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Steve McCURRY Présentation de sON oeuvre

2022-03-09

La photographie contemporaine et plus particulièrement le photojournalisme ne serait pas ce qu’il est sans certains grands noms. Certains d’entre eux ont pris de gros risques en s’aventurant dans des zones de conflit et de guerre. Steve McCurry est l'un d'eux.

Steve McCurry est un photographe américain, né en 1950 à Philadelphie (USA).

Steve McCurry

Steve McCurry rêvait, étant jeune, de devenir un cinéaste documentaire. Il fait ses études au Collège d’arts et d’architecture à la Pennsylvania State University qu’il quitte en 1969 avec les félicitations. Très curieux, il se décide à voyager un peu partout dans le monde. A son retour, il travaille pour un journal local, pendant deux ans, jusqu’en 1978.

Cette année-là, il décide faire un voyage en Inde (voir plus bas), qui sera le premier d’une longue série. Il fait un long périple à travers le sous-continent (indien), explorant tout le pays avec son appareil photo et voyageant avec à peine plus que quelques vêtements et son matériel photo.

Il photographiait alors avec un Nikon FM2, couplé à une focale fixe, Nikkor 105 mm, f 2,8. Cet appareil non pro, connu pour sa robustesse et sa fiabilité, a été le compagnon des reporters des années 80. La photo de l'afghane aux yeux verts a été prise avec cet appareil.

Nikon FM 2 argentique

Travaillant comme photojournaliste pigiste, il a appris à attendre et à observer la vie. Il se rendit compte que dans l’attente, « les gens oublient l’appareil photo et leur âme pénètre l’image ».

Pour autant qu’il s’en souvienne, Steve McCurry est tombé dans la photo juste avant son entrée à l’université. «Mon père et mon oncle avaient un appareil, mais ils ne s’en servaient que pour des photos de famille. À 19 ans, je suis hébergé en Suède par un couple dont le fils possède une chambre noire. Le week-end, on se balade donc pour faire des images, puis on les développe. En rentrant à Penn State, où j’étais inscrit en école de cinéma, j’ai (en fait) suivi un cours de photographie. Et là j’ai découvert les plus grands : Henri Cartier-Bresson, Diane Arbus photographe de rue à NY, Eliott Erwitt connu pour ses photos N&B inédites, Brassaï qui a su capturer l'essence de la ville. » Le natif de Philadelphie comprend, à l’aube des années 1970, qu’il lui faut vite prendre un avion pour voir le monde. Ce sera l’Afrique en 1972, du Caire à Nairobi en passant par Khartoum. Puis le choc de l’Inde quelques années plus tard.

Mais sa carrière démarre véritablement quand, vêtu d'une tenue locale, il franchit la frontière afghane, quelques mois avant l'arrivée des troupes soviétiques (en 1979), pour se rendre dans les zones contrôlées par les moudjahidins, combattants islamistes opposés au pouvoir central. Jusque là, il photographiait des réfugiés afghans entassés dans des camps au Pakistan, et qui l'ont incité à entrer en Afghanistan pour témoigner. Il en ressort avec ses bobines de film cousues dans ses vêtements. Ce sont les premières photos à montrer ce conflit qui débute, elles sont publiées dans le monde entier.

Grâce à ce reportage, il obtient le prix Robert Capa Gold Medal du meilleur reportage photographique à l’étranger, une récompense décernée aux photographes les plus courageux et ayant fait preuve d’une initiative exceptionnelle. Par la suite, il couvre d’autres zones de conflits internationaux ou civils, tels que la guerre Iran/Irak, le Cambodge, les Philippines, la guerre du Golf, l’Afghanistan et l’Ex-Yougoslavie. Il entre à l'agence Magnum en 1986.

Magré cela, S. McCurry ne se considère pas comme reporter de guerre. Mais à travers ses reportages, il veut surtout montrer les conséquences humaines causées par les guerres. 

