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Qu'en est-il de l'universalité du suffrage? Ligne du temps (1830-2004)

Le suffrage et la politique

Le mot politique est dérivé du grec « polis » qui signifie « communauté » ou « société ». La politique est donc une façon d’organiser la société. Les citoyens, c’est-à-dire les membres de cette société, sont à la base du système. Il n’existe pas toujours de consensus sur la question de savoir qui peut désigner les dirigeants et comment, si tous les citoyens peuvent participer au suffrage ou quelle est la façon dont les citoyens exerceront un contrôle sur leurs leaders.

Au fil du temps, la possibilité de participer au suffrage a été soumise à des conditions très diverses, comme par exemple le sexe – le droit de vote ayant été accordé pratiquement partout dans le mode d’abord aux hommes –, l’âge, la fortune, l’origine ethnique, le niveau d’éducation, l’état civil ou la nationalité. Dans certains pays, le vote est obligatoire, mais ce n’est pas le cas dans la majeure partie des Etats.

Affiche pour les élections législatives de 1925 représentant l’opposition idéologique et politique entre la gauche et la droite..

Si le suffrage constitue une façon d’organiser la société de manière pacifique, il n’existe pas de canevas unique applicable à tous les pays et à toutes les époques. Ce site internet examinera le cas de la Belgique, avec une attention particulière pour les élections nationales (aujourd’hui fédérales). Les autres élections, comme celles pour l’Europe, les régions, les provinces ou les communes seront traitées en marge. De temps en temps, il sera aussi question d’autres pays.

En haut à gauche: Répartition des sièges à la Chambre des représentants après les élections fédérales de 2007. En bas à gauche: Colleurs d’affiches, avec entre autres Edward Anseele jr. pour les élections de 1936, Stationsstraat Deinze. À droite: Affiche libérale pour les élections législatives de 1921. Lénine et Trotski s’adressent au peuple.

Par rapport à la plupart des autres pays européens, où le pouvoir était détenu quasi entièrement par les grands propriétaires fonciers, la Constitution du jeune État belge était relativement progressiste. Cette Constitution était le fruit d’un compromis entre les forces conservatrices de l’Ancien Régime d’une part, c’est-à-dire la noblesse et le clergé, et la bourgeoisie libérale d’autre part. La monarchie était conservée mais le pouvoir absolu du souverain était limité. La Chambre des nobles était remplacée par le Sénat. Pour pouvoir se présenter aux élections pour le Sénat, il fallait avoir un revenu tellement élevé qu’uniquement les nobles et les plus riches pouvaient y prétendre. La Chambre des représentants, quant à elle, répondait davantage aux nouveaux idéaux de citoyenneté. Cependant, il ne s’agissait pas encore d’une démocratie véritable. Seuls les hommes qui payaient un impôt suffisamment élevé pouvaient voter. En d’autres mots, le pouvoir politique était basé entièrement sur la propriété, les avoirs et le genre. Sur 4 millions de Belges, à peine 40.000 ou 1 sur cent avaient le droit de vote.

Propagande électorale gantoise pour les premières élections nationales de 1830. Le Parlement s’appelait alors « Congrès national ».
Liste nominative des électeurs d’Alost, avec indication de leur profession ou « qualité », montrants très bien la composition sociologique de la petite élite électorale en 1824.

La création du Parti libéral, le 14 juin 1846, a inauguré une nouvelle phase de l’histoire politique belge. Pour la première fois, des hommes politiques des quatre coins du pays se sont réunis pour former un parti politique dont une des missions premières était de présenter des candidats aux élections. Le Parti catholique et le Parti ouvrier belge ont suivi cet exemple respectivement en 1869 et en 1885. Les politiciens espéraient que les partis seraient un instrument pour mieux mobiliser les électeurs et pour influencer leurs votes.

L’aile progressiste a fortement marqué le premier programme électoral libéral. Il y était notamment question d’un élargissement de l’enseignement public et d’une amélioration du sort des plus démunis, ainsi que du droit de vote. L’article 1 du programme préconisait – prudemment – un élargissement du suffrage. À peine deux ans plus tard, ce fut partiellement réalisé.

Image de droite: Le premier congrès libéral de 1846 à l’hôtel de ville de Bruxelles propose entre autres une extension du droit de vote.

La Constitution de 1830 mentionnait seulement le montant minimal d’impôt à payer pour pouvoir participer au vote. Dans la pratique, il était plus élevé, mais la célèbre année révolutionnaire 1848 changea cette donne. Cette année-là, des mouvements de protestation éclatèrent partout en Europe, dont en France, en Autriche et en Prusse, et notamment sous l’influence du Manifeste communiste, publié cette même année par Karl Marx et Friedrich Engels. La devise du manifeste, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », a été un des slogans les plus mobilisateurs de tous les temps.

À gauche: le premier manuel néerlandophone de l’électeur, publié en 1871 par le Willemsfonds. À droite: composition de la Chambre des représentants (1850-1851)

Si en Belgique tout est resté relativement calme, cela n’a pas empêché les élites politiques de prendre une série de mesures pour garantir la stabilité du pays. Ainsi, le cens électoral fut ramené au minimum constitutionnel de vingt florins. Si davantage de personnes étaient associées à la gestion du pays, le risque de propagation d’idées révolutionnaires resterait limité. Or, cette mesure n’eut que des effets marginaux. Certes, le nombre d’électeurs doubla mais il passa à 80.000 hommes, soit 2% de la population.

Une partie grandissante de l’opinion ne se satisfaisait pas de ces mesures trop prudentes. Déjà en 1848, le républicain libéral Lucien Jottrand proposait de donner le droit de vote à tous les hommes ainsi qu’à toutes les femmes alphabétisés ayant plus de 21 ans. Les autres devaient avoir le droit de vote à partir de 25 ans, sur base de leur expérience. Jottrand estimait aussi que l’électorat ne devait pas être limité aux Belges de naissance : quiconque habitait depuis trois années successives en Belgique, y travaillait et payait des impôts avait, à son avis, le droit d’aller voter. Des catholiques progressistes partageaient cette idée et œuvraient pour une extension du droit de vote, en arguant que tout individu étant égal devant Dieu, chacun devait avoir une voix lors des élections. Les libéraux progressistes ont traduit cette idée en 1864 dans l’article constitutionnel qui indique que « tous les Belges sont égaux devant la Loi ».

