Loading

L'oeuvre des enfants à la montagne Fondée en 1893 par Louis Comte.

un touriste qui descendrait la grande rue de Saint-Étienne, un matin des premiers jours de juillet 1908, serait très surpris de voir un grouillement inaccoutumé d'enfants et de femmes sur les marches de l'Hôtel de Ville.
Et s'il demandait à un passant ce que signifie ce rassemblement extraordinaire, il recevrait cette réponse : « Ce sont les Enfants à la Montagne ».
Avant la visite médicale
On lui raconterait que, pendant les mois de mai et de juin, trois fois par semaine, les parents amènent leurs enfants, pour les faire inscrire, dans une salle mise à la disposition par la municipalité, qu'ils payent un droit d'inscription de un franc par enfant et s'engagent à verser, en deux ou trois fois, une cotisation en rapport avec leurs ressources, moyennant quoi, dès les premiers jours d'août, on amène tous ces enfants dans la région du Mezenc pour les redescendre vers le 15 ou le 18 septembre.
On lui dirait encore, à ce touriste, qu'il y a une visite médicale, et que là-haut, dans la grande Salle des Fêtes de l'Hôtel de Ville, dix à douze docteurs auscultent tous ces enfants.
Le lendemain, à 5h30 du matin, rendez-vous devant la gare de Châteaucreux et en route pour Dunières.
Le train y arrive à 8h45 et tout le monde descend.
On case tout ce petit monde dans de grandes diligences, traînées par trois forts chevaux. Les grands montent sur l'impériale avec un surveillant, les petits sont placés dans l'intérieur avec une surveillante.
Rapidement, on sert une soupe au lait....
Les voitures arrivent à destination, les unes après les autres.
Les enfants sont immédiatement remis aux parents nourriciers, car ils sont déjà placés, grâce aux soins de dévoués collaborateurs de la Haute-Loire.
Les enfants restent dans la Haute-Loire jusqu'au 15, 17 et 18 septembre. La perspective du retour n'est guère réjouissante. Ils savent ce qu'ils quittent et ce qui les attend. Ils quittent l'aisance, le bien-être, des pièces vastes et aérées, les bois où ils allaient courir, les vaches et les chevaux et vont retrouver la misère, la pièce enfermée et enfumée, étroite, surchauffée, peut-être le travail pénible dans les magasins et dans les mines.
lettre envoyée par un enfant :

Haute-Loire, le 11 septembre

Chers parents,

« Je vous écris ces quelques mots pour vous dire que le départ est mardi prochain. Vous viendrez m'attendre à la gare de Châteaucreux à 6 heures du soir. Je vous dirai que dès le premier septembre j'ai eu mal aux dents. J'ai été me la faire arracher, cela ne m'a rien coûté. Je n'ai pas versé une seule larme car dès qu'on me l'a arraché, elle ne m'a plus fait mal. J'ai appris à bien manger la soupe. Je bois bien du lait bourru, je mange des pommes-de-terre rondes. Je m'amuse bien, je débaroule les prés, je mange bien du sarasson, j'ai appris à faire le beurre et le fromage, j'ai appris à garder les cochons.

Je vous embrasse bien fort. »

Votre petite fille Juliette H...

Les enfants se sont attachés à leurs parents nourriciers, ils les aiment au point de les appeler « mon oncle », « ma tante » , « maman Une Telle »...
Aussi, avant de monter en voiture pour le retour, on s'embrasse, on promet de revenir et l'on part les poches bourrées de gourmandises.
Et c'est sur ce refrain que nos petits stéphanois quittent leurs hôtes pour un an :

« Ah ! Les voilà parties, les voilà parties,

Les hirondelles ;

Mais elles reviendront, elles reviendront,

Et resteront ! »

Louis Comte

Avejon, 1857 - Saunt-Étienne, 1926
Fondateur de l'Oeuvre des enfants à la montagne.

Ce pasteur, originaire du Gard, est nommé à Saint-Étienne en 1886. Partisan de la séparation des Eglises et de l'État, il fait partie du bureau de la section stéphanoise de la Ligue des Droits de l'Homme.

En 1893, il crée l'Oeuvre des enfants à la montagne qui organise des séjours dans les fermes de la Haute-Loire pour les jeunes de familles modestes.

Cette grande oeuvre, découle en partie d'une expérience personnelle :

"Au mois d'Août 1891, nous étions venus à Montfaucon à cause de la santé délicate d'un de nos enfants. Il avait 18 mois, ne marchait pas encore, et son état d'anémie nous causait les plus vives inquiétudes. Le médecin nous avait dit : essayez l'air de la montagne... Notre enfant, après les quinze premiers jours, renaissait à vue d'oeil... une sorte de résurrection physique... Et l'on réfléchit. Or, le propre de la réflexion est la généralisation. On pense aux pauvres petits qui sont restés là-bas dans la fournaise de la grande ville..."

L'oeuvre de Comte connait très vite le succès et est reconnu, dès 1908, d'utilité publique : les 52 enfants du premier contingent sont désormais plus de 2500.

Des centaines d'enfants, protestants, juifs catholiques ou athées partent chaque été pour un séjour de 45 jours à la campagne.

"Dès que nous apercevons de l'anémie sur un pauvre petit corps, des traces de tuberculose ou de rachitisme, nous l'envoyons à la montagne..."

Mais il ne s'agit pas d'assistanat : chacun doit contribuer dans la mesure de ses moyens et les parents fournir un trousseau minimum. Les familles d'accueil, quant à elles, reçoivent une indemnité et doivent loger et nourrir les enfants selon des conditions très strictes. Louis Comte se charge de trouver des financements publics (ville de Saint-Etienne) et privés (La Croix-Rouge, Casino, les Houillères, la Société Générale).

Chroniqueur du périodique "Le relèvement social", il participe également, en 1899, à la fondation du quotidien "La Tribune Républicaine".

Le pasteur comte et la protection de l'enfant (caricature de mac adam)