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LE PORT DE MARSEILLE SE DESSINE UN NOUVEL AVENIR Nouveau siège, ouverture sur la ville, reconquête du J4, transformation du J1, transformation du silo à sucre,... Dans ce dossier spécial "made in marseille", partez à la découverte des projets et enjeux du port de demain.

VOLET 1 : Avec son nouveau siège, le Grand Port maritime de Marseille veut s’ouvrir sur la ville

Le futur siège du Grand Port maritime de Marseille devrait accueillir un « Port Center », dont la vocation est de proposer un programme d’animations et de visites au public. Avec ce projet, pour la première fois depuis de nombreuses années, le GPMM veut s’ouvrir sur la ville et à ses habitants.

C’est un projet « Phare » qui doit ancrer un nouveau dialogue entre le Grand Port maritime et la Ville de Marseille. Le GPMM prévoit la construction d’un nouveau siège place de la Joliette, en lieu et place de l’actuel bâtiment, vieux de 70 ans, situé entre la façade des Terrasses du Port et la gare maritime.

La création de cette future entité a fait l’objet d’une décision du conseil de surveillance au mois de décembre avec les premiers arbitrages. La déconstruction – reconstruction a été actée, plutôt qu’une réhabilitation complète, qui aurait coûté plus de 10 millions d’euros. « C’est un dossier complexe sur lequel on travaille depuis longtemps, notamment sur le modèle économique, sur des questions d’urbanisme et sur le type architectural et qui a donné lieu à de longs débats avec la Ville, la Métropole, mais aussi avec les Bâtiments de France, car le futur siège sera situé dans le périmètre de co-visibilité de la cathédrale de la Major », confie Hervé Martel, président du directoire du Port Marseille-Fos.

Réhabilitation de la halle Eiffel pour accueillir des petites activités économiques

Le parti pris arrêté est de rester dans les clous du plan local d’urbanisme, et d’ériger un bâtiment de la même hauteur que le centre commercial, dans un alignement plus harmonieux et esthétique.

D’autre part, la surface envisagée étant bien plus vaste (plus de 20 000 m²) que les stricts besoins des services portuaires évalués à 7 000 m², c’est un investisseur privé qui devra imaginer le nouveau site aux multiples vocations. « Dès que le projet commencera à se structurer, il y aura une offre de mètres carrés qu’il reste encore à préciser, souligne Hervé Martel. Mais il y a plusieurs objectifs : nous reloger, proposer une offre immobilière pour les acteurs du port et de la mer et les partenaires de la place portuaire ».

L’aspect architectural et l’aménagement seront des critères majeurs pour sélectionner le projet des différents candidats. Ils devront prendre en compte la halle Eiffel, à l’arrière de l’actuel bâtiment, qui comporte deux nefs (un double toit). Présentant un intérêt architectural évident, elle sera entièrement réhabilitée pour accueillir quelques activités économiques, de type restauration et commerces.

La façade Sud sera, quant à elle, ouverte sur la darse. La partie métallique, aujourd’hui noyée par le béton, devrait être mise à nue. « C’était un élément d’intention très fort pour les Bâtiments de France, afin qu’elle soit mise en valeur et pour que le port soit valorisé, en termes de recettes/revenus pour le projet ».

« Il y a plusieurs objectifs : nous reloger, proposer une offre immobilière pour les acteurs du port et de la mer et les partenaires de la place portuaire » - Hervé Martel

Ouverture sur les quais et autres lieux de vie du port

Ce projet laisse entrevoir de nouvelles perspectives avec l’implantation d’un « Port Center » : un lieu ouvert aux habitants de la ville et aux visiteurs qui veulent découvrir le fonctionnement et les projets du port. Une demande forte de la municipalité marseillaise. « On ne sait pas aujourd’hui ce que sera le Port Center car on travaille dessus, concède Hervé Martel, mais il y a une forte motivation de la part de la Ville et partagée par nous, car c’est dans notre vision stratégique. S’il doit y avoir un lieu, ou plusieurs peut-être, il est très probable que le site de la Joliette soit l’un des espaces d’explications sur ce qu’est le port, d’interprétation de son Histoire, de son avenir ou de ses projets. Ça semble cohérent ».

