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L’accès aux services publics Rapport | Octobre 2020 | CÉSECÉM

1) LES TRANSPORTS SUR LE TERRITOIRE DE MARTINIQUE

RAPPEL

Depuis des dizaines d’années, et malgré de constantes tentatives d’amélioration, l’organisation des transports proposée à la population ne répond pas aux attentes des Martiniquais. Plusieurs problématiques sont à signaler :

  • Les infrastructures routières publiques n’ont pas suivi la croissance du parc de véhicules du pays, de sorte que les difficultés globales sont marquées par un engorgement systématique du réseau routier, notamment dans les centres urbains et certains grands carrefours de jonction intercommunales.
  • La faiblesse et l’inadéquation de l’offre en transports collectifs a entraîné une prééminence de la voiture individuelle, en particulier pour les habitants éloignés de leur lieu de travail ou d’éducation.
  • Le dispositif global a été marqué, jusqu’à une période récente, par une offre privée prépondérante à travers le réseau terrestre de taxi collectif, les services d’entreprises privées titulaires d’une délégation, ainsi que les prestations de transport maritime principalement entre Fort-de France et la commune des Trois-Îlets.

SITUATION ACTUELLE

En 2020, la question qui nous préoccupe se pose dans ces termes : les usagers des transports publics ont-ils un accès satisfaisant aux services publics, au regard des infrastructures disponibles, des dispositifs mis en place, de l’organisation générale des transports, et des besoins domestiques et professionnels de la population ?

Il convient des distinguer les catégories d’usagers qui ont rencontré au fil du temps le plus de difficultés pour bénéficier d’un accès satisfaisant aux transports sur le territoire de Martinique :

  • Les habitants et famille à faible pouvoir d’achat, ne pouvant faire l’acquisition d’un véhicule
  • Les personnes âgées, notamment isolées
  • Les scolaires
  • Les jeunes à la recherche d’un emploi ou bénéficiant d’un contrat d’alternance ou d’insertion, dans une entreprise et une structure scolaire éloignées de leur domicile
  • Les professionnels recherchant l’efficacité de leurs déplacements
  • Les usagers sans véhicule personnel, recherchant des activités en soirée et le week-end
  • Les visiteurs (touristes) désireux de se déplacer en dehors des trajets habituels

Les dysfonctionnements du transport, marqué par un enchevêtrement de compétences, et le déséquilibre territorial, constitue un obstacle à l’accès des usagers au service public, à l’économie globale et à une répartition homogène des activités sur le territoire.

Toutes ces raisons et en particulier les protestations répétées de la population, ont entraîné récemment un certain nombre de décisions des autorités, sachant que le transport relève de la responsabilité locale. Cette capacité a été mise à profit par exemple sur le territoire de la commune du Gros-Morne par la mise en œuvre du service inter-quartiers Trasla en 1999.

La Collectivité Territoriale de Martinique assure le fonctionnement du transport scolaire. Néanmoins, le contrôle du secteur par des compagnies privées y compris pour le transport maritime, et des indépendants des taxis collectifs sous le régime artisanal, non organisés et peu formés n’a pas permis d’obtenir la satisfaction des usagers, en dépit d’un embryon d’organisation avec la création de la gare multimodale de la Pointe Simon de Fort-de-France par le Conseil Général.

Les artisans-taxi fonctionnant dans le respect des procédures et sous contrôle notamment de la Préfecture ont, pendant quelques décennies, assuré une prestation de qualité discutable, avant de se retrouver en conflit quasi permanent avec les autorités pour revendiquer des droits compte tenu de leur disparition annoncée, créant ainsi, de nombreuses perturbations dans le service à la population, par des grèves et mouvements sociaux importants.

Dans le but d’harmoniser le secteur et l’offre globale, depuis le 1er janvier 2017, l’établissement public « Martinique Transports » est l’autorité organisatrice de transport unique (AOTU) pour l’ensemble du Territoire, se substituant à toutes les autorités organisées, EPCI, transports scolaires compris, et disposant d’un budget spécifique.