Comment photographier la guerre ? Steve McCurry a été profondément choqué par les conséquences de la guerre sur les gens, le bouleversement dans leur vie: des villages et villes rasés, des blessés et des morts en nombre, l'organisation pour la survie. En fait, "mon travail est de photographier la vie dans la guerre".

Une photo mérité-t-elle qu'on y laisse la vie ? Mc Curry répond par la négative, mais ajoute qu'il a été submergé par les scènes qu'il a vues, et qu'il a pris des risques sans le décider vraiment. Il dit même avoir été accroc: son obsession était de témoigner.

L'afghane aux yeux verts, Sherbad Gula. Il a repéré cette fillette dans une école et a instantanément été frappé par l'intensité de son regard d'où émergeaient la dignité et le défi.

Orpheline, la fillette a été photographiée dans un camp de réfugiés au Pakistan en 1985. Actuellement, elle vit en Italie. Steve McCurry n'a réussi à l'identifier que bien des années plus tard et l'a aidée comme il a pu.

"Les Afghans et les Afghanes ont des beautés vraiment singulières, il y a dans leurs visages un mix d’Orient et d’Occident. Cela se voit dans le regard de Sharbat Gula. Et il y a cette cicatrice qui dit sa pauvreté. Je l’ai retrouvée des années plus tard. Elle a fondé une famille, elle est illettrée et n’a jamais cherché à quitter le Pakistan. Elle aurait pu devenir une icône de la lutte pour la condition des femmes afghanes, mais elle n’a jamais saisi cette opportunité. Sa famille est très présente, l’entoure beaucoup. Quand je l’ai revue, il n’y avait pas d’émotion particulière entre nous. Elle n’a pas vraiment pris conscience à quel point son portrait est connu dans le monde entier. Après, on peut penser que c’est triste. Mais serait-t-elle plus heureuse dans son exil ? [Elle est arrivée à Rome le 25 novembre 2021, NDLR.] »

Le style de McCurry. S'il est surtout connu pour ses portraits, il a aussi photographié les paysages et les animaux. En 2001, témoin de l'attaque terroriste des Twin towers, il témoigne par des clichés bouleversants. Les photos couleurs sont majoritairement présentent dans son oeuvre. Elles se distinguent par des tonalités très contrastées.

Philosophie photographique de McCurry. "Une bonne image ne s'attrape pas, elle se construit par la lumière, la composition, le sujet, le moment". En arrivant en Inde (1978), il n’imaginait pas qu’il puisse y avoir autant de monde partout, dès le bus, à la sortie de l’aéroport de Delhi. "Je n'avais quasiment pas d’argent et je dormais dans les hôtels les moins chers .... Surtout, je découvrais l’extrême pauvreté.» Mais les voyages forment la jeunesse et McCurry perfectionne peu à peu son regard. «Ce qui m’intéressait, c’était de montrer ce que l’on n’avait jamais ou peu vu. J’ai compris à cette époque que cela était un vrai travail"....

Pourquoi faire des photos dans les théâtres de guerre ? on est en face de gens désespérés, ravagés, et il est important de raconter leur histoire pour choquer, témoigner et, peut-être, faire bouger les lignes, susciter une prise de conscience dans l'opinion et peser sur l'action des dirigeants.

C'est ainsi qu'il a fait de nombreux portraits d'enfants (dont une partie est publiée dans un livre très beau intitulé Enfants du Monde, portraits de l'innocence). Sa propre histoire rejaillit dans son travail: il fait des allers-retours permanents entre sa propre enfance et celle des autres. De plus, les enfants ne posent que rarement, ils sont toujours en mouvement. Et la photo doit être spontanée, immédiate.

Pourquoi la photo plutôt que le cinéma ? Déjà parce que la photo est un art solitaire (on est seul à décider du moment, du sujet, de la composition des réglages ...), moins coûteux (un simple appareil suffit) et discret. De ce fait, on perçoit mieux les ambiances.

Qui est Steve McCurry ? un journaliste, un artiste ou un historien ? Réponse: "je suis photographe". Il se voit comme témoin de son temps: capter l'humain, son histoire, ses tragédies.

Une polémique a eu lieu en 2016, alors qu'il exposait en Italie. Certains se sont aperçu, que ses photos avaient été retouchées sur un logiciel. Lorsqu’un photographe renommé, qui s’est fait connaître par son travail de photoreportage durant de nombreux conflits, dont la Guerre Iran-Iraq, la guerre civile libanaise et la Guerre du Golfe, et dont on ne compte plus le nombre de récompenses et prix photographiques, se retrouve critiqué dans une histoire de retouche photo, cela passe mal. Steve McCurry, dont la photographie la plus connue est le portrait de Sharbat Gula, une jeune afghane de 13 ans réfugiée au Pakistan, est actuellement sous le feu des projecteurs après que le photographe italien Paolo Viglione ait découvert un petit « couac » sur l’une de ses photos exposées au palais Venaria Reale à Turin (série photos consacrée à Cuba).

Photo retouchée grossièrement et exposée sans doute par erreur

Est-ce une tempête dans un verre d'eau ? Voici la réaction de Steve McCurry.

"J’ai commencé ma carrière il y a presque quarante ans lorsque j’ai quitté ma maison pour voyager et prendre des photos à travers l’Asie du Sud. Je suis allé en Afghanistan avec un groupe de moudjahidine en 1979 et suis ensuite devenu photojournaliste lorsque des magazines d’actualité et journaux ont choisi mes photos, les ont publiés un peu partout dans le monde et m’ont donné des missions pour leur fournir plus d’images de guerre".

"Plus tard, j’ai couvert d’autres guerres et des conflits civils au Moyen-Orient et ailleurs et ai produit des essais photographiques pour des magazines, mais comme tous les autres artistes, ma carrière est passée par plusieurs stades".

"Aujourd’hui, je définirai mon travail comme « conteur d’histoire visuel » (visual storytelling en anglais) parce que mes images ont été réalisées dans beaucoup d’endroits, pour beaucoup de raisons et dans beaucoup de situations. La majeure partie de mon travail récent a été réalisé pour mon propre plaisir dans des endroits que je souhaitais visiter afin de satisfaire ma curiosité, sur les peuples et la culture. Par exemple, mon travail sur Cuba a été réalisé durant quatre voyages personnels".

"Ma photographie est mon art et c’est gratifiant lorsque des gens l’aiment et l’apprécient. J’ai eu la chance d’être capable de partager mon travail avec des gens dans le monde entier.

"J’essaie d’être aussi impliqué que possible dans la revue et la supervision de l’impression des photos, mais très souvent les tirages sont réalisés et envoyés lorsque je suis absent. C’est ce qui est arrivé dans ce cas. Bien entendu, ce qui est arrivé avec cette image est une erreur pour laquelle je dois prendre mes responsabilités. J’ai pris des initiatives pour changer les procédures dans mon studio afin d’éviter que cela se reproduise à l’avenir".

Avec cette réponse, Steve McCurry se justifie doublement : il ne fait aujourd’hui plus de photojournalisme et ce n’est pas lui qui aurait réalisé ce tirage.

Son travail photographique récent est plus un travail de conteur d’histoire, plutôt que de photojournaliste. Dans ce cadre, le photographe indique implicitement ne pas devoir respecter les règles qui régissent le photojournaliste aujourd’hui, comme ne pas altérer la réalité dans une photographie en ayant recourt à une retouche, à la suppression de détails, si futiles soient-ils, ou bien à retoucher de manière trop profonde une image (contrastes, dodge and burn, couleurs).

Mais pour autant, Steve McCurry est une icône du photojournalisme. En raison de ce statut, il se doit de respecter l’éthique du photojournaliste, même si aujourd’hui il réalise des projets plus artistiques que journalistiques. Sean D. Elliot, président du comité d’éthique à la NPPA, l’organisme américain des photojournalistes, indique que « McCurry porte la responsabilité de faire respecter les normes éthiques de ses pairs et du public, qui voient en lui un photojournaliste ». Dans ce cas-là, Steve McCurry devrait peut-être séparer clairement ses activités de photojournaliste (avec notamment un fonds d’archives impressionnant) et son activité de storytelling dans laquelle il s’offre quelques libertés dans la retouche de ses photos pour une transparence totale. Car aujourd’hui, le doute plane sur l’ensemble de la collection photographique de Steve McCurry.