« On ne sait pas aujourd’hui ce que sera le Port Center car on travaille dessus, mais il y a une forte motivation de la part de la Ville et partagée par nous, car c’est dans notre vision stratégique » - Hervé Martel

Un « Port Center » a vocation à proposer un programme d’animations et de visites, souvent directement sur les quais et autres lieux de vie du port. Dans cette perspective, la gare provisoire de la Corse qui sera déplacée, une fois le J1 réhabilité, pourrait être ouverte aux Marseillais, lorsque les règles internationales le permettent. « Bien entendu, on reste sur le port. La priorité est donnée aux activités portuaires avec un système de barrières qui devra exister pour respecter les règles internationales de sécurité, limiter les accès aux quais lorsqu’il y a de l’exploitation. Et lorsque cela est possible, c’est-à-dire beaucoup plus que la moitié du temps, elles devraient pouvoir s’effacer pour ouvrir l’accès dans des conditions qui restent à définir avec les collectivités, notamment la Métropole », explique le président du directoire.

« C’est un projet compliqué, multiforme, qui devrait considérablement modifier l’accès au quartier, mais aussi l’image du port. Car je ne suis pas certain que le siège actuel renvoie une image à la hauteur de ce que l’on est en droit d’attendre » - Hervé Martel

Livraison prévue à l’horizon 2026

Pour sélectionner le projet, un jury devra être constitué afin que les collectivités puissent se prononcer. La procédure de consultation devrait être lancée dans le courant du premier semestre 2022. D’ici à la fin de l’année ou début 2023, « je pense qu’il est raisonnable de penser que l’on pourrait avoir une vision sur le futur projet », espère Hervé Martel.

Malgré l’urgence et l’impatience, le siège ne sera pas opérationnel pour les Jeux olympiques 2024. « On est au mieux sur une livraison fin 2025-2026 ».

VOLET 2 : Le Port souhaite développer la « petite croisière » sur le J4

La transformation du Sud de la Joliette se poursuit. Alors que le hangar du J1 doit se muer en pôle de loisirs, le Grand Port maritime de Marseille a également un projet pour son espace portuaire sur le J4. Une gare maritime destinée à la « petite croisière » devrait prendre forme à l’horizon de 2026.

Idéalement située entre le Mucem, la Digue du Large et la cathédrale de la Major, l’esplanade du J4, renommée « promenade Robert Lafont », est un site d’exception qui a vocation à tenir une place centrale dans le développement du tourisme à Marseille. Si une grande partie de cet espace a déjà été réaménagée dans le sillon de l’année 2013 « Capitale européenne de la culture », l’avenir de la zone portuaire, dont le Grand Port maritime de Marseille (GPMM) est propriétaire, reste à écrire.

Mais la page ne devrait pas rester blanche très longtemps. L’établissement public a lancé en décembre 2021 un appel à projets pour le « développement d’un terminal principalement dédié à la petite croisière » sur le J4. La consultation vise à sélectionner un opérateur qui assurera l’exploitation complète des espaces mis à disposition et qui deviendra le port d’attache des mini et maxi yachts.

Le Port estime que le secteur entre la Joliette et l’esplanade du J4 doit devenir la « vitrine du rayonnement portuaire et urbain » et rappelle dans cet appel les projets qui vont permettre de « parachever la transformation du secteur » : le pôle de loisirs « La Passerelle » au J1, dont la livraison est prévue en 2025, le projet de nouveau siège du GPMM, la réhabilitation de la halle historique du J0 à la Joliette, sans oublier l’ouverture en 2022 du Centre d’Interprétation de la Grotte Cosquer porté par la Région Sud.