EVOLUTIONS

Dans le cadre de cette approche fédératrice visant à terme un fonctionnement organisé et contrôlé par l’autorité unique du transport, on note en juillet 2020 la répartition territoriale suivante :

Zone centre (CACEM)

La délégation attribuée auparavant à la Compagnie foyalaise des transports urbains (CFTU) gestionnaire du réseau Mozaik, gestionnaire du réseau Mozaik, est arrivée à échéance le 31 juillet 2020). Le réseau comprend 61 lignes d’autobus (31 pour Fort-de-France, 6 pour Schoelcher, 10 pour St Joseph, 14 pour le Lamentin),

2 lignes TCSP entre Fort de France et le Lamentin

Zone Sud (CAESM, Espace Sud)

Le réseau Sud Lib, composé de 63 lignes desservant 12 communes et 8500 scolaires.

Zone Nord

Nord Atlantique :

Depuis le 1er janvier 2014, la Communauté d’Agglomération du Pays Nord Martinique a récupéré les 3 Délégations de Service Public (DSP) gérées jusqu’au 31 décembre 2013 par les communes :

  • Gros-Morne : 1er Mars 2013 - 31 décembre 2017 (Titulaire Compagnie Antillaise de Déplacements),
  • La Trinité : 1er juillet 2006 - 31 Juillet 2014 prolongée par avenant jusqu’au 30 décembre 2018 (Titulaire Compagnie de Transport de la Caravelle et du Nord),
  • Le Lorrain : 1er Janvier 2013 - 31 décembre 2014 (Titulaire TPL). Depuis le 5 janvier 2015 (Titulaire Groupement de transport BONIFACE et EFCTRANS)

Des coopératives ont été mises en place en 2020 par l’autorité du transport, en fédérant les anciens artisans-taxi

  • Pour le Nord Atlantique, 3 coopératives, 6 lignes depuis janvier 2020
  • Pour le Nord Caraïbe, organisation du service par 2 coopératives, 10 lignes depuis de juillet 2019

Au total sont en service plus de 150 lignes auxquelles il faut ajouter celles du le transport maritime « Vedettes Tropicales », soit 5 lignes desservant la liaison Fort de France/trois Ilets, et Fort de France/Case Pilote

EVALUATION

En dépit du passage au dispositif de Martinique Transport, la situation n’a pas changé gobalement dans la zone centre pour un usager du quotidien, les interruptions de service, mouvement de personnel, défaillances techniques, ce qui confirme l’avis exprimé sur la fragilité et la vulnérabilité de l’offre.

Notre étude abordant la problématique de la satisfaction de la population sur une période donnée, Nous n’entrevoyons pas pour l’instant une prestation globalement satisfaisante en matière de transports publics.

Concernant le réseau intercommunal, si les avancées sont constatées dans le maillage territorial, les milliers de martiniquais souhaitant se déplacer au départ de la gare des taxis collectifs de la Pointe Simon à Fort-de-France, rencontrent toujours d’importantes difficultés de transport.

Cette décision de reprise en main de l’organisation du transport sur la zone CACEM par M.T. est le résultat des divergences entre l’exploitant CFTU et l’Autorité du Transport compte tenu de la gestion déficitaire, des dysfonctionnements nombreux entraînant un service dégradé, marqué par un climat social souvent perturbé, ainsi que l’obsolescence d’une partie du matériel.

Les usagers ont souffert en 2019 de 90 jours sans service de transports dans le centre de la Martinique, avec 40 lignes fonctionnant en moyenne sur 61. En 2020, les interruptions de service ont été nombreuses, indépendamment des effets de la crise sanitaire.

Pour comprendre le mécontentement de la population, Il faut aussi rappeler les conséquences des dépenses spécifiques liées au choix du TSCP eu égard aux autres possibilités proposées il y a près de 20 ans (monorail, etc..) qui étaient proposées comme moins coûteuses, du coût économique et humain liés aux retards accumulés.

Malgré le maillage actuel s’appuyant sur un nombre de lignes apparemment important, on peut rappeler les motifs de l’insatisfaction globale du public, hors transports scolaires :

  • Interconnection insuffisante entre les réseaux
  • Irrégularité dans les horaires
  • Confort des véhicules notamment des artisans-taxi, et accessoirement l’empreinte carbone du dispositif
  • Manque de formation des agents en termes de relation client
  • Différenciation des tarifs
  • Limites de la desserte TCSP
  • Insuffisance de la desserte maritime sur le littoral martiniquais
  • Impact sur l’accès aux loisirs et à la culture, en particulier pour les familles et groupes sociaux défavorisés
  • Importance des perturbations liées aux revendications des salariés

OBSERVATIONS ET PRECONISATIONS

Une association s’est créée : L’association de défense des usagers du transport de Martinique (AUTM) ; elle intervient régulièrement pour défendre l’intérêt des usagers. Il conviendrait de favoriser systématiquement la parole citoyenne sur la question.

