La démarche bien-être territorial Composer une vision du bien-être territorial sur le territoire de Lille Métropole

QU'EST-CE QUI FAIT QU'ON SE SENT BIEN SUR SON TERRITOIRE ?

Comment rendre compte de ce bien-être à l’échelle territoriale et comment mobiliser les habitants autour de ces enjeux ?

Ce sont les questions auxquelles l’Agence, la Région Hauts-de-France, la Métropole Européenne de Lille, le Centre Ressource du Développement Durable (CERDD), l'Université de Lille et l'Institut pour la recherche de la Caisse des Dépôts, souhaitent répondre à travers la démarche bien-être territorial.

Cette démarche s’inscrit dans la lignée des initiatives portées localement par des collectivités et leurs partenaires académiques depuis une vingtaine d’années pour renouveler les indicateurs de développement territorial.

Portée comme une expérimentation, l’objectif est de produire un outil de mesure du bien-être territorial, avec la volonté de mobiliser l’ensemble des parties prenantes dont les habitants. Cette question de ce qui fait qu’on se sent bien sur un territoire doit être mise en débat pour faire émerger ce qui constitue les principales dimensions du bien-être territorial, partagées par les habitants à l’échelle d’un quartier, d’une commune, d’un bassin de vie.

À l’heure des grands bouleversements sociaux et environnementaux que l’on traverse, la démarche trouve aujourd’hui une résonnance particulière.

Crédits photos : Eric Le Brun / LIGHT MOTIV

L’AMBITION D'UNE TRANSFORMATION SOCIÉTALE EN RÉPONSE À L'URGENCE CLIMATIQUE

Une période de transitions qui interroge nos modèles de développement

Dans un contexte d’urgence climatique, nous faisons face à une multitude de crises (récemment, l’épidémie de Covid-19, les grands feux de forêt, les pénuries de matière première ou l’inflation accélérée des prix de l’énergie) avec de graves conséquences sur le plan social et économique. Ces réalités interrogent sur la façon de « prendre soin » des territoires et leurs habitants, puisque « si les crises écologiques ne sont pas mesurées et maîtrisées, elles finiront par balayer le bien-être humain » (Eloi Laurent, 2017).

Vers une prise de conscience de l’insoutenabilité de nos modèles ?

Ce contexte contribue à accélérer la prise de conscience de l’insoutenabilité de nos modèles de développement. Nos sociétés entrent en effet dans une période de transitions profondes (écologique, économique, sociale et démocratique) au cours de laquelle l’ensemble de nos activités (personnelles, professionnelles, touristiques, de loisirs, etc.) sont remises en question. Il existe des rapports de qualité sur lesquels s’appuyer pour questionner et réinventer nos modes de production, de consommation, de travail, etc. dans une optique de transition vers une société plus respectueuse de son environnement et des générations futures.

Se re-poser ensemble la question de ce qui compte pour renforcer la résilience des territoires

En tant qu’acteur du territoire, la période de transitions actuelle est décisive pour nous poser cette question fondamentale : qu’est-ce qui compte et qu’est-ce l’on souhaite préserver et développer aujourd’hui, tout en prenant en considération les générations futures ?

Animer des espaces de débat sur ce qui fait que l’on se sent bien sur son territoire nous apporte une meilleure connaissance des besoins et des aspirations des habitants, ainsi que des ressources existantes. Cela favorise aussi une expérience collective et partagée de dialogue entre acteurs. En ce sens, c’est un levier de résilience pour notre métropole.

L’urgence climatique doit susciter des transformations et un changement de paradigme à travers notamment une gouvernance davantage partagée, de la participation et de l’innovation sociale. La démarche bien-être territorial et, plus globalement, le fait de se poser la question collectivement de ce qui contribue au bien-être et de se doter de nouvelles boussoles, peuvent constituer des accélérateurs de ces changements. Ces changements sont nécessaires pour tendre vers une société du bien vivre ensemble dans le respect des limites planétaires, et générer ainsi une résilience accrue face au changement climatique.

Se doter de nouvelles boussoles à l'échelle des territoires

Dans cette optique, les indicateurs peuvent aussi être des outils essentiels pour « baliser les chemins de la transition » (Thiry). Le développement de nos territoires ne peut plus reposer uniquement sur des indicateurs traditionnels tels que le Produit Intérieur Brut (PIB) pour susciter et mesurer le changement vers « une économie diversifiée, inclusive, soutenable » (CEREMA).