Un nouvel espace qualitatif plus ouvert sur la ville

Le projet de « petite croisière » envisagée par le Port s’inscrit dans un site patrimonial remarquable, à proximité immédiate de monuments historiques emblématiques. Les opérateurs qui voudront se positionner devront donc se conformer à quelques règles pour « préserver les vues » sur le J4 depuis la cathédrale de la Major et « maintenir un espace non bâti continu depuis le pied de la Major jusqu’à la mer ». L’esplanade a notamment vocation à rester « un vaste espace public ». La vue vers la mer depuis la ville et vers la ville depuis la mer devra par conséquent être sauvegardée.

Le dossier constitué par le GPMM pour cet appel nous en apprend un peu plus sur l’interface port-ville du projet. Il y est stipulé que le nouvel espace devra être traité « de manière qualitative et ouvrable-fermable ». En d’autres termes, le public pourra en profiter lorsqu’aucun navire de croisiéristes ne sera à quai. La période hivernale devrait donc être plus propice à la promenade que la saison estivale. La création d’une « pergola-ombrière faisant office de clôture » et permettant d’améliorer « le confort d’accueil des passants et usagers » est suggérée, mais ne reste qu’un principe dont les opérateurs pourront s’affranchir pour proposer un autre projet.

Une ouverture envisagée dès les Jeux olympiques 2024

Ce projet apparaît comme un compromis pour le GPMM qui ne souhaite pas renoncer à son foncier, afin de poursuivre son développement économique, mais qui entend également le souhait de la Ville de Marseille d’ouvrir davantage la partie nord de son littoral aux habitants. Une ambition que le Port semble partager désormais : « L’objectif à terme, grâce à la réorganisation en cours des terminaux passagers […], est d’ouvrir d’avantage le port sur la Ville au sud de la Joliette, en donnant accès au public aux bords de quai en dehors des périodes d’escales ». Un principe qui sera a priori appliqué au J4 mais qui pourrait aussi être répliqué au niveau de la halle J0, dans le prolongement de la place de la Joliette. Avec la création du pôle de loisirs de La Passerelle au niveau du J1, il ne restera qu’à reconfigurer le J2 et le J3, dernier chaînon manquant, pour achever la métamorphose des quais de la Joliette.

En attendant, le GPMM donne quelques perspectives moins lointaines. Lors de la période automne 2023/automne 2024, le candidat retenu aura la possibilité de « développer sur le site des activités éphémères d’accueil de navires et d’évènements associés en lien avec les épreuves de nautisme des Jeux olympiques ». Un avant-goût du J4 de demain.

VOLET 3 : Hervé Martel : « Je pense impulser une dynamique d’ouverture plus forte »

Depuis son arrivée à la tête du Grand Port maritime de Marseille, Hervé Martel tente d’impulser un nouveau dialogue entre l’autorité portuaire, la Ville et ses habitants. Le projet de création de son futur siège illustre cette volonté « d’ouverture plus forte ».

Complexes. C’est ce qui caractérise depuis de nombreuses années les relations entre le Grand Port maritime de Marseille (GPMM) et la deuxième ville de France, qui s’est pourtant construite autour de ce port il y a 2600 ans. « Ce qui est frappant c’est qu’ils se tournent le dos. Vraiment. Que ce soit avec la municipalité ou avec les habitants », concède bien volontiers Hervé Martel, président du directoire du port Marseille – Fos.

À la tête du port du Havre durant 7 ans, fort de 15 années d’expérience, il s’est étonné de ce rapport particulier dès son arrivée à Marseille au printemps 2019, car dans la ville portuaire normande, « je n’avais pas besoin de l’État pour parler directement au maire », et là-bas « tout le monde s’intéresse au port, à ce qu’il s’y passe, parce qu’il a un frère, un voisin, un cousin qui y travaille. C’est un fait, les Marseillais ne se sentent pas comme appartenant à une communauté portuaire ».

