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Un pèlerinage au Tibet Cap sur le mont Kailash avec le photographe Olivier Föllmi

Le photographe Olivier Föllmi vient de publier un superbe livre sur son pèlerinage autour du mont Kailash, la grande montagne sacrée du Tibet.

Olivier Föllmi et Jean-Marc Hullot, Pèlerinage au Tibet. Autour du mont Kailash, Ed. Hozhoni, 260 p. ; 39,90 euros.

Olivier Föllmi, photgraphié par V. Jacquet-Francillon

Pèlerin. Vous qui êtes familier du Tibet, pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour effectuer le pèlerinage du mont Kailash ?

Olivier Föllmi. J’en rêvais depuis 40 ans mais jusqu’ici, l’occasion ne s’était jamais présentée au bon moment : accès au Tibet interdit aux étrangers pour des raisons politiques, coût du voyage dépassant mon budget etc. Ce rêve a pu s’incarner, à l’automne 2016, en compagnie de Jean-Marie Hullot, inventeur de l'Iphone, chez Apple, et ardent lecteur des récits autour de ce « chemin des nuages blancs ».

Ce voyage a-t-il été à la hauteur de votre attente ?

Il l’a dépassée ! A 20 ans, lorsque j’ai abordé l’univers himalayen, le bouddhisme a répondu aux questions métaphysiques que je me posais. Ayant adopté cette philosophie, ce pèlerinage a été un point d’orgue dans mon cheminement.

Le monastère Chiu Gompa au pied du mont Kailash ©Olivier Föllmi

Quelle est l’originalité de ce pèlerinage ?

Pour les bouddhistes, le mont Kailash (ou mont Meru) est comparable à La Mecque pour les musulmans. Il faut y avoir été une fois dans sa vie. Il représente un axe spirituel autour duquel tourne l’univers. Les quatre grandes religions asiatiques : les hindous, les jaïns, les bouddhistes et les bönpos le considèrent comme sacré. Pour les hindous, c’est la demeure de Shiva, pour les bouddhistes, celle de certains bouddhas.

En raison de cette sacralité, on ne gravit pas cette montagne qui culmine à 6714 m d’altitude. Mais on en effectue la circumambulation ou kora. (du latin circum ambulatio, c'est-à-dire « marche autour » consiste à tourner autour d'un symbole ou à l'intérieur de celui-ci. NDLR).

Comment se déroule -t-il ?

Il peut se réaliser en 20 heures de marche, mais la plupart des pèlerins lui consacrent trois jours. Ils s’arrêtent pour prier aux passages les plus sacrés, matérialisés par des drapeaux de prières ou des pierres gravées du mantra Om mani padme hum « hommage au joyau du lotus ». Certains pèlerins, qui se prosternent de tout leur corps tous les trois pas, mettent un mois pour accomplir ce pèlerinage.

Certains pèlerins, qui se prosternent de tout leur corps tous les trois pas, mettent un mois pour accomplir ce pèlerinage.

©Olivier Föllmi

Pourquoi dites-vous qu'en effectuant vos prosternations à Lhassa, vous vous êtes senti « homme, splendidement homme, et divin à la fois » ?

Au milieu des dizaines de pèlerins qui se prosternaient, et dans le murmure de leurs prières, j’ai eu la sensation d’appréhender la beauté de l’homme et sa capacité à se relier au divin. Dans un instant privilégié, j’ai ressenti au plus profond de moi la dimension supérieure qui nous habite et nous transcende.

Chaque instantané me parle d'éternité

©Jean-Marie Hullot

Pouvez-vous expliquez comment la photo représente votre principal support de méditation ?

L’appareil photo est un prisme pour cerner l’essentiel. Méditer, c’est se concentrer sur l’intériorité. Photographier, c’est se concentrer sur l’extériorité tout en s’en imprégnant, ce qui aboutit au même résultat : cadrer une image m’apprend à apprécier l’instant présent et chaque instantané me parle d’éternité.

