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10 réponses sur : la taxonomie verte européenne INFORMER | Janvier 2022 | CÉSECÉM

La Taxonomie Européenne est au cœur de la stratégie de l’Union européenne en matière de finance « durable » : il s’agit d’un projet réglementaire complexe, très ambitieux, dont les modalités d’application seront multiples.

1. Qu’est-ce que la taxonomie verte européenne ?

Dans le langage commun, la taxonomie se définit comme la science des classifications. Lancée par la Commission européenne en 2018, l’idée de créer une “taxonomie verte” pour les activités économiques repose donc sur un principe simple : définir un seuil d’émissions de CO2 en-deçà duquel telle ou telle entreprise sera considérée comme “verte”. C’est-à-dire contribuant à l’évolution positive du climat ou “atténuant” le réchauffement climatique. L’esprit de la taxonomie est d’établir une qualification des activités, et non des actions : autrement dit, une activité est considérée comme « durable » en tant que telle, indépendamment du fait qu’elle se substitue à une autre activité moins « durable », ou bien qu’elle s’y rajoute.

2. Quel est le but de la taxonomie verte européenne ?

L’objectif de la taxonomie verte européenne est de réorienter les investissements vers les activités favorables à la transition énergétique et écologique, notamment celles contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique. Cette taxonomie verte pourra être utilisée pour attribuer les labels « verts ». La taxonomie verte européenne doit permettre aux investisseurs de savoir si leurs placements entrent en conformité avec les objectifs définis dans le Pacte vert pour l’Europe — à savoir la neutralité climatique à horizon 2050 — et dans l’accord de Paris — à savoir la limitation du réchauffement de la planète à moins de 1,5 degré Celsius en 2100 par rapport aux niveaux préindustriels.

3. Comment cela fonctionne

La taxonomie verte européenne crée un système de classification de ce qui est considéré comme « durable » d’un point de vue environnemental et social ainsi qu’un cadre et des principes pour évaluer les activités économiques. Les entreprises seront dès la fin de l’année 2022 forcées de publier les informations concernant leur bilan carbone sur leurs sites. La Commission a mis à disposition des investisseurs une structure standardisée pour les aider à trouver les projets qui leur conviennent.

4. Comment cette taxonomie verte est-elle définie ?

Pour travailler à la définition des seuils de cette taxonomie et d’un vocabulaire commun, un groupe technique de 35 experts issus de grandes banques, de compagnies d’assurances, de places boursières, de groupements d’intérêts ou lobbies, de think tanks, d’universités et d’ONG a été monté par la Commission européenne. En mars 2020, un rapport couvrant 70 secteurs d’activité économique représentant 93 % des gaz à effet de serre émis sur le territoire de l’Union a été publié afin de définir précisément les seuils d’émissions en-dessous desquels les activités économiques sont considérées comme vertes.

Un indicateur et un chiffre clé sont proposés : seules les activités émettant moins de 100g de CO2 par kWh entrent dans le cadre de la taxonomie verte. Un seuil qui exclut de fait les secteurs liés aux combustibles fossiles solides — tel que le charbon — mais aussi le gaz et le nucléaire. Ce seuil d’émission carbone a vocation à être redéfini tous les trois ans en fonction des évolutions technologiques et climatiques.

5. Quels sont les critères retenus pour la taxonomie verte européenne ?

Pour prévenir l’éco-blanchiment — ou greenwashing, le Parlement européen a adopté un règlement en juin 2020.

Les activités bénéficiant de ce label doivent contribuer au moins à l’un des six objectifs de la finance verte sans porter atteinte aux cinq autres :

  1. atténuer le changement climatique
  2. s’adapter au changement climatique
  3. faire un usage durable des ressources d’eau
  4. participer à l’épanouissement de la biodiversité
  5. respecter les règles de l’économie circulaire et le recyclage des déchets
  6. prévenir et contrôler les risques de pollution

A cette première catégorie s’en ajoutent deux autres, plus extensives, rentrant dans le cadre de la taxonomie verte :

  1. les activités de transition pour lesquelles il n’existe pas de solution de remplacement bas carbone, mais dont les émissions de gaz à effet de serre correspondent aux meilleures performances du secteur, et qui s’inscrivent dans une trajectoire de décarbonation.
  2. les activités habilitantes, qui produisent de fortes émissions carbone mais permettent le développement de secteurs durables (qui permettent par exemple de fournir les composants ou les combustibles nécessaires à certaines filières

Concrètement, cela signifie qu’une activité économique émettant plus de 100g de CO2 par kWh peut être intégrée à la taxonomie verte, si elle vient en remplacer une autre au bilan carbone plus élevé encore. Cette définition inclut donc également les activités économiques dites “transitoires et favorisantes”, soit des “activités qui ne sont pas compatibles avec la neutralité climatique mais qui sont considérées comme nécessaires dans la transition vers une économie neutre en carbone”, précise le Parlement européen. Une nuance d’importance.

6. Quelle est la principale critique ?

Le périmètre de la taxonomie continue ainsi à faire débat et fait l’objet de critiques de la part de 130 ONG, qui ont publié un rapport dénonçant l’influence de plusieurs secteurs industriels et énergétiques.

Ce rapport insiste particulièrement sur l’impact du secteur gazier, dont certaines entreprises sont susceptibles d’être ainsi intégrée dans la taxonomie verte au titre des activités de transition quand il remplace un système de chauffage urbain ou une installation de cogénération [un moteur qui produit simultanément de l’énergie et de la chaleur] qui émet plus de carbone encore (comme le charbon). La Commission européenne doit également composer avec la pression politique exercée par les Etats membres. 10 d’entre eux, dont la Pologne, poussent pour que le gaz soit considéré comme combustible de transition.

Dans un contexte de hausse généralisée des prix de l’énergie, la question de l’intégration du gaz et du nucléaire dans cette taxonomie fait débat entre les Etats membres. Dans une lettre adressée à Bruxelles, Paris, Bucarest et Varsovie ont également souligné “l’indispensable contribution (du nucléaire) pour combattre le changement climatique”.

7. Quels autres points de la taxonomie sont sujets à débat ?

Energie issue de la biomasse :

alors que la Commission souligne elle-même les limites de l’énergie issue de la biomasse, ses actes délégués l’incluent parmi les énergies intégrées à la taxonomie verte.

Installations hydrauliques :

alors que les experts techniques indiquaient que les installations hydrauliques produisant moins de 10 MWh devaient être exclues de la taxonomie car le rapport coût environnemental/bénéfice énergétique était insuffisant, les actes délégués de la Commission n’ont pas suivi cette recommandation.

Gestion des parcs forestiers :

bien que le rapport préconisait de ne pas toucher aux arbres pendant 20 ans au moins, cette recommandation n’est pour l’instant pas retenue.

Transport :

Les actes délégués omettent la recommandation d’interdire le transport d’eau par des véhicules émettant plus de 50g de CO2 par kilomètre, pourtant inscrite dans le rapport des experts. Ils fixent également une réduction de 50 % de la consommation d’essence pour le transport d’eau, au lieu des 85-90 % évoqués dans le rapport d’expertise.

Hydrogène :

Les textes de la Commission ne précisent pas non plus les différences d’impact environnemental entre l’hydrogène produit à partir d’énergies fossiles et l’hydrogène vert.

Définition d’une taxonomie brune

consistant à définir le champ des activités économiques accélérant le réchauffement climatique. Cette initiative, soutenue par les ONG de défense de l’environnement, est également portée par la Banque centrale européenne. La Commission européenne doit pour sa part produire un rapport sur la question.

8. Quel sera l’impact de la taxonomie verte européenne ?

  • Pour le secteur privé, cette classification et ces informations rendues publiques ont plutôt pour objectif de tracer les flux d’argents investis dans l’économie réelle afin de mesurer leur impact environnemental. Il s’agit de parvenir à favoriser les investissements bénéfiques à la planète au détriment de ceux qui lui sont nocifs et, au final, de promouvoir une finance « verte ».
  • Pour les Etats, la définition de cette taxonomie verte pourrait revêtir un enjeu financier, notamment si les aides européennes venaient à ne concerner que les activités économiques et les énergies rentrant dans le cadre de cette taxonomie.

9. Qu’est-ce que le projet d’Ecolabel ?

L’utilisation de labels peut permettre d’améliorer la lisibilité de certains produits financiers, notamment à destination des investisseurs particuliers. Le projet d’Ecolabel consisterait à labelliser des fonds dont les investissements sous-jacents contribueraient aux objectifs environnementaux précisés dans la Taxonomie européenne. Un « score Taxonomie », ou d’alignement avec la Taxonomie, serait calculé au niveau du fonds à l’aide de la part de financement des sociétés dont le chiffre d’affaires ou les dépenses d’investissement seront considérés comme « durables » par le Règlement Taxonomie. Ce label a donc le potentiel de permettre à un fonds l’obtenant d’afficher de façon lisible sa contribution à la « durabilité » telle que définie par la Taxonomie. La publication finale de l’Ecolabel pour les produits financiers à destination des particuliers est prévue prochainement.

Il est possible de consulter les propositions actuellement sur la table de cet Ecolabel dans le 4ème rapport technique de cet Ecolabel :

10. Quand sera appliquée la taxonomie verte européenne ?

En juin 2020, le Parlement européen a adopté un règlement définissant cette taxonomie, lequel devrait entrer en vigueur en deux temps. D’abord partiellement, à la fin de l’année 2021, puis totalement, au début de l’année 2023.