La construction de la charte Ville-Port

Les échanges avec Marseille se sont d’autant plus compliqués avec deux opérations d’intérêt national d’Euroméditerranée, soit deux établissements publics d’État aux compétences différentes sur la zone du port. À cela s’ajoutent des jeux de postures entre les différentes instances. « Il y avait à peu près tout pour que ça ne fonctionne pas », exprime Hervé Martel.

C’est en 2011*, que la charte Ville-Port a été imaginée pour structurer le dialogue entre l’autorité portuaire et la municipalité de droite à l’époque, les riverains, avec l’État comme garant. Elle est née à l’initiative d’Yves Cousquer. Décédé en 2015, l’ancien directeur technique du GPMM, ensuite entré au conseil de surveillance, est l’un des artisans de l’aménagement de l’étang de Berre. Yves Cousquer imagine ainsi un document qui vise à construire « une vision de développement commune de ce territoire » et la recherche de synergies entre espaces portuaires et urbains, avec la distinction entre trois zones : la zone centrale (qui reste un port), l’Estaque-Grand Estaque et le sud d’Arenc.

« Mon boulot, c’est de trouver le consensus pour proposer au conseil de surveillance un projet qui aura la force de l’unanimité du vote ».

Un document devenu « obsolète » mais « une volonté de travailler ensemble »

Sauf qu’aujourd’hui, « cette charte est obsolète », estime Laurent Lhardit, adjoint au maire, en charge de l’économie, l’emploi et le tourisme durable. La nouvelle majorité municipale a pris ses fonctions presqu’au même moment qu’Hervé Martel. Nouvelles sensibilités et nouvelle manière de travailler de part et d’autre. De nouveaux acteurs à la barre pour tracer un nouveau cap : « On arrive aujourd’hui, je crois, et le maire l’a dit au conseil de surveillance, à une volonté de travailler ensemble, dans le respect de nos compétences, souligne le président du directoire du port. Cela ne veut pas dire être d’accord sur tout, mais se voir régulièrement, échanger et pourquoi pas travailler ensemble sur des projets ».

La réalisation de projets partagés avec la Ville de Marseille est justement inscrite dans la charte depuis son origine. Toutefois, Laurent Lhardit regrette que l’implication de la municipalité ne soit pas plus importante. L’élu prend pour exemple de grandes opérations d’envergure à l’image du J1. « Un port qui agit comme un agent immobilier, ça ne nous va pas ».

Mais la Ville n’est pas la seule entité publique du territoire qui se sent mise à l’écart des décisions du port. « Le GPMM fait ses affaires », constate le vice-président de la Métropole Aix-Marseille-Provence délégué à la Mer et au Littoral, Didier Réault. Il pointe notamment une « inertie interne » de l’institution portuaire. Elle pourrait en sortir « en s’appuyant sur les collectivités. On peut l’aider à dépasser ses blocages internes. On le souhaite car le Port a un grand rôle à jouer dans l’avenir de la métropole ».

« Un port qui vit en harmonie avec son territoire est beaucoup plus compétitif. C’est vrai à Marseille, comme c’est vrai à Fos ».

« Ça ne sert à rien de passer en force, ce n’est pas comme ça que l’on travaille »

Le GPMM reste un établissement public d’État, lequel a invité les collectivités à en partager la gouvernance. Ces dernières sont représentées au sein du conseil de surveillance, tout comme différents ministères de tutelle ainsi que le milieu économique. Et pour Hervé Martel, « c’est ce collectif-là qui a la main. Il ne s’agit pas de faire les uns contre les autres. La Mairie n’a pas la main et ne l’aura pas, car le Port ne sera jamais municipal », explique-t-il.

Et d’insister : « Je pense impulser dans notre projet stratégique une dynamique d’ouverture plus forte que celle qui existait depuis le bien nommé port autonome [créé dans les années 1960, ndlr]. Mon boulot, c’est de trouver le consensus pour proposer au conseil de surveillance un projet qui aura la force de l’unanimité du vote ».