Les études préalables et l’analyse de l’existant, ont permis à l’autorité du transport de présenter des projets pour améliorer les transports publics :

  • Extension du TCSP vers le centre du territoire (Robert), et vers le sud (Rivière Salée, Marin)
  • Création d’un transport par funiculaire entre Fort de France et Schoelcher

L’Autorité du transport a mis en place de nouvelles mesures :

Pour le centre du territoire :

  • Le redémarrage du service de transport urbain à partir du 1er août 2020, 3 entreprises martiniquaises ayant répondu à l’appel d’offres, et exploitant des véhicules récents et contrôlés de moins de 10 ans.
  • L’utilisation de nouveaux locaux, la gestion directe de la Régie et établissements techniques du réseau.
  • Le renouvellement du parc d’ici fin 2020, notamment par l’acquisition de 20 bus neufs.

Dans le nord :

  • La continuité de liaison entre 10 communes du Nord atlantique, à des tarifs plus économiques pour l’usager.

Néanmoins, cet ensemble de dispositions ne permet à la population d’obtenir une visibilité suffisante du service public du transport terrestre martiniquais. Cette remise à plat a été rendue possible grâce à une forte implication financière de la Collectivité Territoriale de Martinique dans le budget de Martinique Transport, soit 75 M€ sur 122 M€, les recettes devant permettre d’approcher l’équilibre budgétaire, car les trois communautés d’agglomération (Cap Nord, CAESM-Espace Sud et CACEM) n’apportent qu’ une participation modeste de quelques millions d’euros. Il se pose la question du financement de tous ses projets et de leur programmation, compte tenu des capacités en investissement de la collectivité.

Ce déséquilibre apparent nous interroge sur le modèle économique et les risques possible de difficultés d’investissement et de fonctionnement à l’avenir, sauf à augmenter la participation des EPCI.

On peut aussi se demander si l’Autorité du Transport responsable dispose d’éléments suffisants, telles que les conclusions d’enquêtes auprès de la population sur la question du transport, afin de s’adapter au mieux aux besoins du public.

Il paraît souhaitable, dans l’optique de l’amélioration de l’accès aux services intégré au projet de développement du territoire, de proposer que l’observatoire du transport renforce son action en s’appuyant sur la participation accrue des associations d’usagers, pour mieux comprendre et analyser les besoins de la population, mutualiser et évaluer les résultats des structures, aborder de manière raisonnée les enjeux de la mutation du service public de transports en Martinique afin d’améliorer l’accès des administrés au service public du transport :

  • Maillage en interconnexion des réseaux
  • Réduction des inégalités territoriales
  • Formation des agents
  • Harmonisation des tarifs
  • Réflexion sur une extension des horaires en soirée et un programme amélioré pour le week-end (faciliter l’accès à la culture et aux loisirs)
  • Éducation à l’impact environnemental du transport

2) ACCES AUX SERVICES PUBLICS

La Martinique est confrontée à un vieillissement rapide et massif de sa population. La part des 60 ans et plus aura plus que doublé entre 2013 et 2030, passant de 17% à 36%. La France hexagonale n’atteindra le taux de 33 % qu’en 2050. En 2050, la Martinique sera «le département le plus vieux de France», avec 42,3 % de la population qui aura plus de 65 ans. Cette situation est « amplifiée par les mouvements migratoires qui privent le territoire d’une partie de sa population jeune, partie étudier ou vivre en France hexagonale, alors qu’en sens inverse certains qui ont fini leur carrière rentrent au pays y passer leurs vieux jours». Le phénomène est encore accentué par «une précarité économique et sanitaire plus élevée» que dans l’hexagone. Les Martiniquais, comme l’ensemble des ultra-marins sont «en moins bonne santé que la moyenne de la population hexagonale» (surcharge pondérale, AVC, diabète, etc), et atteints par des affections épidémiques que ne connaissent pas les contrées européennes (dengue, chikungunya, zika).

Ces éléments démographiques et socio-économiques mettent en lumière la fragilité d’une partie croissante de la population face à la dématérialisation accélérée des services publics. S’ajoute à cela un usage et un accès moindre à l’Internet en Martinique qu’ailleurs, notamment pour les séniors.

En 2017, 75% des martiniquais de plus de 15 ans disposent à domicile d’un ordinateur et d’une connexion à internet, le plus souvent à haut débit. Cela reste nettement moins élevé qu’en métropole, où 85% des plus de 15 ans ont accès à internet. Mais la situation diffère encore beaucoup plus nettement pour les séniors : plus de la moitié des séniors martiniquais (60 ans et plus) n’a jamais utilisé internet alors qu’ils ne sont qu’un tiers dans ce cas en France métropolitaine, où l’accès aux nouvelles technologies a été plus précoce qu’aux Antilles-Guyane. Cette situation s’explique principalement par le niveau de diplôme qui se révèle un facteur déterminant pour l’accès à l’outil informatique et donc, à internet.

D’autre part, en dehors de l’équipement et de la connaissance de l’outil, il s’avère que seuls 20% des personnes âgées de plus de 60 ans en Martinique et la moitié seulement des 45-60 ans l’utilisent quotidiennement ; alors que chez les jeunes cette proportion atteint 90%.

Le coût et le manque de compétences sont les principaux freins à l’utilisation d’internet.

20% des personnes de 60 ans et plus n’ont pas internet à domicile car ils ne maîtrisent pas l’outil, et 17% parce qu’ils considèrent le coût d’internet comme trop élevé.

Concernant les démarches administratives sur internet, parmi les personnes ayant récemment envoyé un formulaire administratif, 40% des jeunes martiniquais l’ont fait par internet contre 25% des internautes de 30 à 60 ans, et seulement 12% des séniors. Ceux qui évitent d’utiliser internet préfèrent aller sur place plutôt que de téléphoner ou d’envoyer un courrier : c’est le cas de 23% des jeunes et de 19% des séniors.

Parmi les internautes de 60 ans ou plus, 18% déclarent éviter Internet pour des questions administratives car ils ne maîtrisent pas assez l’outil.

Les motifs de connexion à internet par région permettent de distinguer les pratiques martiniquaises notamment de la France hexagonale : les ventes en ligne par internet sont moindres qu’en métropole (12% des connexions contre 25% en métropole) ou la recherche d’informations sur les produits (65% des connexions contre 80%) ou les informations bancaires (55% contre 70%).

Par contre, les connexions relatives à l’emploi sont supérieures à l’hexagone (25% contre 17%), en lien avec le taux de chômage élevé, de même que la recherche d’informations sur la santé (60% contre 50%).

A RETENIR : les besoins d’amélioration de l’accessibilité aux services publics sont très importants en Martinique, de par la structure démographique et socio-économique du territoire. Dans le même temps, Internet en Martinique est d’un usage et d’un accès moindre qu’ailleurs, notamment chez les séniors. Si le degré d’équipement est encore insuffisant, c’est surtout un besoin d’accompagnement dans les démarches administratives en ligne qui se fait sentir.

Pour faire face à ce risque réel de fracture sociale lié à l’accès aux services publics, et au risque avéré de non-recours aux droits d’une partie de plus en plus importante de la population, l’ensemble des pouvoirs publics (Etat, Territoire, EPCI et communes) ont, chacun selon ses compétences réglementaires et législatives, décidés de mettre en œuvre des dispositifs correcteurs, certes encore insuffisants, mais dont l’exemple est susceptible d’être reproduit ou adapté à d’autres territoires ultra-marins, voire hexagonaux (territoires ruraux, de montagne…etc).

En effet, outre les 5 Maisons France Service (ou Maisons de Services au Public) récemment crées ou existant depuis quelques années en Martinique, d’autres dispositifs ont été mis en place qui constituent sans doute une originalité du territoire.