En 1865, les progressistes et les socialistes se mettent d’accord pour organiser ensemble, à Bruxelles, des réunions sur le suffrage universel. Comme leurs prédécesseurs, ils estimaient que l’introduction de ce droit de vote devait aller de pair avec une obligation d’information de la part des politiciens – ce que l’on appelle aujourd’hui la publicité de l’administration – et avec l’enseignement général obligatoire et gratuit pour tout le monde.

La loi du 9 juillet 1877 sur le secret du vote et les fraudes électorales voulait juguler tous les abus rencontrés lors des élections. En effet, depuis 1830, le vote n’était pas vraiment secret. Le jour des élections, les électeurs étaient appelés un par un par le président du bureau de vote pour leur remettre un billet manuscrit avec les noms de leurs candidats préférés. Chacun savait donc pour qui telle ou telle personne avait voté, ce qui pouvait conduire, les jours suivants, à des représailles de la part des perdants ou de leurs partisans. En outre, les électeurs étaient parfois mis sous pression pour remplir leur bulletin de vote bien avant le jour des élections, sous la surveillance d’hommes politiques ou de leurs militants respectifs.

La nouvelle loi stipulait que les candidats devaient se manifester au moins cinq jours avant la date des élections, avec le soutien de quelques autres électeurs. Les noms des candidats étaient ensuite imprimés – par parti et par ordre alphabétique – sur un bulletin de vote officiel. Les libéraux étaient mentionnés en encre bleue sur la partie gauche du bulletin, les catholiques en encre rouge sur le côté droit, et les indépendants en caractères noirs.

Propagande d’ Audenarde pour l’élection d’un sénateur, via le bulletin de vote multicolore utilisé en 1878.

Des isoloirs étaient prévus pour permettre aux électeurs de voter en toute discrétion avant de déposer leur bulletin dans l’ urne. Ainsi, il était en principe impossible de savoir pour qui chacun avait voté. Les opérations électorales étaient surveillées par des témoins et le dépouillement des votes était effectué dans un local séparé.

Cette procédure est restée pratiquement inchangée pendant un siècle. Si les couleurs sur la liste ont disparu en 1894 et que des listes supplémentaires sont apparues, tout le reste n’a grosso modo pas été modifié. La seule modification d’importance concerne l’introduction du vote électronique. Testé en 1991 et devenu opérationnel depuis 1994, ce moyen de voter remplace parfois la méthode traditionnelle, sur bulletin papier.

À gauche: La loi de 1877 introduisit le vote secret et détermina l’aménagement des bureaux de vote tel qu’il est encore en vigueur de nos jours.

Dans les années 1880, les débats sur le suffrage universel refirent surface. Mais pour les conservateurs, tant libéraux que catholiques, ce suffrage universel était inconcevable. Une extension du nombre d’électeurs semblait la meilleure solution pour pouvoir préserver (provisoirement) la paix. Les premières propositions du chef de file catholique Jules Malou, du leader progressiste Paul Janson et des libéraux Charles Buls, Léon Vanderkindere et Eugène Goblet d’Alviella firent long feu. En 1883, les libéraux et catholiques, qui se partageaient le pouvoir depuis des décennies, trouvèrent un compromis. Lors des élections communales et provinciales, la base électorale fut considérablement élargie avec deux nouvelles catégories d’électeurs : les électeurs exemptés du cens et les électeurs disposant de certaines « capacités ». Le principe de base de cette extension reposait toujours sur la théorie traditionnelle selon laquelle seule une éducation suffisante pouvait permettre d’accéder au vote.

« Dieu à la Chambre » : article du Volksbelang libéral, fustigeant l’organisation d’un examen électoral dans les communes catholiques.

La première catégorie comprenait les hommes détenant au moins un diplôme de l’enseignement secondaire inférieur ou une formation équivalente bien déterminée, ainsi que ceux qui exerçaient une fonction ou qui occupaient un poste nécessitant les mêmes compétences. Ces nouvelles dispositions n’étaient pas totalement neuves. En 1830, lors de la fondation de l’État belge, ce même critère avait été appliqué pour une seule élection. Le parlement élu sur ces bases s’était empressé de supprimer ce système...

La deuxième catégorie était celle des hommes âgés de plus de 18 ans qui avaient réussi « l’examen électoral » annuel. Cet examen des capacités électorales était basé sur les matières de l’école primaire. Un jury évaluait les candidats électeurs lors d’une épreuve écrite (60%) et orale (40%). Pour réussir, il fallait obtenir au minimum 60% des points.

Au final, cet élargissement du corps électoral resta limité.

Lettre de 1889 du Cercle des Électeurs capacitaires pour féliciter et conseiller ceux qui ont réussi l’examen.

Le combat pour le suffrage universel pur – un homme, une voix – était basé sur le principe que tous les citoyens du pays devaient pouvoir participer de façon égale aux élections. Pour les socialistes, il en allait de leur survie. A défaut de l’instauration du suffrage universel, ils ne pouvaient s’imposer vu que leur électorat était composé, en grande partie, d’ouvriers qui ne pouvaient aller voter. Dans ce combat, les socialistes furent rejoints par une frange du parti libéral.

Reportage photographique sur la grève pour le suffrage universel, Gand, Place Saint-Pierre, 1893 (Huis van Alijn).

En 1831, le système du suffrage censitaire permettait à quelque 40.000 Belges de voter lors de l’élection de la Chambre des Représentants. Pour occuper les 51 sièges du Sénat, seuls 400 personnes étaient éligibles. Même après la réduction du cens électoral, le nombre de personnes pouvant aller voter restait très limité. Régulièrement, des grèves étaient organisées en faveur du suffrage universel, surtout en Wallonie où elles eurent un important écho. Le 11 avril 1893, la direction du parti ouvrier lança un appel à la grève générale.