Je vis la photographie comme une méditation. D’ailleurs, lorsque j’ai pris une photo particulièrement intense, je joins les mains et je me recueille dans le silence. Je peux dire que mon appareil photo a été mon moulin à prières.

J'ai connu un état de transe en m'immergeant dans ce lac glacé.

©Jean-Marie Hullot

Avant d’effectuer le pèlerinage, vous avez fait vos ablutions rituelles dans le lac glacé Manasarovar...

J'ai connu un état de transe en m'immergeant dans ce lac. Face au mont Kailash, on plonge la tête, on se relève, puis on salue les bouddhas du nord ; et on répète ce rituel vers les autres points cardinaux. L’eau du lac est glacée, à couper le souffle, et ce choc thermique aide à entrer en transe. En regagnant la rive, purifié, j'ai eu l’impression d’être sorti de mon corps. C’est l’état du bardo, le « passage entre deux rives ».

Pourquoi écrivez-vous : « Faire le tour du Kailash, c’est partir pour mourir, et accepter de renaître différent » ?

Les deux versants de cette montagne sont appelés « versant de la mort » et « versant de la renaissance ». On monte par le premier : l’ascension est laborieuse, la marche lente. L’esprit travaille, revisite le passé. Au col, couvert de drapeaux de prières, c’est le point focal, celui de la purification. La descente par le « versant de la renaissance » mène à l’exaltation.

Pensez-vous qu'il faut être pratiquant bouddhiste, bön-po ou hindou pour vivre ce pèlerinage ?

Dans un certain sens, oui. Si l’on aborde ce tour du mont Kailash en simple randonneur, on fera juste une belle balade. Mais ce n’est pas la religion qui importe, c’est la disposition d’esprit, le cheminement intérieur. Cette montagne émane d’une énergie si particulière que celui qui l’aborde en pèlerin, quelle que soit sa foi, vivra certainement une expérience extraordinaire.

Un villageois quitte le monastère de Sakya (Tibet central) en faisant tourner les moulins à prières.

©Olivier Föllmi

Vous définissez ainsi le pèlerinage : « Il ne s’agit pas d’aller de lieu sacré en lieu sacré pour adorer des idoles ou des reliques. Il s’agit d’un parcours initiatique, au cours duquel des verrous mentaux se débloquent au fur et à mesure de la pérégrination. »

Dans ces vastes vallées balayées par le vent – et parfois, la neige et la grêle –, on lâche prise.

Giboulées à 4 600 mètres d'altitude, autour du mont Kailash - ©Olivier Föllmi

Si l’on s’implique dans cette démarche, on se laisse façonner par la géographie sacrée des lieux. Au fur et à mesure de la progression dans ces vastes vallées balayées par le vent – et parfois, comme nous l’avons expérimenté en passant le col, la neige et la grêle –, on lâche prise. Plus on avance, plus l’état méditatif prend le dessus. Et bien vite on se laisse transporter par une force qui nous dépasse.

Paldmo, 10 ans, habillée en costume traditionnelle pour fêter le Nouvel An tibétain, région du Kham.

©Olivier Föllmi

Projetez-vous de vous rendre dans d’autres lieux sacrés ?

Étant de culture chrétienne, les chemins de Saint-Jacques m’intéressent, j’y vois des similitudes avec le pèlerinage du mont Kailash. L’automne dernier, j’ai marché du Puy-en-Velay (Haute-Loire) à Figeac (Lot). J’aimerais également retourner à Jérusalem et à Lalibela (Ethiopie), aller à Lourdes, et aussi à La Mecque, mais ce pèlerinage est fermé aux non-musulmans. Tous les lieux sacrés me touchent, par leur propre rayonnement et par l’énergie qui émane des pèlerins. Ce sont des terres privilégiées où souffle l’Esprit. Et dans ces lieux, cet Esprit descend sur la Terre.

Dans la croyance tibétaine, le vent permet aux prières de compassion imprimées sur les drapeaux de rayonner dans le monde entier.

©Olivier Fölmii

Publié par : Gaële de la Brosse

Édité par : Sabine Harreau

Date : 24 octobre 2017

Credits:

Olivier Föllmi

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