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L'aventure européenne SQBB - Panathinaïkos, 30 ANS après

Par Kévin Bessiere

Le 9 octobre 1991, le SQBB est éliminé de la coupe Korac. Après avoir battu dans son palais des sports 69-57 le Panathinaïkos d'Athènes le 2 octobre, Saint-Quentin s'incline en Grèce 77-62. Le tout dans une ambiance très hostile. Trois petits points sur 80 minutes qui font une grande différence. Trente ans après, les acteurs, supporteurs et suiveurs du SQBB de l'époque reviennent sur ce moment fort de la vie du club.

Tout commence le 14 mai 1991. Vainqueur de Montpellier en play-offs de qualification à la coupe Korac, le SQBB obtient pour la première fois de son histoire le droit de disputer la coupe d'Europe.

« Le SQBB regardait plus le haut que le bas. Et le haut, c’était l’Europe. Elle faisait rêver les dirigeants, l’entraîneur, les joueurs. » Installé en première division depuis 1988, Saint-Quentin avait fait de l'Europe un objectif comme le rappelle le journaliste alors à L'Aisne nouvelle, Éric Dubuis. Un objectif atteint par l'entraîneur Chris Singleton à l'issue de la saison 1990-1991.

En proie à des problèmes financiers, le club perd son entraîneur et une partie de son effectif, comme son pivot dominicain José Vargas, MVP du All-Star Game en 1991, ou encore les historiques Roberto Durigo, Tom Snyder et Bob Wymbs. « Par rapport à l’équipe qui s’est qualifiée, il y a eu un grand bouleversement », note le meneur Bruno Rodriguez, seul rescapé de la qualification à avoir participé à l'aventure européenne avec Pat Taylor. « Le club à l’époque pensait que l’accumulation des résultats allait un peu masquer les problèmes financiers », estime Éric Dubuis. Mais la campagne européenne fut plus courte qu'espéré...

Le guide d'avant la rencontre entre le SQBB et le Panathinaïkos

L'exploit à domicile

Le SQBB se présentait avec un effectif assez inexpérimenté. Christian Ortega (vainqueur de la Korac en 1984 avec Pau-Orthez), Linton Townes et Xavier Wallez avaient déjà goûté à la coupe d'Europe.

Soir de première pour le SQBB. Le 2 octobre 1991, il reçoit le club grec du Panathinaïkos. À l'époque, il n'avait gagné « que » 19 fois le championnat national et aucun de ses six trophées d'Euroligue. « Il avait un peu moins de renommée qu’à l’heure actuelle », reconnaît le meneur saint-quentinois Christian Ortega. Dans l'Aisne, le club athénien entamait sa 26e campagne européenne consécutive. Aussi prestigieux soit-il, pas de quoi enthousiasmer l'intérieur Xavier Wallez : « On m'aurait dit de jouer contre Guise la coupe d'Europe, je m'en fous, je joue. »

« On a un peu les genoux qui tremblent au début, pendant l’échauffement, on ne se sent pas trop à l’aise. On sent qu’il y a une tension, quelque chose d’un peu différent. »

François Petit, ailier-arrière du SQBB, premier match de coupe d'Europe

« ll y avait beaucoup d’excitation, c’est normal. J'ai essayé de faire prendre conscience à mes équipiers qu’il fallait essayer de l’aborder de la manière la plus détendue, la plus sereine possible. »

Christian Ortega, meneur du SQBB

Malgré son inexpérience, Saint-Quentin fait jeu égal avec le Pana. Tout en sérénité. « On s’est mis dans l’optique de montrer à ces Grecs qu’on était capable de jouer les yeux dans les yeux avec eux », explique Christian Ortega (photo). 34-33 à la pause, l'espoir demeure. « À la mi-temps, on se rend compte que c’est un peu différent de d’habitude, que ce qu’on est en train de vivre c’est énorme », se souvient François Petit. Le SQBB tient bon et va même creuser l'écart.

« Je me demande s’ils ne sont pas venus en se disant qu’ils allaient faire qu’une bouchée de cette petite équipe de Français. Ça a été loin d’être le cas. Et quand on ne rentre pas bien dans un match, qu’on se rend compte que l’adversaire est là, bien présent, tout Panathinaïkos qu’on est, on peut vite perdre les pédales », glisse le meneur saint-quentinois.

Le SQBB continue de faire douter le Panathinaïkos. Pour finalement s'offrir une victoire de 12 points, 69-57. « De pouvoir gagner un match de coupe d’Europe, en plus contre le Panathinaïkos, c’était à la fois une récompense pour nous mais aussi pour les dirigeants, le staff et les supporters », se réjouit Bruno Rodriguez.

« On a tenu jusqu’à 4 ou 5 minutes de la fin. On tente un coup de poker fantastique. On tente un triangle et deux. Le Panathinaïkos, même si c’était une très bonne équipe, a été perturbé. Et on gagne ce match sur ce coup de poker. »

José Ruiz, entraîneur du SQBB

« Qui aurait misé un kopek sur nous ? Pas grand monde. »

Christian Ortega, meneur du SQBB

Plongée dans l'enfer grec

Une semaine après son exploit à domicile, Saint-Quentin se déplace à Athènes pour défendre ses 12 points.« J’étais conscient que ce n’était pas rien, mais aussi que ce n’était pas définitif », se remémore José Ruiz. Surtout dans le contexte grec. « J'avais discuté avec un journaliste grec. Il m’avait dit : "C’est pas mal 12 points. Mais tu verras au retour, il faudra avoir les nerfs solides" », se rappelle Eric Dubuis.