La grève générale: Des mineurs en grève au Hainaut, mai 1891 (IHOES, Seraing).
De Volkswil, 1892

Sous la pression de ces manifestations, des libéraux progressistes et des socialistes, un compromis compliqué fut atteint cette année-là, à savoir l’introduction du suffrage universel tempéré par le vote plural pour tous les hommes à partir de 25 ans. Chaque Belge disposait désormais d’un vote, mais certains en avaient un deuxième, voire un troisième, en fonction de leur niveau d’éducation ou du montant des impôts qu’ils payaient.

  • 853.628 hommes disposaient d’1 voix
  • 293.679 hommes disposaient de 2 voix
  • 223.381 hommes disposaient de 3 voix

Les élections de 1894 furent organisées sur base de ce nouveau système. Le parti socialiste obtint 28 sièges au Parlement. Toutefois, le combat pour le « suffrage universel pur » n’était pas terminé.

Image de gauche: « De schanddaden van het cijnskiesstelsel », traduction de l’ouvrage « Les hontes du suffrage censitaire » de Léon Defuisseaux. À partir des années 1880, les socialistes critiquent violemment le système du suffrage censitaire.

Image de droite: manifestation libérale à Malines à la veille des élections de 1898.

A partir de 1830, les vainqueurs des élections étaient désignés selon un système de majorité absolue, qui fonctionnait assez bien au début, vu que les listes électorales n’existaient pas encore. Elles furent cependant introduites en 1877. Le système qui était appliqué était le même que celui qui est encore en vigueur au Royaume-Uni et aux États-Unis, à savoir « le vainqueur emporte tout » : tous les sièges d’une circonscription électorale étaient attribués à la liste ayant remporté le plus de votes.

Ce système empêchait les petits partis et les groupes minoritaires d’avoir des élus. Dès lors, la solution sembla évidente : au lieu d’attribuer tous les sièges au plus grand parti, il fallait les répartir proportionnellement aux résultats des votes, afin de permettre aux candidats des petits partis d’obtenir un siège.

Affiche de Harelbeke à l’occasion des élections de 1911, où tant les libéraux que les socialistes lancent un appel en faveur du suffrage universel simple et pour une représentation proportionnelle pure.

Ceci ne convenait évidemment pas aux grands partis, mais les libéraux progressistes, les socialistes et les démocrates-chrétiens restèrent fermes sur leurs revendications. En 1899, le gouvernement catholique, dirigé par Paul de Smet de Nayer, réussit à trouver une majorité alternative au Parlement pour neutraliser les catholiques conservateurs et les libéraux doctrinaires. Le projet de loi fut finalement approuvé. Les élections suivantes constituèrent une grande défaite pour les catholiques (qui gardaient toutefois la majorité à la Chambre) et redessinèrent fondamentalement le paysage politique. Progressivement les démocrates-chrétiens s’imposèrent comme le groupe principal au sein du parti catholique et chez les libéraux, les progressistes élargirent leur emprise. Le suffrage universel simple et l’enseignement obligatoire semblaient être à portée de main.

Le combat pour le suffrage universel pur et simple connut plusieurs épisodes. En Flandre, ce sont surtout les événements du 18 avril 1902, à Louvain, qui sont restés dans la mémoire collective. À l’approche des élections de mai 1902, les socialistes avaient lancé une nouvelle campagne en faveur du suffrage universel simple. En novembre, ils avaient introduit , avec les libéraux progressistes, un projet de loi pour une révision de la Constitution, devant conduire à l’introduction du suffrage universel simple. Dans la rue, des réunions et des manifestations furent organisées pour augmenter la pression.

À mesure que la date des débats parlementaires sur la révision de la Constitution approcha, la tension augmenta. À Anvers, à Gand et à Liège, des manifestants furent blessés et en avril 1902, il y eut même des morts lors de manifestations, notamment deux à Houdeng-Goegnies, près de La Louvière et trois à Bruxelles. Des voies de chemins de fer et des lignes téléphoniques furent sabotées et des incendies allumés. L’appel à la grève générale se fit de plus en plus insistant et le 14 avril 1902, la grève fut effectivement lancée.

Un homme, une voix: Chanson d’un recueil d’hymnes militants, publié par les socialistes gantois en 1902.

Le 18 avril 1902, la Chambre des représentants rejeta le projet de révision de la Constitution visant à introduire le suffrage universel simple. Quand cette nouvelle fut rendue publique, des rixes éclatèrent à plusieurs endroits du pays, dont à Louvain où les manifestants et la police s’affrontèrent durement. À deux endroits dans la ville, la police ouvrit le feu sur les manifestants, provoquant six morts et de nombreux blessés. La nuit du 18 avril 1902 restera dans les mémoires comme la « nuit de sang ».

Affiche du Parti ouvrier belge pour commémorer les « martyres » du suffrage universel (Archives communales de Louvain ).

Image de gauche: Gendarmerie montée: Charge de la gendarmerie devant la Maison du Peuple à Bruxelles, le 12 avril 1902 lors d’une manifestation en faveur du suffrage universel (IHOES, Seraing).

À gauche: photo d’Emilie Claeys (1855-1943)

En 1894, lors du congrès de Quaregnon, le Parti ouvrier belge, sous la pression de la militante Emilie Claeys, inscrivit le suffrage féminin dans sa liste de revendications. En 1895, la Ligue belge du droit des femmes marqua prudemment son adhésion à cette idée. Le projet de loi de Jules Destrée en vue d’introduire le suffrage féminin se heurta au véto des catholiques dirigés par Charles Woeste et à l’attitude ambiguë du Parti libéral. Sa proposition n’avait donc aucune chance d’aboutir. Pour les femmes, le combat allait encore être long.