Le processus de travail autour de la création du futur siège du GPMM illustre cette volonté et marque une nouvelle étape dans la relation Ville-Port. « Faire un projet comme celui-ci contre l’avis d’une collectivité, quelle qu’elle soit (Métropole, Département, Ville, Région ou même l’État), c’est très compliqué. Formellement, on est sur le domaine du Port, c’est le préfet qui signera le permis de construire, il ne déroge à rien. Il y aura un avis des collectivités, ça ne sert à rien de passer en force, ce n’est pas comme ça que l’on travaille ».

Vers une nouvelle charte Ville-Port ?

Dans cette nouvelle approche, la question de réécrire une nouvelle charte Ville-Port se pose. Pour Laurent Lhardit, il y a nécessité à la « renouveler pour la redynamiser. Nous soutenons les projets liés au développement du port, mais pour ce qui est de la zone Nord-Estaque et entre le J0 et le J4 on a besoin de faire autrement. Et le dialogue reste un élément de la charte ».

« Aujourd’hui, le dialogue est présent » juge de son côté Hervé Martel. Même s’il trouve la démarche intéressante, la rédaction d’un document actualisé ne lui semble pas indispensable mais reste une option. « Sur le projet du siège, le dialogue entre le Port, la Ville, la Métropole et l’État s’est fait à l’occasion de réunions spécifiques et on n’a pas utilisé le cadre de la charte Ville-Port pour avancer sur ce dossier, mais ça ne veut pas dire que sur d’autres dossiers ça ne serait pas intéressant. Je suis ouvert à tout ».

Pour lui, le cadre est moins important que le contenu du dialogue et la réalité des échanges. « Ce qui compte, c’est que le dialogue existe, à la fois entre les deux institutions que sont la Ville et le Port, mais aussi directement vis-à-vis des habitants, des riverains, et pas uniquement dans le cadre de concertations obligatoires autour des projets, comme c’est le cas sur le cap Janet, par exemple. De façon générale, si une activité économique n’est pas insérée dans son territoire, elle ne fonctionne pas, encore plus lorsqu’il s’agit d’une activité portuaire. Un port qui vit en harmonie avec son territoire est beaucoup plus compétitif. C’est vrai à Marseille, comme c’est vrai à Fos ».

*En 2011, la commission spécialisée sur l’évolution des bassins Est à l’horizon 2025 propose une vision d’avenir pour les bassins de Marseille, du fort Saint-Jean jusqu’au massif de la Nerthe : cette vision a obtenu le consensus de l’ensemble des acteurs associés et a constitué le socle de la « Charte Ville-Port » signée le 28 juin 2013 par la Communauté urbaine de Marseille (aujourd’hui Métropole Aix-Marseille-Provence), la Ville de Marseille, le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, le Grand Port Maritime de Marseille, Euroméditerranée, la Chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence et l’État.

VOLET 4 : Le chantier de transformation du J1 en pôle de loisirs prévu à l’automne 2022

Bâtiment emblématique du bassin de la Joliette à Marseille, le hangar du J1 est destiné à se muer en grand pôle de loisirs à l’horizon de 2024. Le Port a annoncé un démarrage des travaux au troisième trimestre 2022, avec six mois de retard.

À l’occasion d’une conférence de presse sur son bilan annuel et ses projets à venir, le Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) a annoncé le lancement des travaux pour la réalisation de « La Passerelle » au troisième trimestre 2022.

Le lancement du chantier pour la réalisation de ce grand complexe devait intervenir au début de l’année 2022 mais la crise sanitaire a légèrement décalé cette échéance. Hervé Martel, président du directoire du GPMM, confirme cependant un début des travaux prochainement : « Ce ne sera pas au 1er trimestre, c’est décalé de 6 mois, mais ce sera bien en 2022 ». La fin du chantier devrait donc intervenir entre 2024 et début 2025.

