Réalisée le 26-27 juin 2021
Après moultes années à effectuer des randonnées dans les Alpes françaises, il était temps de passer au niveau supérieur en réalisant notre première course d'alpinisme. Bien sûr nous n'avions pas en tête de gravir une des voies les plus dures des Alpes mais nous voulions tout même marquer le coup. C'est pourquoi, la Grande Ruine, dans le Parc National des Ecrins, fut un choix aisé : une altitude significative (plus de 3700m), une voie idéale pour l'initiation à l'alpinisme et un panorama à couper le souffle, l'un des plus beaux des Alpes françaises.
Cependant, la course d'alpinisme, notamment lorsqu'elle a pour but d'initier des débutants, doit se faire dans des conditions les plus optimales possibles. Notre ascension de la Grande Ruine a ainsi été décalée une première fois en raison des risques d'orage et du manque de regel la nuit. En effet, personne n'a envie de se retrouver sur une arête vertigineuse avec des vents violents alliés à de la neige et des éclairs manquant de peu de foudroyer quiconque se trouverait au sommet. De plus, pour permettre une stabilisation du manteau neigeux et du glacier, un regel la nuit est préférable. La course se réalisant très tôt le matin, cela permet une meilleure accroche des crampons, un risque d'avalanche minime et des chutes de pierres moins fréquentes. Mais là encore, le risque zéro n'existe pas et les accidents peuvent arriver à n'importe qui. Pour réduire au maximum les risques et s'initier plus facilement à cette pratique, nous serons encadrés par un guide de haute montagne. Il s'assurera de notre sécurité et nous expliquera la marche à suivre avant et pendant l'expérience.
Qui dit alpinisme dit matériel d'alpinisme. Bien que la montagne soit accessible à tous, l'alpinisme est une discipline réglementée. Il est obligatoire de se munir d'un pack de matériel lors d'une course, à savoir : des crampons, des chaussures cramponnables, un baudrier, un casque et un piolet. La corde et le reste du matériel de base (équipement de randonnée classique comme les vêtements) sont à la discrétion, du guide pour la première et des participants pour le reste.
C'est donc avec le feu vert du guide le vendredi 25 juin 2021 que nous nous préparons pour ce week end au coeur du Parc National des Ecrins. Cette ascension s'effectue sur deux jours : une première journée de randonnée qui nous permet de grimper jusqu'au refuge où nous serons rejoint par le guide en fin d'après midi, puis une seconde journée dont le point d'orgue sera la montée jusqu'au sommet de la Grande Ruine suivie par la descente, non pas jusqu'au refuge, mais jusqu'au point de départ de la veille.
Le départ pour atteindre le refuge se situe juste avant le Col du Lautaret, au niveau du hameau du Pied du Col, près de Villar d'Arène. De là, c'est pas moins de 1500m de dénivelés positifs qui nous attendent. Le temps est au beau fixe et il n'est pas nécessaire de partir trop tôt puisque nous n'effectuerons pas de descente après l'ascension, comme une randonnée à la journée pourrait le nécessiter.
La montée jusqu'au Refuge Adèle Planchard.
Il est 17H30 et nous arrivons au refuge. Après quelques minutes de contemplation, le guide nous donne quelques prérogatives avant que l'on se faufile dans les dortoirs du refuge. Une fois le lit fait, le sac doit être parfaitement prêt pour le lendemain et toutes les affaires qui seront utilisées pour l'ascension (autres que les vêtements) doivent se situer dans une caisse à l'entrée du refuge de sorte que le lendemain nous les enfilions dès notre sortie du bâtiment. Cela peu paraitre strict mais la plage horaire étant réduite pour l'ascension, il ne faut pas perdre de temps une fois levé : les conditions météo et le gel dépendent de ce timing et donc notre sécurité.
Le nom donné à ce refuge provient d'Adèle Planchard qui, en 1925, a légué sa fortune de 2 500 francs à la Société des Touristes du Dauphiné (STD) pour que soit réalisé des travaux en haute montagne. Ainsi ce lieu a été choisi pour accueillir un refuge et le nom d'Adèle Planchard fut donné à ce dernier. Le 15 juin 1927, le Refuge Adèle Planchard est inauguré.
Ce refuge est le camp de base pour quatre courses principales. Deux courses d'escalade : la Tour Choisy et la Tour Carrée. Et deux courses d'alpinisme : la Roche Méane et la Pointe Brevoort (notre objectif). En dehors des grandes traversées du massif, le Refuge Adèle Planchard sert donc d'intermédiaire pour l'ascension des différentes pointes composant la Grande Ruine.
Le guide nous a prévenu : lever à 3h30 pour un départ à 4h. La nuit sera donc courte, très courte même. Entre les ronflements de certains et le léger mal de tête dû à l'altitude, la nuit peut vite se transformer en petite sieste. Qu'importe, l'ambiance ''haute montagne'' est au rendez-vous.
L'ascension de la Pointe Brevoort.