Les années suivantes, les principaux mouvements féministes unirent leurs forces. En février 1913, les deux principales organisations, l’Union féministe belge pour le suffrage des femmes et la Ligue belge du droit des femmes créèrent ensemble la Fédération belge pour le suffrage des femmes. Des mouvements féministes de toutes tendances politiques s’y associèrent, comme par exemple la Ligue catholique du droit des femmes, la Société belge pour l’Amélioration du Sort de la Femme, l’Union belge pour le Suffrage, l’Union des Femmes Gantoises et l’Association anversoise des femmes. Du côté politique, leurs revendications furent appuyées par les socialistes et le Liberale Vlaamsche Volksbond. La Fédération adhéra à l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes mais le mouvement fut brutalement interrompu par la Première Guerre mondiale.

L’introduction du suffrage universel plural pour les hommes, en 1893, ne fut qu’une étape dans la lutte pour le « suffrage universel pur ». Entre 1893 et 1914, de nombreux cortèges, manifestations et grèves continuèrent à secouer la société. La dernière action d’envergure fut la grève générale de 1913, lancée par le mouvement socialiste.

Les députés socialistes élus, 1919, arrondissement de Termonde, avec entre autres Gustaaf Pets, Hippoliet Vandemeulebroucke, Juul De Brouwer, Emiel De Backer.
Le gouvernement Delacroix, le cabinet de Loppem. Le premier gouvernement après la Première Guerre mondiale. Bruxelles: 1919 : de gauche à droite: Léon Delacroix, Louis Franck, Fulgence Masson, Joseph Wauters, Jules Renkin, Emile Vandervelde, Albéric Ruzette, Paul Hymans, Henri Jaspar, Edward Anseele, Charles...

En 1914, la situation politique changea radicalement. Suite à l’invasion allemande, l’Union Sacrée fut décrétée. En 1916, le gouvernement catholique homogène s’ouvrir aux libéraux et aux socialistes pour constituer un gouvernement d’union nationale. Cet élargissement devait aussi symboliser l’unité du pays face à l’ennemi allemand.

À la fin de la guerre, il devint évident que tout avait changé et qu’il était impossible de perpétuer le système d’avant-guerre. Le premier gouvernement d’après-guerre, composé de catholiques, de libéraux et de socialistes, décida d’introduire le suffrage universel pur et simple pour les hommes à partir de 21 ans. Le 16 novembre 1919, les élections furent organisées pour la première fois selon ce nouveau système. La réforme de la Constitution suivit peu après.

La Belgique par rapport à d’autres pays – Aperçu non exhaustif de l’introduction du suffrage universel simple:

  • Nouvelle-Zélande : 1893 (à l’époque, une partie de l’empire britannique)
  • Norvège : 1913
  • Danemark : 1915
  • Uruguay : 1918
  • Pays-Bas : 1919
  • Belgique : 1919
  • Turquie : 1934
  • Jamaïque : 1944
  • Israël : 1948
  • Canada: 1960
  • Brésil: 1988
  • Koweït: 2005Koeweit: 2005
  • Bhoutan: 2008Bhutan: 2008

Et les femmes dans tout cela ? Après-guerre, les trois grands partis politiques furent d’accord pour élargir le suffrage masculin, mais en ce qui concernait les femmes, les avis étaient partagés : tandis que les catholiques étaient pour, libéraux et socialistes étaient contre. Ils craignaient en effet que la majorité des femmes ne votent pour les catholiques. Un compromis fut atteint qui accorda aux femmes le droit de vote pour les élections communales.

Aux élections communales de 1921, plus de 2 millions de femmes purent se rendre pour la première fois au bureau de vote. 196 femmes furent élues, soit environ 1 % du total des conseillers communaux. Six d’entre elles devinrent bourgmestre et treize femmes obtinrent un mandat d’échevine.

À gauche: la première bourgmestre est Léonie Keingiaert de Gheluvelt (1885-1966), bourgmestre de Geluveld, une commune de Flandre occidentale qui fait aujourd’hui partie de Zonnebeke. De 1932 à 1938 elle remplit un second mandat de bourgmestre. Elle écrivait des articles pour la revue féministe Le Féminisme chrétien de Belgique. Après la Seconde Guerre mondiale, elle a été échevine des finances et de l’enseignement. À droite: caricature de Léonie Keingiaert dans Pallieter : « La première bourgmestre »

La Belgique par rapport à d’autres pays – Aperçu non exhaustif de l’année où la première femme a été nommée bourgmestre :

  • 1862: États-Unis
  • 1893: Nouvelle-Zélande
  • 1908: Grande-Bretagne
  • 1918: Russie
  • 1921: Belgique
  • 1924: Espagne
  • 1927: Brésil
  • 1936: Canada
  • 1946: Pays-Bas

En 1921, les femmes continuèrent à être exclues des élections parlementaires. Toutefois, elles pouvaient être élues comme députées ou sénatrices.

Marie Spaak-Janson (1873-1960) était la première femme au Parlement belge. Elle était sénatrice cooptée du parti socialiste. Sa petite-fille, Antoinette Spaak, deviendra plus tard la première présidente d’un parti politique.
Le « cercle féminin » de l’Union catholique de l’arrondissement électoral de Furnes-Dixmude-Ostende s’associe au « mouvement en faveur du suffrage féminin », 1919.

Après les élections de 1929, Lucie Dejardin (1875-1945) fut la première femme élue directe au Parlement. Née à Liège, dans une famille de mineurs, elle travailla dans les charbonnages et devint conseillère communale à Liège, en 1926. Elue députée socialiste en 1929, elle le resta jusqu’en 1936, puis après la Seconde Guerre mondiale.

La Belgique par rapport à d’autres pays – Aperçu non exhaustif de la date où différents pays ont permis aux femmes de siéger au sein des assemblées parlementaires:

  • Irlande 1918
  • Allemagne 1919
  • Belgique 1929
  • Brésil 1933
  • Australie 1943
  • France 1945
  • Argentine 1951
  • Égypte 1957

En 2019, il y a 57 femmes à la Chambre des représentants, soit 38% du total, ce qui place la Belgique à la 22e place dans le classement mondial. En tête de la liste se trouve le Rwanda, où plus de 61% des élus sont des femmes. En Europe, le premier pays du classement est la Suède, avec plus de 46%. Dans 21 pays, le président ou le premier ministre est une femme.

Image de gauche: Portrait de Lucie Dejardin , vers 1930, Cami Stone.

La devise « un homme, une voix » doit être interprétée à la lettre, car pendant très longtemps, elle n’a concerné que les électeurs masculins…. Il fallut du temps avant que les femmes belges soient admises à participer pleinement à la vie politique de leur pays.

Propagande libérale de 1949, la chasse au vote féminin est ouverte…

En 1789 déjà, lors de la révolution française, l’égalité entre hommes et femmes avait été évoquée. En 1790 des femmes bruxelloises et liégeoises avaient revendiqué le droit de siéger dans les assemblées. Ce souhait ne se réalisa pas et la révolution de de 1830 n’ y changea rien. Les femmes restèrent cantonnées en-dehors du jeu politique.

Dans une propagande électorale libérale, des enfants lancent un appel pour voter pour leurs mamans.

L’instauration du suffrage féminin s’inscrivit dans un projet plus large d’émancipation de la femme, qui comprenait notamment des initiatives en matière d’enseignement, lancées surtout par les libéraux. Au sein du mouvement socialiste, une position de principe en faveur du suffrage féminin existait mais dans la pratique, ce droit n’apparaissait pas comme un élément déterminant du combat pour le suffrage universel. Une même tension entre les principes et la pratique existait au sein du mouvement catholique.

Après la Première Guerre mondiale, les trois grandes familles politiques arrivèrent à un compromis. Socialistes et libéraux arrachèrent le suffrage universel simple (pour les hommes). Les catholiques, quant à eux, obtinrent le droit de vote des femmes aux élections communales et le droit d’être élues à tous les autres niveaux politiques.

Imprimés électoraux avec des femmes, à l’occasion des élections législatives et provinciales de 1949.

Pendant l’entre-deux-guerres, la situation évolua peu. Ce n’est qu’en 1948 que les femmes belges ont obtenu le droit de vote à part entière et il fut exercé, pour la première fois, en 1949. Le fait que les femmes pouvaient aller aux urnes n’a cependant pas modifié profondément les rapports de force politiques. Le combat pour le suffrage féminin étant terminé, une autre lutte s’annonçait : une représentation égale dans toutes les assemblées.

La Belgique par rapport à d’autres pays – Aperçu non exhaustif de la date où les pays ont accordé aux femmes le droit de vote complet

  • 1906 Finlande
  • 1915 Danemark
  • 1917 Pays-Bas
  • 1918 Allemagne
  • 1919 Autriche
  • 1920 Etats-Unis
  • 1922 Irlande
  • 1928 Grande-Bretagne
  • 1931 Espagne
  • 1932 Brésil
  • 1934 Turquie
  • 1944 France
  • 1947 Argentine
  • 1948 Belgique
  • 1949 Costa Rica
  • 1963 Afghanistan
  • 1967 Congo
  • 1971 Suisse
  • 1975 Angola
  • 2002 Bahreïn
  • 2015 Arabie saoudite

Image de droite: un mur avec des slogans contre Léopold III, 1950.

Si les élections sont une forme très répandue de participation des citoyens à la vie démocratique, elles ne sont pas les seules. En effet, il existe aussi des consultations populaires ou référendums où la population peut se prononcer directement sur un problème politique. Les référendums peuvent être consultatifs (non contraignants) ou contraignants. Dans le premier cas, les pouvoirs publics peuvent en principe ignorer le résultat.

Contrairement aux élections, les référendums sont plutôt rares, bien qu’il y ait des pays connaissant une longue tradition de consultations populaires, dont l’exemple le plus connu est la Suisse. Au sein de la confédération helvétique, il est possible d’organiser des référendums aux niveaux local, régional et national sur des sujets très divers, comme par exemple l’adhésion aux Nations-Unies (2002), quatre dimanches annuels sans voiture (2003) ou l’introduction d’une mutuelle unique (2007).

Affiche publiée en 1950 par le Parti socialiste belge en faveur d’une consultation populaire relative à la question royale.

Certains référendums connaissent un retentissement international. Ainsi, les résultats du « référendum des minarets » de 2009, où une majorité des Suisses s’est prononcée contre la construction de mosquées dans le pays, ont été relayés bien au-delà des frontières de la Suisse. Un des derniers référendums les plus célèbres est sans doute celui par lequel une majorité de Britanniques ont voté le 23 juin 2016 pour quitter l’Union européenne.

En Belgique, la première consultation populaire a été organisé en 1950 afin de résoudre la « question royale ». Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement belge et le roi Léopold III s’étaient opposés sur la conduite à suivre et le conflit avait perduré au-delà de la guerre, au point de profondément séparer les partisans du Roi et ses opposants.

La gendarmerie et des manifestants s’affrontent à Bruxelles pendant le cortège du 1er mai 1950.

Le 12 mars 1950, la population put se prononcer lors d’une consultation sur la question « Désirez-vous que le roi Léopold III reprenne l'exercice de ses pouvoirs constitutionnels ? » En Flandre, 72% des citoyens votèrent pour, tandis qu’en Wallonie la majorité de la population fut contre. Au niveau belge, une majorité de près de 58% souhaita le retour du roi Léopold III. Au final, le référendum n’a pas apporté de solution et après une recrudescence des tensions, le roi a finalement abdiqué en faveur de son fils Baudouin.

Lettre d’un psychologue de La Haye adressée au Premier ministre belge Gaston Eyskens. L’auteur met en garde contre « le vote émotionnel, surtout de la part des femmes » lors de la consultation populaire sur la question royale, 1949.

Les élections communales au Congo belge en 1957 , auxquelles des électeurs masculins d’origine congolaise peuvent participer pour la première fois. Ces photos ont été prises par les pouvoirs publics à des fins de propagande.

En 1908 Léopold II a cédé l’administration du Congo à l’État belge. Il revenait au Parlement belge de voter les lois régissant la gestion de la colonie. Or, au Congo belge, les Congolais étaient exclus du droit de vote. Cette situation ne changea qu’à l’approche de l’indépendance du Congo. Les premiers changements apparurent lors des élections communales de 1957 et ils furent renforcés à l’occasion des élections provinciales et nationales de 1960 qui conduiront, finalement, à l’indépendance. Sur la question de savoir qui pouvait aller voter, tant les blancs que les noirs ont plaidé pour que les femmes ainsi que les hommes puissent participer aux élections.

Élections au Congo belge, 1957.

La pratique fut cependant tout autre. Lors des élections communales de 1957, seuls les hommes de plus de 25 ans purent voter et les élections provinciales et nationales de 1960 restèrent également limitées au seul vote masculin : seuls les hommes congolais de plus de 21 ans purent aller aux urnes. Les femmes congolaises ne furent admises dans les isoloirs qu’en 1967.

Élections au Congo belge, 1957.

En 1958, le premier Parlement européen fut constitué sans élections. Les États membres d’alors déléguèrent des élus de leurs parlements nationaux pour siéger au Parlement européen. Or dès 1979, les députés européens furent élus directement. Sur base de sa population, chaque pays a droit à un certain nombre de sièges, avec un minimum de six, afin de permettre aux nations les plus petites d’avoir tout de même une représentation acceptable. En 2019, le Parlement européen compte 751 sièges. L’Allemagne est la plus représentée avec 96 sièges. La Belgique a droit à 21 sièges, répartis entre les communautés flamande, francophone et germanophone.

En Belgique, le droit de vote aux élections européennes est aligné sur celui en vigueur pour le parlement fédéral, à une disposition près : les citoyens de l’UE habitant en Belgique peuvent y voter pour un candidat d’une liste belge et ils peuvent se porter candidats sur une de ces listes.

À gauche: Imprimés électoraux de l’économiste Louis Baeck (CVP/Parti populaire européen) dans le contexte des premières élections européennes de 1979. À droite: affiche publiée en 1979 par le Parti socialiste belge (BSP Brugge) pour les élections européennes (Karel Van Miert et Willem Content)

Depuis 1979, le rôle et l’influence du Parlement européen ont connu une croissance continue. Tout comme les autres parlements, le Parlement européen a une fonction législative, il approuve les budgets, contrôle le pouvoir exécutif – la Commission européenne – et il se prononce sur des traités internationaux entre l’UE et des pays tiers, comme par exemple des traités commerciaux ou d’adhésion.

Propagande électorale libérale pour les élections européennes de 1979.

Dans l’histoire du droit de vote, le critère de l’âge a toujours joué un rôle important à deux niveaux : pour déterminer qui pouvait être électeur et qui était éligible. Parfois les deux âges sont les mêmes, mais pas toujours. Depuis 1981, l’âge minimal du droit de vote est fixé à 18 ans, contre 21 auparavant. Au XIXe siècle, la limite d’âge était même de 25 ans. L’âge auquel on pouvait être éligible était généralement plus élevé que celui pour pouvoir aller voter. Depuis le début de 2014, ceci n’est plus le cas : tant pour les communes que pour les entités fédérées ou pour le parlement fédéral, la limite d’âge est maintenant de 18 ans, aussi bien pour voter que pour pouvoir être élu. Il reste cependant une exception : pour le Parlement européen, on peut voter à 18 ans mais il faut en avoir 21 pour pouvoir y être élu.

Ces dispositions sont probablement appelées à évoluer. Aujourd’hui, une discussion est engagée pour un abaissement de l’âge du vote de 18 à 16 ans. Dans certains pays, comme par exemple le Brésil ou l’Autriche, c’est déjà le cas, mais en Belgique, les débats à ce sujet se poursuivent. Les avis des partis politiques sont partagés : en Flandre CD&V, Open VLD, Sp.a, Groen et PVDA sont pour, la NVA est contre ; en Belgique francophone, MR et Ecolo sont pour, PS et CdH sont contre.

Affiche de la jeunesse du parti socialiste en faveur du droit de vote à 16 ans (sans date)..

La fixation de l’âge minimal pour pouvoir participer aux élections est une question délicate. En effet, les jeunes de 16 ans sont-ils déjà capables de participer à la vie politique ? Tant le Conseil de l’Europe que le Parlement européen ont préconisé l’âge de 16 ans. Par ailleurs, en Belgique les jeunes de 16 ans peuvent voter lors des consultations. Et ne faudrait-il pas plafonner l’âge auquel les gens peuvent encore aller voter, une question à laquelle on réfléchit par exemple aux Pays-Bas ?

Carte du monde avec les âges minimaux pour avoir accès au droit au vote.

Voici les principaux arguments dans les discussions sur la limite d’âge de 16 ans :

Contre

  • les jeunes eux-mêmes ne sont pas demandeurs
  • les jeunes de 16 ans ne sont pas suffisamment « mûrs »

Pour

  • en donnant le droit de vote aux jeunes de 16 ans, davantage de thèmes intéressant la jeunesse pourront figurer à l’agenda politique
  • aujourd’hui, bien des « affaires d’ adultes » sont accessibles aux jeunes, comme par ex. la gestion d’un compte en banque
  • l’intérêt des jeunes de 16 à 18 ans pour la politique s’accroîtra

Pour Bruno Vanobbergen, jusqu’il y a peu le commissaire aux droits de l'enfant, il est clair que le droit de vote à 16 ans n’est plus qu’une question de temps.

Au fil des années, les campagnes électorales ont pris de plus en plus d’envergure. Les partis mettent tout en œuvre pour convaincre l’électorat et pour ce faire, ils utilisent toutes sortes de moyens. Comme le financement de ces campagnes avait parfois des origines quelque peu douteuses, des mesures furent prises en 1989, via la loi D’Hoore sur le financement tant des partis que des campagnes électorales fédérales. Les financements d’origine privée sont sérieusement limités et remplacés par un système de subsides basé sur le nombre de sièges obtenus à la Chambre et au Sénat. Les dépenses sont plafonnées par parti, par région et par candidat, et la façon dont les campagnes peuvent être menées sont définies plus rigoureusement. En 1994, des mesures sont prises en ce qui concerne les campagnes pour les élections communales. Les vingt années suivantes, les règles ont été précisées et renforcées. Ainsi, pendant les quatre mois précédant les élections – la période dite de « prudence électorale » - il est absolument interdit de mettre des affiches sur des panneaux commerciaux, de lancer des campagnes téléphoniques ou de distribuer des gadgets comme des cartes de jeu, des ballons, des stylos, des signets, des allumettes, des calendriers ou des sacs. Les publicités télévisées et radiophoniques sont encadrées et les communications gouvernementales ne peuvent contenir une propagande cachée pour l’équipe au pouvoir.

À gauche: L’homme politique CVP Wilfried Martens, Premier ministre de la Belgique d’avril 1979 à mars 1992, mène sa campagne en faisant du porte-à-porte. À droite: Zeppelin avec de la propagande électorale pour l’ancien PVV, 1974.

Une directive européenne de 2018, quant à elle, impose des règles très strictes relatives à la protection de la vie privée des électeurs, en imposant notamment des conditions sévères pour le traitement de données à caractère personnel dans le but de les utiliser pour des campagnes électorales.

Des campagnes intenses, des supporters acharnés,…
À gauche: cortège avec des voitures rétro, propagande électorale du PVV, 1974 Au milieu : gadgets électoraux du PVV, années 1960. À droite: affiche publiée en 1989 par le Parti socialiste (SP) pour les élections européennes.

Un débat similaire se poursuit au sujet de l’organisation et de la publication des sondages. En effet, ceux-ci n’essaient pas seulement de prédire les résultats des élections mais ils ont également un impact sur le vote vu que certains électeurs se laissent inconsciemment influencer par les résultats de telles enquêtes. En 1985 fut votée une première loi relative aux sondages, imposant notamment une période d’interdiction de trente jours ainsi que des contraintes en matière d’objectivité et de qualité. Les années suivantes, cette réglementation a été adaptée et modifiée.

À gauche: affiche publiée en 1989 par les Écologistes européens à l’occasion des élections européennes. À droite: Karel Van Miert distribue des roses, campagne électorale des années 1980.

Pendant des décennies, la féminisation des listes électorales n’a avancé que très lentement. La loi Smet-Tobback de 1994 a voulu y remédier afin que la représentation sur les listes électorales soit plus équilibrée. Ainsi, à partir de 1994, les listes électorales devaient obligatoirement être composées pour ¼ de femmes et à partir de 1999 au maximum 2/3 des candidats pouvaient être du même sexe.

En 2017, « Votez Femme » mettait en exergue les rapports de genre en politique (données: base de données des pouvoirs publics Pinakes).

Ces mesures ont été renforcées en 2002. Toute liste régionale, fédérale ou européenne devait avoir autant de femmes que d’hommes et les deux premières places devaient être données à une femme et à un homme. Cette même mesure a été appliquée au niveau communal respectivement en 2005 en Wallonie et à Bruxelles et en 2010 en Flandre. La Wallonie et la Région de Bruxelles-Capitale sont allées encore plus loin en imposant un « système d’alternance » pour toute la liste. Cette même année, Bruxelles a imposé la mesure au pouvoir exécutif en stipulant que les échevinats devaient comprendre au moins 1/3 de femmes (ou d’hommes).

Qu’en est-il des résultats de ces mesures ? Au niveau des administrations communales belges, le pourcentage de la représentation féminine était en 2017 de 50% pour les conseillers des CPAS, 37% des conseillers communaux, 34% des échevins et à peine 16% des bourgmestres, soit 98 bourgmestres femmes contre 516 bourgmestres hommes. Il y a encore un long chemin à parcourir…

A l’heure actuelle, on pourrait se demander si le droit de vote ne devrait pas prendre en compte le genre neutre. Ne voilà-t-il pas un nouveau sujet de discussion à venir?

Image de droite: Imprimés politiques de la Volksunie en 1964. La VU, fondée en 1954 comme un parti nationaliste flamand, a influencé longtemps le débat communautaire en Belgique.

Les conflits communautaires ont marqué notre démocratie. Déjà au XIXe siècle, il était évident que le nord et le sud du pays n’avaient pas toujours les mêmes idées et les mêmes approches, et qu’ils n’arrivaient pas toujours à se mettre d’accord sur la répartition des charges et des profits. À partir des années 1970, cette situation a donné lieu à une série de réformes de l’État ayant pour objectif d’accorder une autonomie croissante aux régions et aux communautés. Dans un premier temps, pas moins de cinq parlements des entités fédérées ont vu le jour, à savoir le Parlement flamand, le Parlement de la Communauté française, le Parlement wallon, et le Parlement de la Communauté germanophone. À l’origine, ils étaient composés de représentants du parlement national, mais depuis 1995 les députés de la plupart des parlements des entités fédérées sont élus directement et un député ne peut siéger dans plusieurs parlements en même temps.

Tract (sans date, vers 1973-1974) où la Volksunie lance un appel en faveur du fédéralisme et où elle fulmine contre le Premier ministre wallon Leburton qui ne parlait pas le néerlandais.

Qui peut aller voter et pour quel parlement ? Pour le Parlement flamand, il s’agit de tous les hommes et femmes ayant le droit de vote et la nationalité belge, et habitant une commune flamande ainsi que des Flamands habitant en Région de Bruxelles-Capitale. Le Parlement bruxellois et le Parlement wallon sont élus par les citoyens ayant le droit de vote et habitant respectivement la Région de Bruxelles-Capitale et la Wallonie. Le Parlement de la communauté germanophone est directement élu par les électeurs habitant les cantons d’Eupen et Saint-Vith. Le Parlement de la Communauté française, quant à lui, n’est pas élu directement mais composé de tous les élus du Parlement wallon, plus 19 élus francophones de la Région de Bruxelles-Capitale.

Avec l’introduction du référendum non contraignant au niveau communal et provincial, une première forme de démocratie directe a été mise en place. À condition que suffisamment de citoyens appuient une requête d’intérêt local, la loi permet aux administrations communales ou provinciales de soumettre la question directement aux habitants. Si elles le souhaitent, ces administrations peuvent de leur propre initiative organiser un référendum pour soumettre cette question à la population. Cette loi a été ultérieurement développée en 1999, notamment en rendant plus claires les conditions.

