il n’y a pas de mauvaise raison pour tomber en dépression. On a bien beau se dire « voyons, pourtant j’ai un toit sur ma tête, je ne meurs pas de faim, ma famille et mes amis sont en santé, je devrais donc être heureuse », ce n’est pas de même que ça marche quand ton cerveau décide que tu as besoin d’une pause.
Alors une pause, c’est exactement ce que j’ai pris même si, sur le coup, je me sentais lâche et faible de le faire. J’ai abandonné un cours vers la fin de la session, complété mes autres puis décidé de prendre la session d'hiver off, le temps de me remettre sur pied et d’avoir les idées plus claires pour décider de ce que je voulais faire pour la suite. Depuis que j’ai pris cette décision difficile, mais oh combien juste, mon état s’est tranquillement amélioré de jour en jour, de semaine en semaine.
Moi qui pensais que cette Béa là était partie pour toujours, qu’elle n’allait jamais revenir, elle a refait son apparition en plein air où j’ai réalisé que la vie était belle et que si j’étais partie, je n’aurais pas eu la chance de voir tous ces beaux paysages. Bref, je réalise aujourd’hui que cette randonnée a définitivement été un point tournant dans mon rétablissement mental.
Actuellement, je prends soin de moi plus que jamais et je vais beaucoup mieux. En fait, je suis même prête à dire que je n’ai jamais été aussi heureuse de toute ma vie. Mais même si je ne l’étais pas complètement, je sais maintenant que ce serait correct. La vie n’est pas faite pour aller 100% bien 100% du temps, parce que sinon on n’apprécierait pas les bons moments à leur juste valeur. C’est pourquoi savoir profiter de chacun des moments présents que l’on vit est d’autant plus important. Dernièrement, je me suis découvert des talents qui sont différents du badminton, j’ai plein de projets excitants qui s’en viennent, je vis dans le moment présent et je fais du yoga et de la méditation tous les matins. J’ai conscience de toutes les bonnes personnes qui m’entourent, j’ai repris confiance en moi et mon choix de carrière s’est clarifié. J’ai aussi recommencé à m’entraîner, et j’ai maintenant bien l’intention de porter les couleurs du Rouge et Or une dernière saison. Mais surtout, le plus important, c’est que j’ai retrouvé le GOÛT de faire toutes ces choses. Même si j’ai vécu la passe la plus éprouvante de ma vie la session dernière et que c’est encore un défi pour moi d’en parler, je peux aujourd’hui dire ceci (et je n’aurais jamais, au grand jamais imaginé dire cela à l’automne) : je suis reconnaissante d’avoir vécu ces moments challengeants. Tout arrive pour une raison après tout, n’est-ce pas ? J’ai appris énormément sur la personne que j’étais et remédié à certaines de mes habitudes et façons de penser qui me nuisaient. Même si j’ai évidemment encore bien du travail à faire sur moi-même, je me sens dorénavant plus forte que jamais et j’ai des outils pour m’aider la prochaine fois que je vis une période difficile. Je suis surtout fière de moi d’avoir réussi à traverser cette épreuve et d’être capable de pouvoir poursuivre mon chemin.
Une chose importante dont j’ai pris conscience est que, même si j’ai fait mon baccalauréat en relation d’aide, que j’ai travaillé avec des gens ayant des troubles de santé mentale et que je me considère comme une personne empathique, on ne peut pas comprendre ce qu’est réellement la dépression si on n’en a pas soi-même fait l’expérience. Avec du recul, j’ignore si ce que j’ai vécu me serait arrivé quand même sans confinement, parce que c’était peut-être dû pour m’arriver. Je crois toutefois fermement que sans école à distance et sans arrêt forcé du sport, mon questionnement professionnel n’aurait pas aussi durement impacté ma confiance en moi et mon identité personnelle.
J’ai également réalisé que la dépression est un trouble de santé mentale qui passe trop souvent et trop facilement inaperçu. Je me rappelle avoir participé à une entrevue à l’automne pour la Fondation de l’Athlète Excellence du Québec, où l’on m’avait grandement félicitée pour mon beau discours sur la discipline et la passion que j’avais toujours eue dans mon sport et à l’école, ce qui, ironiquement, ne me représentait pas du tout dans ce temps-là. Lorsque je visionne moi-même l’entrevue, je vois pourtant bien des signes m’indiquant que j’étais loin d’être à mon top à ce moment : je suis blême, moins expressive qu’à l’habitude et je cherche beaucoup mes mots en raison de mon faible niveau de concentration pendant cette période. Mais la réalité, c’est que je vois ces signes vraiment uniquement parce que je SAIS comment je me sentais dans ce temps-là. Autrement, seulement à partir des images diffusées, j’ai l’impression que ce serait plutôt impossible de deviner que je n'allais pas bien du tout et que ce que je disais n'était absolument pas à mon image à ce moment-là.
Somme toute, le message principal que je souhaite passer à travers toutes ces lignes est le suivant : oui, va chercher de l’aide, même si t’as pas envie, même si tu voudrais que tout le monde te laisse tranquille. Parce que oui il y a de l’espoir, et oui ça peut aller mieux un jour, même si tu n’y crois pas en ce moment, même si ça te fait chier que je te dise ça. Si tu n’as pas de professionnel de la santé proche, confie-toi à quelqu’un, n’importe qui (ça peut même être ton chien ou ton journal intime le temps de te trouver quelqu’un). Et ce n’importe qui là, confie-toi aussi à quelqu’un d’autre parce que ça peut être énergivore d’être le confident de la personne qui va moins bien. Oui, confie-toi, parce que d’en parler, ça allège la souffrance, ça aide à comprendre certaines choses et ça donne un peu plus de sens à ce que tu vis. Et finalement, n’hésite pas à donner une pause à ton cerveau si jamais tu sens que c’est ce dont il a besoin. Parce que même si tu fais tout bien, que tu doses bien ton étude et ton temps personnel, que tu fais du sport et du yoga chaque jour, parfois, quand tu es au centre de la crise, c’est de repos dont ton cerveau a réellement besoin. Ce n’est pas une question de faiblesse, mais bien une question de refaire tes énergies pour mieux tenir debout pour le reste de ta vie.
Je remercie sincèrement mon chum, ma famille, mes amis, collègues d’orthophonie et coéquipiers qui m’ont aidé à traverser cette phase difficile. Un immense merci également à l’organisation du Rouge et Or qui est toujours aussi compréhensive et solidaire avec les étudiants-athlètes, à la Faculté de médecine qui est tellement conciliante, sans oublier ma médecin qui a été si attentive et bienveillante. Enfin, un clin d'oeil tout spécial à l'athlète paralympique Cindy Ouellet dont le témoignage authentique m'a finalement convaincu de partager mon histoire à mon tour. J’en suis plus que reconnaissante et je ne le dirai jamais assez. Pendant l’automne, une personne très sage m’a d’ailleurs partagé un mantra spécial que je dépose ici s’il peut aider d’autres personnes autant qu’il m’a aidé. Il me rappelle encore aujourd’hui toujours le plus important, soit de profiter de chaque moment présent qu’il nous est donné de vivre : Chaque jour est le meilleur jour.
Et pour toi, qui as une santé mentale plus fragile ces temps-ci et qui as peut-être besoin d’un petit coup de pouce pour mieux t’accepter comme tu es aujourd’hui : Remember that you are one badass motherfucker, because nothing is more terrifying than battling with your own mind every single day.