Le réveil fut compliqué. Dehors, la nuit bat son plein. Seule la Lune éclaire légèrement les montagnes des environs. Au moins, la nuit a été claire ce qui a permis le regel. Après avoir englouti rapidement notre petit déjeuner, il faut maintenant s'équiper pour qu'ensuite le guide nous encorde. Quelques cordées démarrent l'ascension, nous serons les troisièmes à partir à l'assaut de la Grande Ruine. A 4h15, nos crampons frôlent la neige pour la première fois. C'est le début d'une ascension dans une ambiance mémorable : pas de vent, un clair de Lune illuminant légèrement le Massif des Ecrins, une succession de cordées arpentant la montagne et l'éclairant avec leur frontale. Puis, peu à peu, c'est le dégradé qui se prépare à l'Est. Les couleurs chaudes apparaissent : rouge, orange, jaune. C'est ensuite les couleurs froides qui succèdent et occupent encore la majeure partie du ciel alpin.
Cependant il faut faire vite. Le temps doit devenir plus instable en cours de matinée, le gel va peu à peu se réduire et il ne faut pas créer de bouchons sur la voie. Les moments contemplation seront brefs et l'effort intense. Le rythme de montée est assez apaisé. En effet, quatre rythmes de randonnée se concurrencent au sein de la cordée, il faut essayer de trouver le juste milieu entre tous les participants tout en évitant de détendre la corde au maximum. Pourquoi me direz-vous ? Parce que si la corde est détendue entre les participants et que l'un deux chute dans une crevasse ou glisse, le choc sera plus important sur le reste de la cordée et cela pourrait être dangereux voire fatal pour l'ensemble du groupe.
Le nom de ce sommet a été attribué en hommage au premier alpiniste ayant gravi cette montagne. Et c'était une femme ! L'américaine Margaret Claudia Brevoort a réalisé la première ascension du point culminant de la Grande Ruine en 1873. Pour l'anecdote, cette femme a également été l'une des premières alpinistes à mettre des pantalons. Au XIXème siècle, les femmes qui s'attaquaient à la haute montagne portaient généralement des robes. Et oui, les chamoniardes étaient en robe au sommet du Mont-Blanc !
Plusieurs sommets du Massif des Ecrins portent ainsi le nom d'étrangers notamment des anglo-saxons : le Pic Coolidge, le Pic Tuckett ou encore la Pointe Brevoort. En effet, ces montagnes ont été nommées ainsi après leur première ascension au cours du XIXème siècle, en plein âge d'or de la conquête des Alpes. Durant ce siècle, les principaux sommets des Alpes sont gravis par des alpinistes de légende : le Cervin est vaincu en 1865 par Edward Whymper, le Mont Viso en 1861 par William Mathews, tout deux Britanniques. Le Mont Blanc, quant à lui, a été gravi pour la première fois en 1786 par les chamoniards Michel Pacard et Jacques Balmat, donc bien avant les autres géants des Alpes.
Le temps que nous profitons de la vue au sommet de la Pointe Brevoort, le guide nous fait un tour d'horizon des sommets visibles depuis ce panorama : Mont-Blanc, Aravis, Grandes-Rousses, Vercors, Taillefer, Dévoluy, l'Olan, Sirac, Bans, Ailefroide, Barre des Ecrins, Pelvoux, Montagne des Agneaux, Escreins, Mont Viso, Queyras, Cerces, Vanoise, Grand Paradis, Cervin, Meije, Râteau etc... C'est un panorama à 360° qui s'offre à nous et que les nuages élevés n'arriveront pas à nous cacher.
Après quelques minutes d'admiration devant ce panorama exceptionnel, il est temps de redescendre pour ne pas empêcher les autres cordées de profiter de la vue (le sommet n'est pas très large) et, comme pour la montée, éviter au maximum de créer des blocages sur la voie. Cette fois-ci l'ordre de la cordée s'inverse, le guide passe dernier pour assurer l'ensemble des participants. Le dernier passe en premier et découvre la joie et les sensations d'ouvrir la voie.
Une fois au refuge, il faut régler sa nuitée et reprendre des forces parce que c'est encore 1500m de dénivelés négatifs qui nous attendent. En une journée nous effectuerons ainsi 2100m de dénivelés négatifs, le tout en s'étant réveillé à 3h30 du matin.
La longue descente de la Haute Vallée de la Romanche.
Cette expérience restera probablement inoubliable tant par son caractère inédit que par les paysages que nous avons traversé et aperçu. L'ascension de la Pointe Brevoort permet aux débutants et aux passionnés de contempler près d'un quart de l'arc alpin puisque se situant quasiment à la jonction entre les Alpes du Nord et les Alpes du Sud. Si jamais vous avez envie de sauter le pas, cette course d'alpinisme vous mettra directement dans l'ambiance de la haute montagne et vous donnera envie, peut-être, de tenter l'ascension d'un autre géant des Alpes.
Les difficultés de cette course de cotation F (Facile) sont les suivantes :
- La longueur de l'itinéraire entre la vallée et le refuge (notamment pour le retour).
- La traversée d'un glacier crevassé.
- Des pentes allant jusqu'à 40°.
- Une courte traversée sur des rochers instables.
- Un risque de chutes de pierres notamment avec le dégel.
_______________________________________________________________
ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :