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Des affirmations erronées noyées dans de la vulgarisation Attention, une généralisation peut cacher de grosses erreurs

Alors que le vaccin à ARNm inquiète beaucoup de monde, sur la base de méconnaissances de la biologie, des personnalités de tout bord s'expriment pour essayer de faire de la vulgarisation sur ce sujet.

Mais attention : cela ne veut pas dire que toutes savent de quoi elles parlent. Démonstration avec les déclarations de Christian Velot, pour le Criigen.

Les 7 premières minutes :

Elles sont consacrées à une vulgarisation rapide autour de l’ADN, l’ARN et les protéines, et comment ils sont produits. Le modèle implicite est la cellule « eucaryote » celle avec plusieurs compartiments cloisonnés par des membranes. Le compartiment essentiel est le noyau, c’est celui qui contient les chromosomes (faits d’ADN). Il est dommage d’avoir totalement évité ce point qui va pourtant s’avérer essentiel par la suite.

Dire qu’on fait de l’ARN à partir de l’ADN (transcription), et des protéines à partir de l’ARN (traduction) est tout à fait correct. Néanmoins, il est important de préciser que ces différents évènements ne se produisent pas n’importe où (sauf chez les organismes «procaryotes » comme les bactéries qui sont dépourvues de noyau).

La transcription a lieu dans le noyau, et les ARNs sont « évacués » vers le cytoplasme où va se tenir la traduction. Les cellules ont par ailleurs des systèmes d’alerte qui doivent empêcher l’ARN d’aller du cytoplasme vers le noyau mais également à l’ADN d’aller du noyau vers le cytoplasme. Certains virus se sont fait un plaisir de court-circuiter cette sécurité, mais c’est une autre histoire.

De 07'59 à 09'50, voici un aperçu des différents génomes viraux

Sans vouloir pinailler le moindre détail, une grande impasse est de nouveau faite sur le « où ? ».

Christiant Velot reste très vague, et fini d’ailleurs par dire quelque chose de factuellement faux puisque selon lui la multiplication des génomes viraux à ADN ou à ARN est la même :

à 09:18 : « et on tombe dans le même schéma que celui que je viens de décrire pour les virus à ADN. »

Dans la réalité :

  • Les virus à ADN vont aller se multiplier dans le noyau des cellules qu’ils infectent et faire transcrire leur génome par l’hôte toujours dans le noyau (excepté pour les poxvirus qui font tout dans le cytoplasme). Les ARN viraux vont ensuite aller dans le cytoplasme pour permettre la production des protéines virales, et l’ADN viral quittera le noyau en ayant berné la sécurité de la cellule.
  • Les virus à ARN n’ont pas ce problème, ils vont pouvoir se multiplier et se transcrire dans le cytoplasme sans avoir besoin de passer par le noyau. Une exception de taille est la famille des rétrovirus, qu’on va laisser de côté pour l’instant.

De 09'51 à 17'03, les différents principes vaccinatoires "classiques"

Une fois de plus, le discours est globalement correct, même s’il commence à semer quelques graines d’angoisse :

12:21 : « (…) il faut potentialiser l'effet immunogène à l'aide d'adjuvants qui sont par exemple des sels d'aluminium, du formaldéhyde, et qui ne sont pas forcément des molécules sympathiques »

Premier point, le formaldéhyde n'est pas un adjuvant. C'est un résidu de fabrication. Et si Christian Velot s'était réellement "penché" sur le formaldéhyde, il aurait vu que c'est une molécule indispensable pour notre organisme.

Deuxième point : l'aluminium, présenté une fois encore comme "peu sympathique", alors que les doses présentes dans le vaccin sont minimes par rapport à ce qu'on consomme tous les jours, et que notre organisme l'élimine.

Il devient également un peu fantaisiste dans certains cas. L’exemple des souches virales mutantes thermosensibles est savoureuse de ce point de vue.

Quand on connaît le domaine de compétence de Christian Velot (il est enseignant chercheur en génétique moléculaire) on n’est forcément pas surpris, les généticiens A-DO-RENT les mutations thermosensibles, si pratiques à suivre et sélectionner ! Ces mutations donnent en effet des protéines qui sont stables à une température donnée, mais qui sont inactivées par un changement de température. C'est étudié, par exemple, pour essayer de mettre au point un vaccin contre le virus de la grippe.

Dans le cas des virus, cette méthode d’atténuation est tout à fait anecdotique (elle concerne deux virus) et de fait on préfère largement l’atténuation par passages en cultures successives sur différents types cellulaires.

On notera d’ailleurs, que ces souches atténuées (dites souches vaccinales) sont plutôt stables, la souche vaccinale de la Fièvre Jaune a été développée dans les années 1930, celle de la rougeole il y a plus de 40 ans … Preuve s’il en est que tous les virus (même ceux à ARN) ne mutent pas comme des malades !

Ni virologie ni la vaccinologie ne sont des champs de compétences de Christian Velot. On découvre alors la notion de « virus pas assez atténué » (13:42) qui exclurait de fait qu’on puisse vacciner les personnes immunodéprimées. Sauf que non, s’ils doivent suivre des protocoles distincts du reste de la population, ils sont néanmoins vaccinables, à l’exception notable du BCG qui est un vaccin bactérien et pas viral.

De 17'10 à 20'55, Christian Velot fait un tour d'horizon des vaccins en développement contre la Covid.

Les vaccins inactivés (VI) développés en Chine, qui amènent deux commentaires surprenants :

"On ne peut pas dire que cela ait été très prudent"

(début de vaccination de masse sans phase 3, NDLR) à 18:05 immédiatement tempéré par :

« Mais ce sont des vaccins qui s'appuient sur une technologie déjà utilisée auparavant »

(18:30) ce qui suggère que ne pas respecter les processus n’est pas très grave si on utilise une technologie ancienne.

Les vaccins à protéines recombinantes. Ceux-là vont conduire notre pourfendeur d’OGM à un curieux exercice de rétropédalage. Lorsqu’il avait présenté cette technique pour d’autres vaccins, il semblait trouver cela tout à fait acceptable (c'est déjà utilisé, notamment pour le vaccin contre l'hépatite B).

Oui mais là, on parle de COVID, et le vocabulaire employé s’en trouve immédiatement affecté :

« Medicago fait le pari de la protéine de la capside,et donc produit dans des cellules de plantes qu'on appelle des cellules transgéniques » .

Le mot est lâché (5 fois en 30 secondes !). La transgenèse ça fait peur forcément ! Tant qu’il s’agissait de levures, bactéries ou cellules en cultures Christian Velot parlait de « protéines recombinantes » … qui sont pourtant bien produites grâce à un transgène !

De 21' à 22'23, on entre enfin dans "ce qui fait peur"

« Il y a une nouvelle génération de vaccins qui arrive dans le cas de la covid-19. Ce sont ce qu'on appelle les vaccins génétiques. »

Et là, ça se gâte. On entre clairement dans une rhétorique de peur :

« Les vaccins génétiques consistent à injecter dans les cellules de la personne à vacciner, non pas le virus entier, non pas une protéine du virus, mais le matériel génétique du virus ou en tout cas une partie de ce matériel génétique ».

Alors, déjà rassurez-vous rien ne sera injecté DANS vos cellules directement (pas plus que pour les autres procédés vaccinaux). Mais surtout … que se passe-t-il quand vous êtes infecté par le virus, ou vacciné par une forme atténuée ? C’est TOUT le matériel génétique (accompagné des protéines virales) qui se retrouve dans vos cellules !

Finalement, le bon sens devrait faire penser qu’un bout « tout nu » de matériel génétique de virus c’est quand même moins grave qu’un virus complet !

De 22'23 à 29'50, la confusion s'installe

On va passer des vaccins ARN aux vaccins ADN puis de nouveau ARN, systématiquement associés à des mots perçus comme anxiogènes par le public :

« nanoparticules de graisse » alors qu’on aurait pu dire liposomes minuscules (c’est le même principe, seule l’échelle de taille varie).

On passe ensuite aux vaccins à ADN (Spoutnik et AstraZeneca) tous deux basés sur une technologie exploitant un adénovirus pour véhiculer le gène de spike-cov. On a droit au passage à un grand moment d’étymologie pour les nuls, puisque Christian Velot nous explique doctement :

« Ce virus recombinant est un adénovirus. C'est quoi un adénovirus ? Comme son nom l'indique, c'est un virus à ADN »

ce qui est totalement faux, mais assez drôle pour un public averti (le mot est en fait construit avec adéno (« glande ») et virus car ce type de virus a été découvert dans les amygdales qui sont des glandes). Inutile de préciser que les Adénovirus ne sont pas les seuls à utiliser l’ADN comme matériel génétique !

On va avoir une présentation de type « bisounours » de ce qu’est un adénovirus, provoquant des « petits rhumes » (comme certains coronavirus donc !) :

« Alors ce n'est pas un virus très méchant, hein ! »

(26:04). Allez donc voir comme ce petit virus tout mignon ne ferait pas de mal à qui que ce soit !