De bâtiment industriel à temple des loisirs

Ce projet de transformation du hangar du J1, bâtiment emblématique de la façade maritime de la Joliette, a été dévoilé en 2019. Porté par le groupement Vinci et l’agence Reichen & Robert, il a franchi une étape importante fin 2020 avec la signature de la promesse de convention d’occupation temporaire de 70 ans.

Le Port ambitionne de faire de ce bâtiment, construit en 1923 par la société Eiffel, une vitrine de son développement et de son ouverture sur la ville. Ses abords seront réaménagés et ouverts au Marseillais. Il pourront notamment venir se baigner dans une piscine extérieure et se promener à l’ombre d’une « canopée » où devrait prendre place un « jardin des plantes exotiques ».

À l’intérieur, une grande place sera donnée aux loisirs et notamment au e-sport. Le hangar pourra accueillir de grands événements et compétitions dans la discipline des jeux vidéo. Le nouveau J1 dédiera également 10 000 m² au tertiaire, avec des bureaux pour les incubateurs d’innovations, un vaste espace de coworking et des espaces destinés à la formation au cœur du monde maritime.

VOLET 5 : Bientôt une nouvelle vie pour l’immense silo à sucre du Port de Marseille

Le Port de Marseille va donner une seconde vie à l’ancien silo à sucre qui longe l’A55 dans le secteur d’Arenc. Il lance un appel à manifestation d’intérêt pour cet immense bâtiment et les 10 000 m² attenants. Transit de marchandises, logistique, data center… Le lauréat doit être sélectionné en 2022.

C’est un bâtiment que l’on croise en arrivant ou en quittant Marseille par l’A55, à proximité du cap Janet. En bordure d’autoroute, il peut attirer l’œil par ses dimensions, 80 mètres de long et 45 mètres de large, son architecture industrielle un peu brutale et son immense toiture en pointe.

Et si vous vous demandez quelle est sa fonction, il n’en a plus depuis 2015, date de l’arrêt des activités de raffinage de sucre de l’usine Saint-Louis, à quelques centaines de mètres à l’Est. Jusque-là, l’édifice construit à partir de 1966, au même moment où le port devenait autonome, était un silo à sucre.

Après près de six ans d’inactivité, les autorités lui ont définitivement retiré cette fonction en 2021. C’est pourquoi le Grand Port maritime de Marseille (GPMM, ex-port autonome), lui cherche une nouvelle vocation.

À saisir : 10 000 m² sur le littoral

« Le GPMM a en effet engagé une démarche visant à dynamiser certains sites afin d’optimiser le développement de l’activité industrialo-portuaire », peut-on lire dans l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé en décembre.

Cet « espace d’environ 10 000 m², situé sur le domaine public maritime du GPMM », présente des intérêts de surface et de situation (entre le port et l’autoroute), comme le décrit la direction du port. Sans oublier les caractéristiques techniques, avec un silo et un immense hangar représentant plusieurs milliers de m² de bâti, reliés par des passerelles de transfert de marchandises, des quais de livraison…

Du stockage de vrac au stockage de données

Cet équipement industrialo-portuaire pourrait intéresser différents porteurs de projets alors que le GPMM semble ouvert sur la future vocation du site. Il souhaite « accompagner l’implantation d’activités économiques essentiellement liées au secteur portuaire, industriel et logistique dans un secteur à enjeu et en mutation ».

En effet, alors que les activités de fret maritime et de transport pétrolier se concentrent majoritairement dans les bassins Est, à Fos-sur-Mer, la fonction des bassins marseillais évolue d’année en année. Si le transport de vrac et la logistique sont encore un enjeu dans ce port urbain, ainsi que le transports de passagers, on voit aussi se développer des activités liées au numérique.