Les 5 Maisons France Service (ou Maisons de Services au Public) sont les suivantes :

  1. MSAP (postale) de Morne-Vert (CA CAP NORD), inaugurée en novembre 2016, dans le bourg, dans un bureau de Poste,
  2. MSAP de Ducos (CA ESPACE SUD), inaugurée en mars 2018 et en activité depuis septembre 2017, dans le local d’une ancienne Cyberbase communale,
  3. MSAP des Anses-d’Arlet (CA ESPACE SUD), inaugurée le 18 juillet 2019, quartier Petite-Anse dans le local d’une ancienne Cyberbase communale,
  4. MSAP du Lorrain (CA CAP NORD) le 26 juin 2019, dans le bourg, dans un bâtiment communal, ancienne antenne de la CGSS,
  5. MSAP du Prêcheur (CA CAP NORD), en septembre 2019, dans le bourg, dans le bureau de Poste.

De plus un certain nombre de bus numériques, certes encore trop peu nombreux compte tenu du territoire à couvrir et de la morphologie de certaines zones qui les apparente à des zones de montagne, sillonnent les quartiers excentrés pour rapprocher les services publics des habitants les plus éloignés des bourgs. On peut citer plusieurs expériences en cours :

Le relais mobile de service public, dénommé Bus +, qui sillonne les douze communes de la communauté d’agglomération de l’Espace Sud. Il se rend au plus près de ceux qui sont tenus à l’écart des usages numériques ou de leurs droits desservant chaque mois différents quartiers. Le rôle des quatre animateurs est d’accompagner les usagers dans leurs relations numériques avec toutes les administrations : Pôle Emploi, Caisse d’allocations familiales, Caisses générales de Sécurité sociale, eau, service des impôts… Ce dispositif a reçu le prix Territoria d’argent en novembre 2017 dans la catégorie Transition numérique.

Le projet de la communauté d’agglomération de Cap Nord qui a, de la même façon, confié à un prestataire spécialisé dans le numérique et les nouvelles techniques de communication, une étude relative à la mise en place d’un projet de services mobiles au public du Nord, accessibles à partir d’un bus qui sillonnera le territoire. Ce dernier permettra aux publics d’avoir accès à internet. Son utilisation sera plus large que l’accès aux services publics et concernera dans son ensemble le désenclavement du territoire par l’accès au numérique pour les ménages du nord.

L’association PSP (Point Services aux Particuliers), créée en 2000, fait partie du réseau national de la Fondation Agir Contre l’Exclusion (FACE). Elle a pour but d’accompagner les personnes dans leurs démarches administratives sur l’ensemble du territoire. Ses permanences gratuites dans le bus « guichet unique », mis à disposition par le PNRM, qui dessert les communes du Nord (Trinité, Robert, Lorrain, Case Pilote, Carbet, Saint-Pierre, Bellefontaine) ont permis d’accueillir, en 2018, 3 019 personnes et accompagner 5 481 démarches d’accès aux droits.

L’expérience du « Justibus » qui, depuis 2006, va à la rencontre de tous les habitants des communes (deux fois par mois pour les plus grosses communes, une fois pour les autres) pour faciliter l’accès au droit, doit être évaluée. 2.700 personnes sont conseillées annuellement grâce au bus, plus 300 dans le QPV (Quartier Prioritaire Politique de la Ville) du Robert et 300 dans le QPV de Sainte Marie. Ce « Justibus » est totalement innovant en termes d’accès aux droits (seul département ainsi pourvu) : présence dans le bus d’un juriste + d’un avocat/ou notaire/ou huissier…

Enfin, la Martinique s’est dotée avec l’appui de la Caisse des Dépôts, au début des années 2000, d’un réseau informel de Cyberbases (une Cyberbase dans quasiment toutes les communes de Martinique, qui, bien que créées pour aider et former le public jeunes à l’internet, assure aujourd’hui déjà en partie les missions des MSAP/MFS.

Travaillant le plus souvent en lien avec le Centre Communal d’Action Sociale, la cyberbase assure l’accès au numérique et l’accompagnement dans les démarches administratives en ligne. Il leur arrive, notamment lors de l’accueil des séniors ou des personnes illettrées ou atteintes d’analphabétisme, de traiter l’ensemble des demandes des administrés, leur but étant d’offrir un guichet unique aux personnes, notamment à celles qui sont les plus éloignées de l’accès aux services publics.

Le réseautage des cyberbases apparaît encore insuffisant, et leurs difficultés financières les handicapent parfois lourdement, notamment quand il s’agit de faire face à l’obsolescence rapide du matériel informatique.

Mais leur existence est un atout important de la Martinique pour la constitution de la chaîne qui permettra d’accompagner les plus fragiles dans l’accès aux services publics dématérialisé, lorsque l’on sait que, sauf retour improbable en arrière, le numérique deviendra de plus en plus la règle et l’intermédiation humaine l’exception.

3) FRACTURE NUMERIQUE

Les inégalités d’accès ne doivent pas être abordées uniquement sous l’angle technique de la couverture numérique ou de l’accès à la connexion, mais également sous celui de l’accompagnement économique et de la formation sur le territoire. Environ 1/5e de la population (75000 personnes) serait éloigné du numérique. Sur un territoire où, de plus, l’illettrisme reste élevé, l’accompagnement de ces populations doit être renforcé.

Cette situation incite la Collectivité Territoriale de Martinique, et ses partenaires, à s’intéresser à l’ensemble des « briques » de l’écosystème numérique martiniquais. La transversalité étant considérée comme la démarche opératoire bénéficiant à l’ensemble de la population, et permettant de soutenir la filière, tout en développant les formations et compétences locales. Son projet public, estimé à près de 160 Millions d’euros, étant de raccorder 100% des martiniquais au Très Haut débit d’ici fin 2022 grâce à la fibre optique.

Ainsi, au regard des nécessités de l’accompagnement, les différents acteurs ont identifié des besoins importants en terme :

  • de financement
  • d’hébergement
  • d’animation territoriale

Actuellement, le socle de dispositifs se heurte encore (pour les acteurs de la filière) à la problématique de la sous-capitalisation. L’une des réponses portées à cette problématique fut la création, d’un « Prêt de développement territorial » lancé par la CTM en 2017. Un projet commun CCIM/CTM viserait, par ailleurs, à la création d’une société d’investissement afin mobiliser et opérer des fonds européens d’investissements.

Mais d’autres faiblesses identifiées de l’écosystème demeurent : notamment le manque d’un incubateur/accélérateur dédié à la filière numérique et la difficulté d’obtention des financements par les entreprises, en dépit de la sous-utilisation des Fonds FEDER sur les lignes numériques.

D’autre part, l’animation renforcée sur le territoire devrait pouvoir bénéficier aux utilisateurs comme aux acteurs de la filière. A cet égard, concernant la problématique des cyberbases, 44 structures avaient été créées pour réduire la fracture numérique sur le territoire, dont 4 d’entre elles gérées par la CTM et les 40 autres par les municipalités. Mais le bilan dressé par la CTM était celui de l’inefficacité socio-économique du réseau, et d’une fracture davantage prégnante dans les usages du numérique, qu’en terme d’équipements et de dispositifs. A travers un Schéma Des Usages et Services du Numériques ainsi que son Schéma Territoriale du Numérique, la stratégie ajustée de la CTM serait donc aujourd’hui de développer l’accompagnement des utilisateurs et des structures (privées comme publiques), en investissant dans la formation et la médiation numérique. Une équipe de médiateurs a été constituée afin de répondre à ces besoins.

La dynamique d’animation s’inscrit également dans la consolidation du programme d’action « Martinique Digitale », porté par trois associations professionnelles : Openit Martinique, #martiniquetech et Mad(e)inTIC. Son plan d’animation à pour objectif d’offrir des points de rencontre réguliers pour les acteurs du numérique, de faciliter la mise en relation entre ces acteurs et les décideurs locaux, et d’assurer des opérations d’animation sur l’ensemble du territoire martiniquais en s’appuyant sur des structures relais (Technopole, Tiers lieux et Espace Public Numérique, MSAP, MFS...).

Ces points d’accès aux services numériques (ou centres de ressources numériques), l’aide à l’emploi et l’accessibilité aux services publics doivent donc être des thématiques prioritaires à soutenir. Aussi, afin d’enrichir et diversifier les services proposés, il faut rappeler la nécessité d’une approche cohérente à l’échelle du territoire. Il s’agirait de prendre en compte également l’évolution des besoins induits par un accroissement de l’équipement des Martiniquais, l’émergence de nouveaux services et usages, afin d’accroître l’accessibilité aux services publics en s’appuyant sur toutes les structures.

Credits:

Inclut des images créées par Bernard Hermant - "untitled image" • Nick Karvounis - "untitled image"