Les limites du PIB

Le PIB occupe une place hégémonique : c’est un indicateur phare à l’échelle nationale et mondiale, exprimant le développement économique d'un pays. Encore aujourd'hui, il structure nos sociétés et se place en tant que référence en termes de performances sociales. Pourtant, cette mesure du niveau de la production n’a que peu de sens pour l’habitant, et elle ne permet pas de situer le bien-être d’un territoire. Le PIB ignore un nombre considérable de richesses non monétaires, et comptabilise positivement des destructions lorsque celles-ci génèrent des flux monétaires.

Ce que le PIB ne mesure pas. Rapport AUDIAR "Indicateurs de bien-être. Etat des lieux" (2016).

Le développement d'indicateurs alternatifs

Aujourd’hui, d’autres indicateurs ont pour ambition d’être complémentaires au PIB, d’élargir ces grilles de lecture, afin d’évaluer le bien-être de la population en étant plus proche de ses réalités. En France, leur développement acquiert une nouvelle dynamique avec la tenue de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social en 2008. Le rapport de la commission, co-écrit par les économistes Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi est une des références du champ. Il vise à prendre en compte la dimension objective du bien-être des individus, dépendant de critères tels que les revenus, mais aussi sa dimension subjective, non-économique, qui renvoie à « ce qu’ils font de leur vie et ce qu’ils peuvent en faire, leur appréciation de leur vie, leur environnement naturel etc. » (Stiglitz, Sen, Fitoussi, 2009).

Une dynamique qui gagne les territoires

Les territoires s’emparent de plus en plus de ces questions : tout comme les entreprises et les organisations, ils ont besoin de s’appuyer sur de nouvelles boussoles, plus proches des considérations des habitants, pour définir leurs stratégies d’action.

UNE DÉMARCHE EXPÉRIMENTALE, PORTEUSE DE NOUVEAUX MODES DE FAIRE

La démarche bien-être territorial a l'ambition de contribuer à renouveler le regard des politiques sur leur territoire, pour accompagner les transitions sociales et environnementales, à travers une meilleure intégration des leviers suivants :

  • La parole citoyenne comme expertise d'usage ;
  • La valeur non monétaire des ressources territoriales, comme bien commun à préserver ;
  • L'approche systémique des enjeux du territoire pour apporter une réponse complète et optimisée.

Les principales étapes de la démarche

Une dynamique partenariale

L’importance de définir collectivement le bien-être territorial

La démarche bien-être territorial est née en 2020 d’un constat partagé entre l’Agence et ses partenaires sur les limites des indicateurs de richesse traditionnels.

MEL | ADULM | CERDD | Laboratoire Clersé Université de Lille | Agence HDF 2020 2040 | SIILAB | Institut pour la recherche de la Caisse des Dépôts

L’Agence a été lauréat d'un Appel À Projet (AAP) interministériel pour la participation citoyenne du Projet d'Investissement d'Avenir (PIA), ayant pour objectif principal l'association des citoyens aux politiques publiques de territoires candidats. Un travail collaboratif a été engagé avec plusieurs partenaires : l'objectif est de rendre possible, et de manière systématique, l'inclusion des usagers (citoyens et agents) au processus de transformation publique, ce qui participera non seulement à améliorer la pertinence des politiques publiques, mais aussi à nourrir le dialogue

Le collectif Citoyen en CommunS

Dès le lancement, l’Agence a inscrit la démarche dans plusieurs dynamiques partenariales complémentaires :

La place centrale des habitants

Les habitants et acteurs du territoire sont considérés comme des experts d’usage, c’est-à-dire qu’ils peuvent contribuer à enrichir la connaissance du territoire en partageant leurs pratiques de ce dernier. Dans le cadre de la démarche bien-être territorial, il est donc important de les associer afin de prendre en compte leurs réalités et de pouvoir co-construire une vision partagée du bien-être, qui ne se réduit pas aux préférences individuelles.

Au-delà de la mobilisation de l’expertise d’usage des habitants et acteurs du territoire, la démarche suscite des questions quant à leur nécessaire association dans la co-construction de l’outil de mesure du bien-être territorial (choix des indicateurs, des critères de sélection, des méthodes d’analyse, etc.) en tant que partenaires, voire dans la gouvernance pour décider aux côtés des autres partenaires des orientations stratégiques de la démarche.

Associer des habitants à la réflexion sur le bien-être territorial peut aussi être pensé comme une première étape pour susciter l’envie de s’investir dans un projet de territoire porteur de sens, de s’engager afin de générer une mobilisation citoyenne de plus grande ampleur ou plus représentative de l’ensemble de la population.

Une démarche au service des acteurs du territoire

Dans sa première phase de production, l’outil d’évaluation du bien-être territorial sera mobilisable à une échelle communale sur le périmètre du Schéma de Cohérence Territorial (SCOT) de Lille Métropole. Il permettra aux communes volontaires de se saisir de la démarche bien-être territorial portée par l’Agence afin de co-construire leurs propres indicateurs pour évaluer le bien-être sur leur territoire, avec les habitants. Cet outil pourra réunir les élus, habitants et autres parties prenantes du territoire autour de ce qui compte pour eux et ce qui fait qu’ils se sentent bien dans leur commune, afin d’imaginer un projet de territoire et d’en assurer le suivi dans un contexte de transitions.

Dans une phase ultérieure de production, l’outil sera décliné à l’échelle métropolitaine.

Les conditions nécessaires au changement

L’ambition d’accompagner la transformation de nos modèles sociaux et économiques dans laquelle s’inscrit la démarche bien-être territorial ne peut être atteinte uniquement à travers l’élaboration d’un outil de mesure du bien-être territorial à l’échelle métropolitaine, et l’accompagnement à son appropriation par les acteurs du territoire.

Pour que s’opère une réelle prise en considération du bien-être territorial dans les modes d’élaboration et d’évaluation des politiques publiques, et tendre vers un changement social d’envergure, de plus larges transformations s’avèrent nécessaires et des instances de participations citoyennes doivent notamment pouvoir se mettre en place de manière plus systématique.

Les indicateurs et les outils de mesure ont toutefois une forte portée symbolique et peuvent susciter le débat et alimenter les réflexions. Si un changement de « thermomètre » ou de « boussole » peut- être perçu comme un préalable à l’action, certains freins pèsent sur l’intégration des indicateurs de bien-être à l’élaboration et au suivi des politiques publiques, et donc sur leur pouvoir de transformation. On peut également identifier certains leviers qui favorisent leur prise en compte.

NOTRE RÉAPPROPRIATION DU BIEN-ÊTRE TERRITORIAL : VERS LA CONSTRUCTION D'UN RÉFÉRENTIEL PARTAGÉ

Le bien-être territorial, qu'est-ce que c'est ?

Aujourd'hui, aucune définition du bien-être ne fait encore consensus. Cependant, on peut retenir que ce concept multidimensionnel est très lié à la notion de "qualité de vie", et se trouve au croisement entre des déterminants objectifs, tels que l'âge ou l'emploi, et un regard subjectif, autrement dit ce à quoi on aspire. Le bien-être et la qualité de vie sont, de ce fait, étroitement liés au territoire, d'une part parce que c'est le territoire qui va définir les aménités (matérielles, naturelles, historiques...) et d'autre part parce que le regard subjectif est lui aussi fortement influencé par son environnement, et donc en partie par le territoire sur lequel il vit.

Pourquoi cette approche territoriale du bien-être ?

L'échelle territoriale est un angle de vue pertinent lorsque l'on s'intéresse à la mesure du bien-être, pour de multiples raisons mises en avant par la recherche :

Vers la construction d’un référentiel partagé du bien-être territorial

Pour définir et mesurer le bien-être territorial, il est intéressant d’adopter une approche globale et systémique des enjeux du territoire. Une des étapes fondatrices de la démarche est la construction de ce que nous avons appelé un référentiel, qui est un support pour construire une définition partagée du bien-être territorial.

Ce référentiel est composé d’un visuel présentant l’ensemble des dimensions contribuant au bien-être territorial ainsi que de trois clés de lecture pour faciliter sa compréhension et son utilisation. Il sert de grille de lecture pour appréhender et organiser les contributions des habitants sur « ce qui compte ». Dans la continuité des expérimentations de terrain, le référentiel constitue une base pour identifier les indicateurs à retenir pour tendre vers un outil de mesure du bien-être territorial qui fasse sens.

Les déterminants du bien-être territorial

Le référentiel du bien-être territorial s’inspire des travaux réalisés en 2012 par le Conseil de Développement de Lille Métropole autour du schéma de l’habiter. La société civile organisée voulait alors interpeller les élus métropolitains sur la nécessité de mobiliser des compétences en transversalité pour répondre aux enjeux du logement. Pour ce faire, ils ont remis « l’habitant » au cœur des notions « d’habiter » à travers une approche sensible.

Sur cette base, l’Agence et les partenaires du groupe projet ont enrichi et décliné les déterminants à partir de leur propre expérience du territoire, et de la littérature scientifique.

Le référentiel structure les déterminants du bien-être territorial en trois types de leviers :

  • Vivre dans un territoire, c’est avoir des liens d’attache plus ou moins forts à ce territoire, qui se nourrissent de l’expérience et des représentations ;
  • Vivre dans un territoire, c’est vivre dans une communauté de vie, entretenir des relations sociales, participer à la vie en société ;
  • Vivre dans un territoire, c’est s’y loger, s’y déplacer, y travailler, y étudier, y entreprendre, y pratiquer des activités, en lien avec les équipements et aménités que propose le territoire, leur qualité et leur accessibilité.
@ADULM - Stéphanie Demeyère

Les clés de lecture du référentiel

Le référentiel du bien-être territorial propose une « base commune » d’analyse à l’échelle d’un territoire de vie. Pour autant, la pertinence et la qualification des dimensions recensées peuvent varier selon :

  • la situation et le parcours de vie des personnes ;
  • les territoires de vie et leur imbrication ;

Par ailleurs, dans un contexte de nécessaire évolution vers de nouveaux modèles de société plus respectueux de l’ensemble du vivant, le référentiel se doit prendre en compte :

  • les enjeux environnementaux.

1) La situation et le parcours de vie des personnes

Le bien-être territorial n'est pas appréhendé de la même façon par tous les habitants, qui ont des profils variés : leur situation actuelle (âge, point d’ancrage sur le territoire, situation familiale, sociale et économique, etc.) comme leur parcours de vie (bagage socio-culturel, mobilités, expériences) ont une influence sur leurs aspirations, et donc sur l’expression de leurs besoins.

@ADULM - Stéphanie Demeyère

2) Les territoires de vie et leur imbrication

Le référentiel a été conçu pour être utilisé sur un territoire de vie. Par définition, le périmètre des territoires de vie varie d’une personne à une autre majoritairement selon leur lieu de vie, de travail, de loisirs et leur réseau social.

Les déterminants identifiés comme contribuant prioritairement au bien-être territorial ne seront pas systématiquement les mêmes selon l’échelle d’appréhension (un quartier, une commune, un bassin de vie). Nous pouvons imaginer qu’à l’échelle d’un quartier, les questions de logement, d’espaces publics, de lieux de vie et de rencontre soient prépondérantes. Pour autant, il est intéressant d’inclure également les dimensions de loisirs et de travail même si elles se situent hors du quartier, pour appréhender les enjeux de mobilités et de temps de vie par exemple.

@ADULM - Stéphanie Demeyère

3) Les enjeux environnementaux

Le bien-être territorial est à considérer dans le contexte actuel de fortes pressions écologiques, qui réinterrogent les besoins et aspirations des habitants d’un territoire (ceux-ci n’étant pas tous compatibles avec le respect des limites planétaires). Le changement climatique fait peser des menaces très concrètes sur le bien-être humain : il affecte la santé humaine (effets directs des vagues de chaleur, de la qualité de l’air, des inondations, du manque d’eau, etc.), risque de nuire à la sécurité alimentaire, de générer des déplacements de population, des conflits… Lorsqu’on s’intéresse à ce qui compte aujourd’hui, il est donc primordial de prendre en compte les enjeux environnementaux, pour préserver le vivant non humain et ne pas compromettre le bien-être des générations futures.

Si les enjeux de soutenabilité environnementale transparaissent à travers la dimension du référentiel « Vivre dans un environnement sain et sécure », ils alimentent aussi ses autres composantes de manière transversale. Par exemple, lorsqu’on s’intéresse à la dimension « Se loger », il est pertinent de se pencher sur la précarité énergétique des ménages ; pour « Se déplacer », d’observer la mobilité durable.

*Illustration inspirée de la théorie de l'économie du Doughnut, développée par Kate Raworth. @ADULM - Stéphanie Demeyère
Crédits photos : Eric Le Brun / LIGHT MOTIV

PARTAGER, ENRICHIR ET DIFFUSER NOTRE VISION PARTAGÉE DU BIEN-ÊTRE TERRITORIAL

L’Agence et ses partenaires portent des projets qui viennent alimenter la démarche sur les quatre objets suivants :

  • la méthode de définition du bien-être territorial et les enjeux qu’elle recouvre ;
  • la mobilisation du terrain : les outils, processus et retours d’expérience pour favoriser la définition du bien-être territorial « avec toutes et tous » ;
  • le choix des indicateurs et leur mode de mesure et d’analyse ;
  • la diffusion de la méthode et des résultats auprès des acteurs du territoire.

L’ensemble des projets présentés ci-dessous ont permis d’enrichir la définition partagée du bien-être territorial telle que présentée ci-dessus.

La définition du bien-être territorial, retour d’expérience de l’outil « d’auto-enquête » et la méthodologie associée

En juillet 2021, l’équipe projet a testé au sein de l’Agence un outil d’auto-enquête inspiré de l’outil de design thinking « Cultural Probes ». Il s’agit d'un « kit » qui a permis à chaque participant de mener sa propre enquête, pendant sept jours, sur sa définition du bien-être territorial.

Le kit contenait alors :

  • Un appareil photo jetable ou une clé USB pour enregistrer les photos prises avec le téléphone portable ;
  • Un journal de bord dans lequel inscrire toutes ses impressions au jour le jour, avec un bilan en fin de période et un registre pour donner une légende aux photos ;
  • Une carte ainsi qu’une banque d’images pour créer une carte postale et rédiger un mot à l’attention de son territoire ;
  • Un bout de papier coloré pour formuler un vœu pour son territoire.

Une séance de partage et de restitution a permis à chaque participant de rendre compte de son enquête et de partager son vécu avec celui des autres participants.

La méthode s’est révélée très intéressante pour une première phase individuelle de réflexion autour de la notion de bien-être territorial. Cela permet de prendre un temps de recul sur ce qui compte vraiment dans son quotidien. Un travail complémentaire serait nécessaire pour aborder les dimensions moins « quotidiennes » du bien-être territorial.

Cette enquête a permis également de faire la distinction entre le registre du « personnel » et celui du « public ». Il s’agit de comprendre si le déterminant identifié comme contribuant à sa sensation de bien-être dépend d’une politique publique ou pas (météo, certaines relations amicales et familiales, etc.).

Le bien-être des étudiants, projet d’étude tutoré mené par trois étudiants du Master APIESS (Université de Lille)

L’Agence a proposé aux étudiants du Master APIESS (Action publique, Institutions et Economie Sociale et Solidaire) de l’Université de Lille de se saisir de la question du bien-être territorial en construisant un référentiel du bien-être étudiant avec les étudiants eux-mêmes. Pour ce faire, les étudiants ont mis en œuvre entre octobre 2021 et janvier 2022 (période de reprise des enseignements en présentiel après les épisodes de confinement) plusieurs méthodes de mobilisation dont :

  • 3 focus groups, en faisant varier la méthodologie d’animation et mobilisant pour l’un deux une adaptation du jeu de carte TELL_ME élaboré par Lise Bourdeau Lepage ;
  • 1 sondage par post-it ;
  • Des entretiens semi-directifs.

En tout, ce sont près de 200 personnes qui ont été interrogées sur leur vision du bien-être en tant qu’étudiant.

Il en ressort les invariants suivants :

  • Le logement ;
  • Le lien social ;
  • La mobilité, les transports en commun ;
  • Le temps libre disponible ;
  • La santé.

D’autres dimensions ont aussi été citées comme importantes : les espaces de nature, l’intérêt pour la formation suivie, l’alimentation, le fait de vivre dans un environnement sécurisé, la proximité avec des services, commerces et infrastructures, l’attachement au territoire et à son patrimoine.

Le groupe d’étudiants a aussi formulé des préconisations quant à l’intérêt de disposer d’un indicateur de bien-être à l’échelle de l’Université de Lille, et au contenu de l’enquête qui pourrait être diffusée pour collecter les données nécessaires pour le construire. Les étudiants y voient :

  • Un outil de connaissance et de diagnostic inédit ;
  • Un outil de planification, une grille de lecture pour ajuster les actions menées en direction des étudiants ;
  • Un outil de dialogue, de coordination et de médiation au sein de la communauté universitaire.

Le référentiel du bien-être territorial au service d’une dynamique de participation citoyenne à Sailly-lez-Lannoy

L’Agence a mené une expérimentation de terrain au sein d'une commune pour tester un processus de participation et de recueil de l’expertise d’usage d’un groupe d’habitants, afin de décliner localement leur définition du bien-être territorial. Cette expérimentation s’est déroulée entre mars et juin 2022 dans la commune de Sailly-lez-Lannoy, en trois temps : une promenade sensible, un atelier collectif et une séance de restitution de la matière collectée.

Nous avons pris le parti de nous appuyer sur des dynamiques citoyennes déjà existantes, à la fois pour gagner du temps sur la mobilisation des habitants, mais aussi pour favoriser leur engagement durable dans la démarche. Sailly-lez-Lannoy nous semblait être un terrain propice à la réussite de l’expérimentation, en raison de plusieurs leviers facilitateurs dont :

  • Une volonté des élus de renforcer les dispositifs de participation citoyenne ;
  • Une habitude de co-construction dans la commune ;
  • Un cadre de confiance pour faciliter le contact avec les habitants.

Cette expérimentation a permis à l’Agence de tester certaines méthodes (carte mentale, promenade sensible, etc.) ; nous en retirons des enseignements en matière d’animation, qui peuvent être utiles dans le cadre de la démarche bien-être territorial.

Cette expérimentation de terrain nous apporte également des premiers éléments pour mieux comprendre ce qui contribue au bien-être territorial, qui seront à confirmer auprès d’autres territoires et d’autres publics.

Du point de vue de Sailly-lez-Lannoy, nous espérons que les modes d’animation et les temps de réflexion alimenteront la dynamique participative pour poursuivre les projets collectifs au sein de la commune et mobiliser toujours plus d’habitants autour des projets.

Du référentiel aux indicateurs de bien-être territorial : une collaboration avec le Conseil de Développement de la Métropole Européenne de Lille

L’Agence a proposé à des membres volontaires du conseil de développement de la métropole lilloise de prendre part à une réflexion tant sur les critères de bien-être territorial à l’échelle de la métropole, que sur le choix des indicateurs à prendre en compte pour le mesurer.

Le Conseil de développement est une instance de démocratie participative et contributive, avec un rôle consultatif auprès des élus de la Métropole Européenne de Lille. Il valorise la parole citoyenne et l’expertise d’usage des habitants de la MEL à travers ses 160 membres bénévoles, issus des 95 communes du territoire et engagés pour un mandat de 4 ans. Une dizaine de membres volontaires ont participé aux ateliers organisés dans le cadre de la démarche bien-être territorial.

Cette deuxième expérimentation présentait de nombreux intérêts dans le cadre de la démarche : contribuer à la production d’une connaissance partagée du bien-être territorial, bénéficier de l’expertise d’usage d’habitants métropolitains et de leur regard averti sur la mobilisation citoyenne, et pouvoir impulser une dynamique citoyenne sensibilisée aux enjeux des indicateurs alternatifs.

Cette expérimentation s’est déroulée entre mars et juin 2023, en quatre temps : une séance de sensibilisation aux enjeux du bien-être territorial, deux ateliers de co-production autour des critères et indicateurs de bien-être, et une plénière consacrée au partage des résultats.

La première séance a permis aux participants d’appréhender le concept du bien-être territorial à travers une première entrée, l’attachement au territoire. Ils ont pu réaliser des cartes postales du territoire en mettant en avant certaines de ses richesses : la convivialité et la solidarité, le patrimoine historique et culturel, les infrastructures de transports ou encore l’ouverture sur l’Europe.