Car en plus des navires, les quais de Marseille reçoivent désormais des câbles sous-marins venus du monde entier pour échanger leurs données avec l’Europe. Une situation qui attire des acteurs du numérique dans l’enceinte du port (comme les data-centers), également invités à se positionner sur le lot.

Le nouveau locataire sélectionné cet été

Les projets pourraient donc être variés, et le port se dit d’ailleurs prêt à « envisager certaines requalifications et travaux aux abords du site ». Et même des aménagements du nouvel occupant. Il devra toutefois respecter le Plan local d’urbanisme intercommunal, notamment en termes de hauteur, plafonnée à 22 mètres.

Les candidats devront soumettre leurs propositions avant le 31 janvier 2022. Elles permettront au GPMM d’identifier « le potentiel de ce site en termes de développement économique et de valorisation domaniale tel que perçu par ces opérateurs ainsi que leurs attentes éventuelles ». Toutefois, il rappelle que cette logique d’optimisation « s’inscrit à la fois dans une recherche de soutien de la compétitivité des acteurs économiques, de préservation de l’environnement et d’intégration sociale ».

Cette première phase permettra donc d’identifier des acteurs économiques intéressés et les potentielles vocations du site pour définir les critères d’un véritable appel à projets. Il devrait être publié au printemps puisque le Port envisage de sélectionner le lauréat « à l’horizon de l’été 2022 », et de dévoiler alors le nouvel avenir du silo à sucre.

VOLET 6 : Le port de Marseille-Fos poursuit sa mutation verte

Le port de Marseille-Fos entame une profonde mutation. Un plan d’actions jusqu’à 2024 et un investissement de 350 millions ont été actés pour que le premier port français atteigne l’excellence environnementale.

Un « port vert au service de l’économie bleue », telle est l’ambition du port de Marseille-Fos. Cette nouvelle stratégie vise à mieux concilier croissance économique et excellence environnementale. Approuvée, le 5 mars, à l’occasion du conseil de surveillance du port, elle repose sur quatre piliers : la redynamisation industrielle et « l’innovation pour réussir notre transition énergétique », la « transition numérique et des nouvelles technologies », booster la compétitivité et enfin valoriser « les compétences de la place portuaire ».

Un nouveau modèle pour un « port entrepreneur »

Tous les projets engagés ou aboutis entre 2014 et 2019 ont nourri la réflexion sur la façon de faire évoluer le modèle économique du port de Marseille-Fos vers un rôle de « port entrepreneur » et en cohérence avec la stratégie portuaire nationale impulsée par le gouvernement.

Ces dernières années, le port s’est déjà engagé dans la voie de la transition énergétique. Il était le premier en France à se doter de connexions électriques des navires à quai. Le GPMM est le seul port de Méditerranée à offrir ces connexions, et travaille, avec le soutien de la Région Sud, pour que d’autres armateurs que ceux basés à Marseille soient également équipés. Le terminal du Cap Janet sera équipé progressivement d’ici à 2025.

Le port a également attribué une baisse des droits de ports aux navires les moins polluants et implanté des démonstrateurs industriels liés au recyclage de CO2. Avec une « position stratégique en Méditerranée, nous avons la capacité de nous hisser au premier plan de la scène maritime mondiale pour devenir une réelle alternative aux ports saturés du range Nord », estime Élisabeth Ayrault, présidente du Conseil de surveillance du port de Marseille-Fos.

Pour mettre en œuvre sa transition écologique, la plateforme annonce un investissement de 350 millions d’euros jusqu’à 2024 : « Près des deux tiers seront dédiés aux projets de développement et un tiers aux projets de maintien des infrastructures et du patrimoine », souligne le port dans un communiqué de presse.

Réduire les impacts et nuisances pour les populations locales

Il s’accompagne d’un changement de « posture » et l’application de « nouveaux principes d’actions ». Ainsi, la mue passera par l’élaboration d’un Schéma directeur du Patrimoine Naturel « pour mieux prendre en compte les impacts à l’échelle de l’ensemble de la Zone industrialo-portuaire ». Le port entend aussi devenir un « aménageur volontariste, pour un processus réglementaire intégralement anticipé par le Port lui-même pour réduire le délai entre la commercialisation et l’implantation ».

Afin d’intégrer la politique environnementale au modèle de développement du port, un plan d’actions sera mis en œuvre avec notamment la recherche « de solutions multimodales dès l’aménagement et le suivi en vue de la réduction des impacts et nuisances pour les populations locales ».

À Marseille, les nuisances dues aux pollutions maritimes sont souvent critiquées par les élus locaux. Les quartiers Nord sont directement exposés aux émissions de dioxydes d’azote et de soufre. Lorsqu’elle était sénatrice, Samia Ghali [aujourd’hui maire adjointe à la Mairie de Marseille, ndlr] s’était exprimée à plusieurs reprises sur le sujet dénonçant des « usines à cancers ». Depuis janvier 2020, les émissions de soufre sont plafonnées à 0,5% en mer par l’Organisation maritime internationale (IMO).

Recherche de synergies entre les espaces portuaires et urbains des bassins marseillais

Le Printemps marseillais, aujourd’hui aux commandes de la Ville de Marseille, affichait dans son programme de campagne la volonté de faire de « Marseille une ville-port-exemplaire ». « C’est avec le port que le Marseille de demain se construira, et il doit devenir le port de l’excellence écologique et celui de l’excellence sociale ».

Sans remettre en cause la vocation industrielle et portuaire du bassin Est, le Printemps marseillais soulignait la nécessité d’un « impact moins contraignant et plus respectueux de tous ». La majorité souhaite le lancement d’une étude d’évaluation du potentiel de trafic des bassins Est et de leur complémentarité avec les bassins Ouest, co-financée par les partenaires de la charte Ville-Port.

À ce titre, le GPPMM réaffirme la triple vocation des bassins marseillais : urbaine, industrielle et commerciale. Dans les bassins marseillais, la recherche de synergies entre les espaces portuaires et urbains est également au cœur de la vision de développement portée par le port de Marseille-Fos.

Cette stratégie se fonde à la fois sur les perspectives de croissance ainsi que sur le partenariat entre la Métropole, la Ville et le port. « L’ambition de la politique d’aménagement sur les bassins Ouest (Fos) est d’accompagner la transition par rapport au modèle “tout pétrole” tout en limitant la consommation brute de foncier. Tandis qu’à l’Est (Marseille), l’ambition est celle du maintien de l’outil industriel avec des mesures fortes de réduction des nuisances et d’anticipation des réglementations environnementales », explique Hervé Martel, président du Directoire du port de Marseille-Fos.

« Être au cœur des modèles de demain »

Par ailleurs, dans le cadre du plan stratégique 2020-2024, le port de Marseille-Fos prévoit la création de deux filiales. La première dédiée à l’immobilier, pour la gestion et la transformation des actifs immobiliers du port qui lui seraient confiés et investir ou co-investir en minoritaire sur des projets logistiques ou tertiaires, selon l’intérêt financier et stratégique.

L’autre dédiée à l’énergie, destinée à allier une vision de long terme et une agilité dans la décision d’investissement ou de cession ; monter en compétence sur le plan technique et financier sur ces nouveaux métiers et capter plus de valeur ajoutée. « La stratégie du port entrepreneur répond à plusieurs motivations. Le port souhaite innover, être au cœur des modèles de demain, se doter des capacités et compétences pour réussir les transitions nécessaires. 2020-2024 sera une période de transformation pour le Port qui ne veut pas seulement constater la mutation opérée sur son domaine, mais souhaite impulser une dynamique de développement des filières d’avenir », affirme Hervé Martel.

Le cluster industrialo-portuaire de Marseille-Fos représente 7,5% des emplois salariés dans le département des Bouches-du-Rhône.