Bref, cessons d’être sarcastique et revenons aux propos de Christian Velot. Il va donc nous expliquer comment on peut cloner de l’ARN dans de l’ADN. On ne peut pas … et il nous explique alors comment on pratique : grâce à la Réverse Transcriptase (RTase), une enzyme de rétrovirus qui permet de produire de l’ADN à partir d’ARN. Il a raison, mais en fait il est peu probable que ce soit la méthode utilisée…

Pourquoi ? Si on prend de l’ARN de SARS-Cov qu’on rétrotranscrit, on aura certes un « gène » clonable dans un adénovirus, mais on n’aura pas forcément la bonne séquence … parce que cette RTase n’est pas super fidèle (elle fait des erreurs). Donc on est plus futé depuis une bonne dizaine d’années, on fait synthétiser le gène qu’on veut cloner. Ca marche extrêmement bien, c’est très rapide et pas vraiment cher. L’avantage supplémentaire est qu’on peut « optimiser » ce gène pour qu’il ait tous les signaux qui permettront à l’ARN produit d’être bien exprimé, stable et bien traduit.

Donc pourquoi parler de RTase ? En fait, parler RTase c’est parler de rétrovirus, et c’est fort utile pour la suite, surtout si on veut inquiéter l’auditeur.

De 29'50 à 36'31 : entrons - enfin - dans le vif du sujet

On entre enfin dans le vif du sujet avec la question :

« Alors maintenant quelles sont les questionnements nouveaux et les risques nouveaux potentiels que cela engendre ? ».

Ne nous méprenons pas, on est face à une méthode récente, qui mérite qu’on se pose des questions de biosécurité, particulièrement quand on compte vacciner l’humanité. Et les points à envisager sont nombreux. De là à choisir un scénario mal maitrisé de biotechno-fiction, il y avait de la marge.

Le premier vaccin qui fait les frais de l’opération c’est celui basé sur un Adénovirus.

Selon Chrisitian Velot, c’est un vaccin ADN, donc il peut s’intégrer directement dans notre génome et ça va être terriblement dramatique. La preuve ? il a été utilisé en thérapie génique sur des enfants et ça s’est terminé par des cancers. Il ne sera pas plus précis sur cet exemple, ce qui est bien dommage :

Soit, il n’a rien compris à l’essai thérapeutique dont il parle, soit il ne le connait pas du tout, soit il ment. C’est factuel. L’essai thérapeutique dont Christian Velot parle sans jamais le citer précisément est celui qui a été mené par l’équipe du Pr Alain Fischer à l’hôpital Necker. Il n’était pas basé sur une technologie adénovirus (qui était à l’époque sous le coup d’un moratoire comme outil de thérapie génique) mais sur un rétrovirus bidouillé.

Cet essai visait à proposer une thérapie permettant à des enfants condamnés (les bébés ou enfants bulle) de pouvoir survivre. Les enfants traités ont fait plus que survivre, puisqu’à l’exception dramatique de deux décès, 18 des 20 enfants traités par cette méthode sont toujours en vie avec un système immunitaire fonctionnel (malgré le développement d’une leucémie pour certains). Bref, il est très facile de trouver cette information en demandant gentiment à Google, ou lorsqu’on est enseignant chercheur à PubMed. Il aurait donc du le savoir.

Malheureusement, raconter l’histoire telle qu’elle s’est passée ne permettrait pas de remettre en cause certains vaccins contre la COVID. D’autres exemples d’immunotoxicité des adénovirus sont également abordés, que nous n'avons pas le temps de vérifier. En revanche, il y a effectivement un risque immunotoxique lié à l’utilisation d’Adénovirus, qui avait d’ailleurs conduit au moratoire que nous avons évoqué.

De 36'31 à 42'23 La technologie du vaccin à ARN

Christian Velot s’intéresse enfin au vaccin ARN, et nous explique pourquoi cette technologie est dangereuse :

« c'est le risque de recombinaison virale »

commun selon lui aux vaccins ARN et ADN, ce qui semble un peu surprenant. L’explication avancée c’est qu’ :

« Il se trouve que les virus adorent échanger du matériel génétique entre eux. » et que la recombinaison est « particulièrement efficace, exacerbée, chez les virus ».

Il parle des évènements de recombinaison génétique qui se produisent en effet dans nos cellules (rarement mais cela existe) entre deux ADN homologues et plus rarement en cas de panique sur le front de la réparation de l’ADN entre fragments non homologues. Et parfois en effet ça peut faire mal.

Chez les virus, la situation est un poil plus compliquée selon qu’on parle de virus à ADN ou à ARN (pour hyper simplifier).

L’exemple que Christian Velot retient est pile celui qu’il aurait dû éviter !

Il prend comme exemple le cas du virus de la grippe (Influenza). Sauf que c’est un cas particulier, on ne parle d’ailleurs pas de recombinaison dans ce cas. Le génome d’Influenza est composé de 8 ARNs (qui font fonction de chromosomes), et seuls les 8 ARNs pourront être emballés dans la particule virale. Parfois, on a une double (ou une triple) infection qui va conduire deux virus Influenza différents à devoir se multiplier dans la cellule. Imaginons qu’on ait dans la même cellule du H3N1 et du H1N2, lors de l’emballage, on peut se retrouver avec du H3N1, du H1N2, du H3N2 et du H1N1...

… et là c’est la panique, car H1N1 c’est le virus qui a causé l’épidémie de grippe espagnole et qu’il fait des ravages chez l’homme.

Bref, rien à voir avec la recombinaison au sens cellulaire, juste un problème de distribution aléatoire.

Oui mais H1N1 ça fait peur, c’est la plus grosse pandémie depuis le début du XXème siècle, c’est ce qui a mis le pays sur les dents en 2009, bref, ça parle à l’imaginaire collectif.

C’est ce risque qu’il va donc vouloir transposer au vaccin ARN : selon lui, si on est vacciné par cet ARN et qu’on est infecté par un autre virus, alors ils vont recombiner et créer un virus recombinant hyper dangereux. Oui une double infection est toujours possible, mais les virus ont une furieuse tendance à ne se mélanger qu’entre virus de la même famille. Le risque sera par exemple non négligeable avec un autre coronavirus.

Mais ce risque existerait également si on est co-infecté par deux coronavirus ! Il serait même supérieur puisqu’on aurait affaire aux deux génomes complets au lieu d’un génome plus un petit bout trafiqué de l’autre génome. Ainsi l’ARN viral est composé des bases A, C, G, U mais le vaccinal est composé des bases A, C, G et Psi (pseudo-U). La pseudo U est très bien lue par les ribosomes, mais pas par les polymérases. Le risque de recombinaison est donc excessivement faible.

Christian Velot va finir en tentant d’évaluer ce risque. Il considère qu’un évènement de recombinaison se produira entre 1 fois sur 10 millions et 1 fois sur 100 millions. Il estime de fait que cet évènement sera obligatoirement générateur d’un « super virus », et qu’on aura une population « pure » de virus mutant (100% des virus produit par un humain seront identiques).

C’est très largement surévalué, mais gardons ses valeurs. A l’échelle planétaire, ça nous donne quoi ? Si on considère que nous sommes 7 milliards d’individus sur Terre, on parle de 70 à 700 personnes concernées par ce super virus-de-la-mort-qui-tue.

Ce n’est pas négligeable, surtout s’ils ne sont pas détectés … mais c’est très improbable. Et surtout, ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi cet évènement ne se produirait qu’avec de l’ARN vaccinal et pas plus simplement par acquisition d’une mutation dans un ARN viral ?

Ce risque, de plus, est à comparer au risque actuel de mourir de la Covid. Risque qui est actuellement d’un mort sur 2000 personnes, soit ramené à l’échelle mondiale 3 millions de morts !

C’est justement ce qu’on appelle la balance bénéfice / risque … 700 morts contre 3 millions !

De 42'23 à la fin

Christian Velot nous offre une sortie de secours en rappelant que justement les essais thérapeutiques sont là pour éliminer ce genre de situation.

Sauf qu’il nous explique que :

« Aujourd'hui on a des tests de phase III qui sont particulièrement courts et qui sont donc de fait, insatisfaisants. Quand bien-même nous ferions de véritables tests cliniques de phase III comme il se doit, c'est-à-dire sur plusieurs années, avec des énormes effectifs, on n'aura jamais les effectifs suffisants pour apprécier un tel risque, c'est vrai ! ».

Et sur ce tout dernier point il a raison mais ce n’est pas le but d’un test de phase III ! La vaccination de la population mondiale, c’est de la phase IV, et lorsque le risque d’avoir un problème vaccinal dépasse le risque d’attraper la maladie (aussi mortelle soit-elle) alors on arrête de vacciner. C’est exactement ce qui s’est produit avec la vaccination anti variolique !

Revenons néanmoins sur le début de son argument. Les tests ont été particulièrement courts. Les effectifs n’étaient pas assez nombreux. Oui la durée du test a été courte, justement parce qu’on avait un très gros effectif (une cohorte) et que nous sommes en pandémie. C’est-à-dire qu’après vaccination on va très vite se retrouver face au virus, et qu’il sera donc facile de vérifier son efficacité très rapidement. Paradoxalement, c’est ce délai très court et cet effectif énorme qui sont les garants des résultats obtenus par les différents fabricants de vaccins !

Les dernières minutes de cette causerie au coin du feu se résument très vite :

C’est terrible, c’est nouveau, c’est trop rapide. Christian Velot est bien trop intelligent pour déconseiller la vaccination, et comme tout manipulateur le sait, il est bien plus efficace de vous laisser tirer vous-même les conclusions qui s’imposent ….

Rien de bien neuf donc dans la tactique des opposant à la vaccination.