Dans la pratique, c’est surtout la population qui a recours à cette possibilité. Pourtant, les conditions sont fort sévères : au moins 10% des habitants de la commune (et jusqu’à 20% dans les communes à faible densité de population) doivent signer la requête, et 10% (contre 40 % au début de l’application de la loi) des électeurs doivent venir voter pour que le référendum soit valable et que les résultats soient rendus publics.

Si certains thèmes, comme la perception des impôts ou des questions personnelles, sont exclus, les possibilités sont quasi illimitées. Cependant, les succès sont jusqu’à présent plutôt maigres. Beaucoup de dissensions subsistent en outre sur la formulation de la question posée – à laquelle il faut pouvoir répondre par oui ou par non – ainsi que sur l’interprétation des résultats ou la question de savoir si les politiciens doivent réellement tenir compte du résultat de la consultation.

Jusqu’à présent, la plupart des consultations populaires avaient trait aux services d’utilité publique (comme par exemple les transports en commun ou la construction d’un parking) ou aux travaux publics en général (par exemple la construction d’un centre culturel ou d’une bibliothèque). De grands projets communaux, comme par exemple la Liaison Oosterweel à Anvers, ont également déjà fait l’objet de référendums.

Pendant longtemps, il était évident que les seules personnes ayant la nationalité belge pouvaient voter. Deux évolutions ont fait évoluer cette question. Suite à l’élargissement de l’Union européenne, de plus en plus de personnes en provenance d’autres États membres sont venues vivre en Belgique. En 1996, une réglementation européenne à ce sujet est entrée en vigueur donnant aux citoyens d’un État membre de l’UE le droit d’aller voter lors des élections communales. Ces étrangers peuvent désormais aller voter mais ils peuvent également être élus.

A droite: Imprimés électoraux de 2004 où le Vlaams Blok se prononce contre le droit de vote pour les immigrés (collection ADVN – archives des mouvements nationaux ).

Une deuxième évolution à signaler est le nombre croissant de personnes en provenance de pays hors UE qui sont venues habiter la Belgique. Dans les années 1960 il s’agissait essentiellement de travailleurs immigrés, auxquels se sont joints plus tard des réfugiés et des demandeurs d’asile. N’oublions pas non plus le nombre croissant d’expatriés, en provenance du Japon ou des États-Unis, par exemple, qui ont une fonction dans une entreprise ou dans des organismes internationaux établis en Belgique. Depuis 2004, ces personnes peuvent voter également lors des élections communales, pourvu qu’elles se fassent enregistrer, mais relativement peu d’entre elles font cette démarche.

Dans les deux cas il s’agit d’un élargissement du droit de vote sans obligation d’aller voter, tandis que pour les Belges, les deux sont restés indissociablement liés. La discussion droit de vote versus obligation de vote a refait surface : faut-il vraiment obliger les personnes ayant le droit de vote à exercer ce droit ? Tant les partisans que les adversaires avancent une foule d’arguments.

Les arguments en faveur de l’obligation de vote:

  • l’obligation fait augmenter l’intérêt pour la politique
  • l’intérêt de l’électeur est fonction de sa position sociale ; les électeurs qui se trouvent en bas de l’échelle sociale sont moins intéressés par une participation active au jeu démocratique ; l’obligation du vote peut compenser cela
  • l’obligation invite l’électeur à s’informer
  • l’obligation limite le recours à d’autres instruments politiques, dont la violence dans la rue
  • l’obligation oblige les partis à écouter l’électeur non intéressé
  • l’obligation procure aux élections une légitimité plus grande
  • l’obligation n’est qu’une restriction très faible de la liberté individuelle
  • l’obligation empêche le « parasitisme » (profiter des avantages de la démocratie sans en accepter les inconvénients, comme l’obligation d’aller voter)
Bouton avec le texte « Droit de vote pour les travailleurs immigrés », 1982.

Les arguments contre l’obligation de vote:

  • l’obligation déforme le résultat des élections au détriment des personnes qui sont réellement intéressées par la politique
  • plus d’attention est accordée à la campagne électorale
  • les partis doivent consentir davantage d’efforts pour convaincre les électeurs à aller voter
  • une participation trop élevée est dangereuse pour la démocratie dans la mesure où beaucoup de personnes non intéressées votent pour des partis populistes ou extrémistes
  • l’obligation est contraire à la liberté individuelle et elle est donc antidémocratique
  • l’obligation nuit à la confiance du citoyen dans la politique ; elle est nuisible à la participation politique et elle augmente le clivage avec le citoyen
  • les Belges résidant à l’étranger ont le droit de vote mais pas l’obligation.
Dans ses imprimés électoraux, le Vlaams Blok se profile comme un parti anti-immigration. (collection ADVN – archives des mouvements nationaux).

Et quelle est la situation dans le reste du monde ? Dans la plupart des pays, il n’y a pas d’obligation de vote, mais dans ceux où elle existe, cette obligation est exécutoire et le non-respect peut donc être sanctionné, généralement avec des amendes, parfois une peine de prison, et dans le cas unique de la Corée du Nord, par la peine de mort. Dans certains pays où l’on est obligé d’aller voter, dont la Belgique, cette obligation est non exécutoire, en d’autres mots, celui ou celle qui ne se rend pas aux urnes n’est généralement pas sanctionné.

Image de gauche: Photo en noir et blanc de quelques immigrés /allochtones assis à une table avec des formulaires de vote et discutant à ce sujet à l’occasion du droit de vote pour les immigrés. Années 1990. (Fililp Claus)

Sources

Sauf indication contraire, les illustrations sont issues des collections des Archief de l'Etat, Liberas en Amsab-ISG

Colophon

Cette exposition virtuelle a été réalisée par les Archives de l'Etat (Geertrui Elaut), Liberas (Bart D’hondt) et Amsab-Instituut voor Sociale Geschiedenis (Mario Van Driessche en Piet Creve).

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