Un programme pour contribuer à la résorption pérenne des bidonvilles et à l’insertion des générations futures
30 médiateurs, 15 départements ciblés, près de 2000 enfants accompagnés en 2020-2021
En 2019, environ 15 000 personnes sont recensées dans plus de 300 bidonvilles en France métropolitaine, dont 4 à 5000 mineurs. L’instruction du Gouvernement du 25 janvier 2018 vise à donner une nouvelle impulsion à la résorption des bidonvilles en fixant un objectif clair de réduction durable du nombre de bidonvilles. Signée par 8 ministres, dont le ministre de l’éducation nationale, elle rappelle que la protection de l’enfance, l’accès aux droits et la scolarisation des enfants et des jeunes mineurs sont des enjeux prioritaires des stratégies partenariales mises en œuvre par les territoires. Ce sont des leviers essentiels pour permettre aux futures générations d’échapper aux logiques de reproduction de la précarité et d’accéder à l’autonomie.
Qu’est-ce que c’est ?
Un nombre significatif d’enfants vivant en situation de grande précarité demeurent éloignés de l’école : 70% d'entre eux n'ont jamais été scolarisés, le sont de manière discontinue ou sont en décrochage scolaire. Le programme d’ « accompagnement vers et dans l’école » vient en complément de l’action de l’éducation nationale en contribuant à surmonter les obstacles à la scolarisation durable de ces enfants (difficulté de repérage des situations, extrême précarité, instabilité forcée ou non des familles, priorisation difficile de l’enjeu scolaire, grand retard scolaire…).
Les objectifs pour 2022 sont de doubler le nombre d’enfants scolarisés et accompagnés dans leur scolarité et de scolariser tous les enfants dont les familles bénéficient d’actions d’accompagnement vers l’insertion.
Quels enfants peuvent en bénéficier ?
Le programme cible tous les mineurs de 3 à 18 ans en situation de grande précarité, vivant en bidonvilles, en squats et en hébergement ( hôtels sociaux, centres d’hebergement… ). Dans chacun des quinze territoires ciblés, un ou plusieurs médiateurs ont pour missions de les aider à accéder à l’école ou entrer en formation et à s’y maintenir durablement, dans le cadre d’un accompagnement individualisé.
Sebastián, médiateur scolaire au sein de l’association C.L.A.S.S.E.S. à Lyon.
Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler dans la médiation scolaire ?
A mon sens, l’école avant même d’être un lieu d’instruction est un espace d’épanouissement de la personne et de construction de notre communauté [...]. J’avais envie d’aller plus loin en orientant mon action au plus près des familles en grande précarité et d'agir sur les freins qui les empêchent d’exploiter tout leur potentiel.
Qui sont les enfants et les jeunes que vous accompagnez ?
J’accompagne des jeunes de 3 à 18 ans. Les parents comme les enfants sont presque toujours très enthousiastes pour l’école […]. Nous tentons de lever les obstacles, un par un.
Qu’est-ce qui vous semble le plus utile dans cet accompagnement ?
Favoriser le lien famille-école par une meilleure connaissance réciproque et l’assimilation des codes de l’école par les familles.
Comment contribuez-vous à sensibiliser les personnels de l'éducation à la réalité vécue par les enfants ?
A leur demande, nous pouvons accompagner les enseignants sur les terrains. Le soutien que nous avons organisé au sein d’un terrain nous a aussi permis d’en accueillir certains pour travailler pendant les temps de confinement.
Déploiement du programme sur 2020-2021
Départements de mise en œuvre
Sur chaque territoire concerné, des associations ont été ciblées pour assurer le portage des missions d’« aller vers » les familles et de liaison avec les acteurs de la scolarisation (DSDEN, CASNAV, directeurs d’écoles et chefs d’établissements, équipes éducatives et enseignantes, collectivités locales…).
Merson, médiateur scolaire à Marseille au sein de l'association L'École au présent
Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler dans la médiation scolaire ?
Je m’appelle Merson, j’ai 19 ans, je vis à Marseille depuis 15 ans. J’ai commencé l’école à l’âge de 12 ans. J’ai vu Jane Bouvier (responsable de l’École au présent) travailler pendant des années et je voulais faire la même chose.
En quoi consiste l’accompagnement que vous proposez ?
