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Photographie d'un été extrême

Arrêt sur ces images d'un été où les habitants des Alpes-Maritimes et du Var ont touché du doigt les effets du réchauffement climatique.

L'agriculture chamboulée. Précoces, les fortes chaleurs dérèglent le calendrier des récoltes azuréennes. "Record battu. À météo exceptionnelle, première cueillette de tomates (...) !" Début juin, à Villeneuve-Loubet, la star de l’été s’invite avec 15 jours d’avance et en quantité dans les cagettes de La ferme des grenouilles.

Des opérations prix cassés s’organisent aussi à la Roquette-sur-Siagne pour écouler des récoltes que la chaleur fait mûrir à toute vitesse. "Vente flash. Je ne pensais pas écrire ça un jour pour des tomates", s’étonne Magali de La Ferme Campana. Le 11 août, dans le Var, les vignerons de la cave coopérative Terra Provincia à Cuers et Puget-Ville donnaient le top départ de vendanges battant, elles aussi, un record de précocité en raison de "la somme des températures", élevées depuis plusieurs mois. Historique, la sécheresse a aussi modifié la récolte.

"La sécheresse joue sur le millésime et la taille des grains, la chaleur sur l’équilibre en sucre et acidité. Avec le manque de pluie actuel, nous avons des raisins 10 à 15 % plus petits que d’habitude, ce qui donnera un rendement moindre du même ordre... Avec les chaleurs élevées, nous devons vendanger dès à présent afin de garder l’équilibre du jus", Florian Lacrou, directeur de la coopérative. 

Des lacs et cours d’eau à l’agonie. Ce sont les images plus saisissantes du manque d'eau important qu'accusent les Alpes-Maritimes et le Var. Une sécheresse hydrologique très marquée sur nos territoires, dotés "de fleuves et de cours d’eau plutôt petits", souligne l’hydroclimatologue Florence Habets.

Lac de Sainte-Croix, 19 septembre 2022 (c) Philippe Arnassan

Des rives aux allures de plages bretonnes à marée basse, c’est le triste spectacle qu’offre la sécheresse aux abords du lac de Sainte-Croix, spot touristique incontournable à la lisière du Var et des Alpes-de-Haute-Provence. Cet été, l’eau y a reculé de 80 à 100 m en certains endroits. Plus question de plonger des rochers sans se mettre en danger, faute de profondeur suffisante. Vues du ciel, les gorges du Verdon ressemblent à une virgule ensablée. Dévaler les flots en rafting n’est pas d’actualité.

Dans le Verdon, l’assèchement spectaculaire est, par exemple, multifactoriel : "le manque de neige a eu un impact : un stock d’eau sous forme de neige crée normalement un bon écoulement qui peut remplir des barrages assez vite. Mais c’est aussi une sécheresse anthropique (causée par l’activité humaine) : le canal de Provence envoie pas mal d’eau vers l’aval pour l’agriculture et la production d’électricité. L’eau injectée dans le Verdon a aussi sans doute été restreinte pour passer l’hiver à venir", explique Florence Habets.

Lit de la Cagne, 4 août 2022 (c) Vivien Seiller

Dans la Cagne, le manque d'eau menace les poissons d'asphyxie. Début août, la Fédération de pêche des Alpes-Maritimes en a ainsi placés 10.000 sous oxygène dans une cuve avant de les remonter 3 à 4 km plus haut.

Le lac du Broc se vide, lui aussi, chaque jour un peu plus. L’étendue d’eau est passée de 10 hectares, au début août, à 4 hectares à la fin du même mois. Au total, le lac – qui puise dans la nappe phréatique du Var – a perdu 8mètres d’eau.

Lac du Broc, le 28 août 2022 (c) François Vignola

Robinets coupés sur les plages. Menton dès le 1er avril, Roquebrune-Cap-Martin, Hyères, Le Pradet, Carqueiranne, La Londe et bien d'autres villes balnéaires, des côtes varoises ou azuréennes, plus ou moins tôt dans l'été... Pour répondre à une sécheresse inédite, de nombreuses douches sont coupées sur les plages.

Cagnes-sur-Mer, le 13 août 2022 (c) Dylan Meiffret

Cet été, alertes sécheresse et restrictions d'eau se sont empilées. Piscines sous surveillance, arrosage limité, voire prohibé comme à Antibes et Biot, où il était interdit d'hydrater son potager par arrêté préfectoral dès la fin du mois de juin. "On a travaillé le jardin toute l’année et, au moment de la récolte, on perd tout. (...) La sécheresse n’a pas de frontière, pourquoi nous ?", pointait alors Martine qui cultive une parcelle dans un jardin partagé antibois.

Credits:

(c) Philippe Arnassan