Les personnes volontaires pour participer à l’atelier suivant ont eu la possibilité de remplir un journal d’auto-enquête, permettant de commencer à identifier les déterminants du bien-être territorial qui marquent leur quotidien.

Nous avons analysé ces contributions afin de commencer à structurer leur propre référentiel du bien-être territorial qui a été discuté, modifié et complété lors d’un deuxième atelier consacré à l’identification de critères pour chacune des dimensions. Les participants ont fait émergé une première vision partagée de ce qui contribue au bien-être des habitants sur le territoire de la métropole lilloise, qui a à nouveau été mise en discussion pour être consolidée lors du troisième atelier.

Les membres du conseil de développement se sont ensuite interrogés sur les indicateurs qui auraient du sens pour évaluer le bien-être territorial à l’échelle de la métropole, à partir des critères qui avaient été validés en groupe. Ce travail a été effectué à partir d’une première liste d’indicateurs proposés (sous la forme d’un jeu de cartes) : les participants pouvaient les écarter, les reformuler, ou en proposer de nouveaux. Au total, 59 indicateurs ont été proposés, mêlant données d’enquête et données administratives, données objectives et données subjectives, données disponibles et propositions de données à produire.

Finalement, cette expérimentation nous apporte des éléments complémentaires sur les critères de bien-être territorial à prendre en compte, et nous aura permis de nous positionner à une autre échelle de référence : l’échelle métropolitaine, alors que nous nous étions placés à une échelle communale lors des ateliers organisés à Sailly-lez-Lannoy. Elle aura été l’occasion de tester une nouvelle méthode d’animation, qui s’est avérée efficace pour travailler sur le choix des indicateurs. Elle a également permis à l’Agence de renforcer ses liens avec le conseil de développement, dans la perspective d’une poursuite de cette dynamique partenariale.

Du point de vue du conseil de développement, nous espérons que cette réflexion sur le bien-être territorial pourra nourrir de futurs travaux !

LE COIN DES RESSOURCES

Le séminaire de lancement

De nombreuses démarches alternatives ont vu le jour en France et, même plus largement en Europe, proposant ainsi une approche du bien-être ou encore de la qualité de vie des habitants d’un territoire. A l’occasion du séminaire de lancement, qui s’est déroulée le 24 novembre 2020, 7 intervenants ont présenté quelques-unes de ces démarches, en s’interrogeant notamment sur les retombées que celles-ci ont pu avoir au sein des politiques publiques territoriales. A travers un extrait de cette journée, nous vous proposons de prendre connaissance des différentes présentations.

Les territoires se dotent de nouvelles boussoles

L'INDICE DE SANTÉ SOCIALE (ISS)

Créé en 1980, dans l’objectif de considérer le bien-être social.

Mesure multicritère de la santé sociale, qui souligne que la croissance économique n’est pas nécessairement en lien avec l’amélioration du bien-être social.

Adapté et enrichi de 2 autres dimensions en 2004 par les économistes Florence Jany-Catrice et Rabih Zotti pour l’ancienne Région Nord-Pas-de-Calais.

Les différentes dimensions de l'indice de santé sociale

L’INDICE DE DEVELOPPEMENT HUMAIN 4 (IDH-4)

Créé en 1990 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

L’IDH mesure le développement humain à travers 3 dimensions : la santé (via l’espérance de vie), l’éducation, le niveau de vie (via le revenu national brut par habitant.

Cet indicateur a été décliné à différentes échelles.

La Région Hauts-de-France a élaboré et actualise régulièrement l’IDH-4, calculé à l’échelle communale.

Pour en savoir plus

Contacts

Bérénice THOUIN : bthouin@adu-lille-metropole.org - Chargée d'études - Pôle Développement et Coopérations - Agence de développement et d'urbanisme de Lille Métropole

Louise HERRY : lherry@adu-lille-metropole.org - Chargée d'études et doctorante CIFRE - Pôle Observation et Prospective - Agence de développement et d'urbanisme de Lille Métropole

François LEURS : fleurs@adu-lille-metropole.org - Directeur des Politiques sociales et urbaines - Agence de développement et d'urbanisme de Lille Métropole

Crédits photo : Gabriela Tellez / Light Motiv

BIBLIOGRAPHIE

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