J’essaie d’expliquer aux parents et aux enfants que c’est important d’aller à l’école pour avoir un emploi plus tard. Je les accompagne à l’école le matin et si les enseignants m’appellent pour me signaler l’absence d’un enfant, je vais voir les parents pour connaître les raisons.
Quelles relations entretenez-vous avec les familles ? Avec les enfants ?
Les relations sont très bonnes, il s’agit de familles que je connais bien. J’ai vécu dans la rue pendant des années avec mes parents, avant que nous accédions à un logement.
Comment travaillez-vous avec les enseignants ? En quoi pouvez-vous leur êtes utile ?
Je traduis pour eux, je leur explique la situation des enfants car je les connais bien.
Comment contribuez-vous à mieux faire (re)connaître la réalité vécue par les enfants aux personnels de l’éducation ?
Je parle de ma vie d’avant, de mon exemple et j’explique les conditions de vie des familles.
Ioan, médiateur scolaire à Marseille au sein de l'association L'École au présent
Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler dans la médiation scolaire ?
J’ai 46 ans, je vis à Marseille. Je suis marié et j’ai deux enfants et j’aime aider les gens.
En quoi consiste l’accompagnement que vous proposez ?
J’explique aux familles l’importance de l’école, cela prend du temps, c’est un processus long car les parents eux-mêmes ne sont pas allés à l’école. Je fais le lien entre les écoles et les familles car souvent les parents ne comprennent pas la langue. Ils ne comprennent pas toujours les enjeux. Il y a une vraie méconnaissance du monde scolaire.
Quel souvenir ou exemple pourriez-vous rapporter d’une ou deux actions de soutien particulièrement fructueuse(s) ?
Un père de famille que je connais bien et qui ne sait ni lire ni écrire a toujours accompagné ses 5 enfants à l’école. Aujourd’hui, les deux aînés travaillent et ont obtenu leur permis de conduire.
Comment contribuez-vous à mieux faire (re)connaître la réalité vécue par les enfants aux personnels de l’éducation ?
J’explique sans relâche les conditions de vie des enfants et la situation des parents qui ne connaissent pas l’école. Ils n’y sont pas habitués. Il faut beaucoup de patience pour faire ce travail car la prise de conscience prend du temps.
Des missions multiples
Aider à aller à l’école
- Sensibiliser les familles à l’enjeu scolaire
- Préparer les enfants à la scolarisation
- Aider aux démarches d’inscription en mairie et d’affectation à l’école
- Faciliter l’arrivée dans l’établissement
- Orienter les jeunes vers les dispositifs d’insertion et de formation existants
- Aider à réunir les conditions matérielles d’accès à l’école
Aider à rester à l’école
- Construire et organiser les conditions nécessaires à la réussite de la scolarité.
- Permettre aux familles de tisser des liens avec l’école et soutenir la parentalité
- Favoriser l’assiduité et la persévérance scolaire
- Donner du sens à l’école en aidant le jeune à travailler son orientation
Samantha, médiatrice scolaire à Nantes, avec l’association les PEP Atlantique Anjou
Qu’est-ce qui vous a poussée à travailler dans la médiation scolaire ?
Issue d’une formation Management de la Solidarité Internationale et de l’Action Sociale, j’ai eu plusieurs expériences auprès des publics en très grande précarité. M’investir dans la médiation scolaire est une continuité des valeurs humaines et d’entraide qui m’animent.
En quoi consiste l’accompagnement que vous proposez ?
À donner du sens à l'école, à faciliter l’adaptation scolaire de ces enfants, ainsi que la communication et la compréhension entre familles, directeurs et enseignants.
Quel souvenir ou exemple pourriez-vous rapporter d’une ou deux actions de soutien particulièrement fructueuse(s) ?
Je pense à Rebecca qui a pu être scolarisée dès ses 3 ans, ou encore à Briana, 7 ans, qui, après avoir complètement abandonné sa scolarité, fréquente aujourd’hui quotidiennement l’école.
Le programme fait l’objet d’un suivi en continu dans le cadre de la plateforme numérique «Résorption bidonvilles» mise à disposition par la Dihal. Outil d’information, de partage et de pilotage, cette plateforme permet de créer une véritable dynamique collaborative, au sein d’un territoire entre les acteurs engagés dans la politique de résorption.
Contact
Jean-Paul BACHELOT, Conseiller " Education, formation et droits de l'enfant " : jean-paul.bachelot@dihal.gouv.fr