L'Inde.

«On a dit que je voulais sublimer la misère du monde… Mais le contraste entre le Taj Mahal et ce train que l’on imagine bondé dit bien la réalité de l’Inde, ses classes, la différence immense entre l’extrême pauvreté et les milieux aisés. À l’époque, surtout, les Indiens avaient leur culture, leur nourriture, leur architecture. Quarante ans plus tard, cette image dit aussi que tout cela s’évapore. Les gamins de Bombay ou de Calcutta rêvent d’un maillot floqué au nom de Messi ou de Ronaldo, ils fuient leurs propres traditions au profit d’une culture plus globalisée. Les bijoux que les Indiens portaient, ce n’est plus tendance, les tuniques sont tout sauf cool. C’est dommage de voir tout cela disparaître. J’ai l’impression, en évoquant cette période, d’être vraiment le témoin d’un monde passé dont le charme a disparu. »

UT TAR PRADESH, AGRA, INDE, 1983

Le Koweit

CHAMEAUX-ET-CHAMPS-DE-PETROLE-AL-AHMADI-KOWEIT-1991

« Tout était pollué, l’air, la nature, les animaux, c’était comme si le diable était passé par là. J’étais embarqué avec l’armée américaine. Mais il n’y avait pas de combats à photographier. Juste des puits de pétrole en feu. On ne parlait pas encore d’écologie, mais la catastrophe était bien réelle, elle, avec tout ce pétrole qui se déversait dans le Golfe. Quel homme peut créer une marée noire intentionnelle ? On est dans l’inhumanité totale. En quarante ans, j’ai vu combien l’homme ne prenait pas soin de la planète, j’ai vu ces villes devenir de plus en plus immenses, s’étendre au-delà du raisonnable, en Chine, en Inde. Nous ne sommes pas les bons Samaritains de la terre, nous n’en prenons pas soin, et cela se fait au détriment des gens les plus pauvres. On pourrait faire tellement mieux, mais non, notre égoïsme passe au premier plan. C’est l’humain qui a mis le monde à l’envers. Pas l’inverse… Mon job est de montrer cela. Pour qu’il y ait des prises de conscience. Le problème actuel de notre société, c’est que l’opinion est de plus en plus distraite. »

New York, 11 Septembre

NY 2001-09-11

Rentré du Tibet la veille, il assiste à la catastrophe depuis son bureau de Washington Square situé à 3km. Il se rend sur place est prend d'innombrables clichés. Il a tenté de photographier le chaos: l'effroi, l'horreur, le vide.

Exposition à Paris au musée Maillol jusqu'au 29 mai 2022 (59-61 rue de Grenelle, Paris). Les photos y sont présentées sur fond noir, car Ste MCCurry estime que l'oeil se focalise mieux sur l'image en éliminant le bruit visuel autour de la photo. Pourquoi avoir laissé les photos libres d'interprétation, en mentionnant seulement une simple légende (une date, un lieu) ? parce que l'imagination du spectateur est peut-être meilleure que celle du photographe. L'image doit raconter sa propre histoire et laisser une liberté totale d'interprétation. Chaque spectateur est porteur de son propre vécu et son interprétation sera la sienne, unique.

Bibliographie: pas moins de 34 ouvrages, dont voici quelques titres:

Enfants du Monde-Portraits de l'innocence (2021), A la recherche d'un ailleurs (2020), Les histoires à l'origine des photographies (2020), Animals (2019), Instants suspendus (2019), A life in pictures (2018), Regards d'Orient (2018), Inde (2015), Portraits (2013), Instants suspendus (2009), In the shadow of mountains (2007), Monsoon (1995), Sud sud-est (1995)

Credits:

Inclut une image créée par CarlosAlcazar - "statue of liberty manhattan usa"