La découverte du « tombeau hindou »

La salle du match retour a été surnommée le « tombeau hindou » lors de son inauguration en référence au film (affiche en photo) du même nom (1959), à cause du sentiment de claustrophobie qu'elle créait.

Parmi les différents acteurs du match retour, les souvenirs divergent sur la salle du match. Mais tous se rejoignent sur un point : l'atmosphère qu'elle dégageait. « J’étais vraiment déçu parce que je me disais qu’une salle du Panathinaïkos, c’est comme le Barça, comme le Real, des salles avec plusieurs milliers de spectateurs. Quand on est arrivé, je me suis dit que c’était la salle d’échauffement, une salle annexe », détaille François Petit.

« C’était une sorte de dôme, un peu en fer, avec du grillage partout pour que le public ne rentre pas sur le terrain. Les lignes, même celle du lancer franc, était plus ou moins effacées. Je m’attendais à quelque chose de plus accueillant, plus digne de la coupe d’Europe », glisse Bruno Rodriguez.

« Les joueurs grecs ont refusé de nous taper la main, et en plus ils nous ont crachés dessus. Je n’avais jamais connu ça. »

Christian Ortega

« Pendant l’échauffement, ils ouvrent les portes. Déjà, de voir du grillage, la ligne de fond très proche des supporters. Ils ouvrent les portes et on voit des jeunes descendre très vite au niveau des grillages et faire des gestes "On va vous égorger, on vous crache dessus". D’entrée, ça met l’ambiance », sourit, avec le recul, Bruno Rodriguez. Le décor est planté.

Pièces, bouteilles, bonbons, crachats, les joueurs du SQBB reçoivent tout ce qui pouvait servir de projectile pendant la rencontre.

« Quand tu arrives et que tu reçois des pièces sur la tronche, ton jeu change un petit peu. Tu ne joues plus pareil », avoue Xavier Wallez.

Une minute de trop

Malgré le contexte, malgré la pression mise par le public, le SQBB reste dans le match. Après 39 minutes, le Panathinaïkos est en tête mais n'a pas encore refait son retard de 12 points. Saint-Quentin est toujours provisoirement qualifié. « On y croyait, on était mordu là-dessus. On pensait qu’on allait se qualifier », avoue François Petit. « Je me suis rappelé ce que m’avait dit mon confrère grec, que le plus dur allait commencer en fin de match », note Éric Dubuis. Deux décisions arbitrales contestables et voilà que la rencontre bascule.

« Je me souviens de deux coups de sifflet. Un sur Terry Williams qui concède une cinquième faute. Ça ne m’avait pas fait bondir à l’époque. Je ne pense pas qu’elle était scandaleuse. Ce qui s’est passé sur Pat Taylor l’était un peu plus. »

Éric Dubuis

« Au bout d’un moment, des décisions qui auraient pu être pour nous mais qui vont au Pana. Ça se retourne contre nous, et on ne peut plus lutter. On n’est plus 5 contre 5. Ça devient 6 contre 5, 7 contre 5. Les arbitres aussi craignent pour leur personne », estime Christian Ortega. Xavier Wallez abonde dans son sens : « Dix minutes avant la fin du match, on n'est plus arbitré. Nous, on n'a pas de faute. Eux, tu leur souffles sur le t-shirt, ils ont la faute. »

Bruno Rodriguez complète : « Dans le money-time, je me souviens que l’arbitre en ligne de fond se souciait plus de ce qu’il se passait en tribune que sur le terrain. Je voyais les supporteurs qui passaient les bras à travers les grillages qui essayaient de les distraire. » Pour Éric Dubuis, « la décision des arbitres a été avant tout d’assurer leur sortie ».

Le Panathinaïkos passe la barre des 12 points dans la dernière minute, pour finalement s'imposer 77-62.

« Les joueurs ont le sentiment de s’être fait voler. »

Éric Dubuis

Même trente ans après, cette rencontre reste un souvenir particulier pour les joueurs, entraîneurs et dirigeants. Avec une pointe d'amertume. « On n’a pas pu lutter à armes égales, les dés étaient pipés. On a fait ce qu’on a pu. À mon grand regret, et au plus grand regret de tout le SQBB, on se fait sortir par le Pana mais on ne le mérite pas. Le match retour n’a pas été correct. Ça a été un peu malhonnête », regrette Christian Ortega. Avant d'avouer : « Quand tu te fais sortir comme ça, trente ans après, tu l’as encore en travers de la gorge ».

Quelques jours plus tard, Saint-Quentin retrouve le championnat avec le derby contre Gravelines. Le SQBB termine la saison à la 13e place et doit passer par les barrages Nationale 1A - Nationale 1B pour jouer sa survie en première division. Battu par Le Mans lors du troisième tour, il descend en deuxième division. Saint-Quentin ne le savait pas encore, mais trente ans plus tard, il n'a encore jamais retrouvé l'élite du basket-ball français, ni goûté à nouveau aux soirées européennes.

Le SQBB version 1991-1992, le seul à avoir connu la coupe d'Europe.

Images : L'Aisne nouvelle, Jean-Luc Foucret, Gérard Creignier. Vidéos : FR 3 Picardie, Éric Jonneau et Kévin Bessiere.

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Kevin Bessière
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