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Les 520 invisibles Les femmes sans-abris à Angers étaient 520 en 2021. Pourtant, combien en avez-vous vues, aperçues ? Elles sont au coin des rues, dans les jardins, sous les ponts, mais invisibles. Pour beaucoup, leur survie dépend des travailleurs sociaux et bénévoles des lieux d'accueil de la ville d'Angers, qui les accompagnent au quotidien.

Aide Accueil : petit-déjeuner

La salle de restauration d'Aide d'Accueil, rue Crimée, fournit en moyenne dix petits-déjeuners tous les matins.

8 h 01. Les portes d’Aide Accueil s’ouvrent, rue Crimée. L’odeur du pain frais, croissants et pains au chocolat, embaume la pièce de 30m2. « On travaille avec les boulangeries, notamment Becam et Ange. Nous venons chercher les invendus le lundi et mardi soir », détaille Sylvie Rabouin, directrice de l’association. La salle n’est pas grande, mais bien assez pour mettre une dizaine de tables, les unes à côté des autres ; paradoxe d’une proximité que l’on ne retrouve pas entre les sans-abris. Chacun à leur table, ils attendent qu'on vienne leur apporter le petit-déjeuner. L’odeur du café chaud émane de la pièce. Aujourd’hui, les bénévoles servent aussi des pizzas : « on pensait que ça n’allait pas marcher pour le petit-déjeuner, mais tout le monde en raffole ! » Une dizaine de personnes sont passées prendre le petit-déjeuner ce matin-là. « Avant le virus, ils étaient une centaine », explique la directrice d’Aide Accueil. « Il n'y a pourtant pas de limite au niveau du nombre pour le petit-déjeuner, mais beaucoup sont partis. » Vers 8 h 45, le va-et-vient dans la salle diminue, les gens commencent à partir « ils vont directement prendre leur douche à Léon-Jouhaux », termine Sylvie Rabouin.

LES PERSONNES À LA RUE PEUVENT CUMULER JUSQU’À QUATRE DIFFICULTÉS POUR LA RÉINSERTION SOCIALE : LE TRAVAIL, LE LOGEMENT, LES ADDICTIONS ET LA SANTÉ MENTALE - SYLVIE RABOUIN, DIRECTRICE AIDE ACCUEIL.

Place Léon-Jouhaux : Les bains douches

Fatou Diop, médiatrice de la confiance, travaille au sein de l'association Aide Accueil.

9 h 07. Non loin de la rue Boisnet, Place Léon-Jouhaux, reconnaissable par son sol bétonné rouge. On discerne à peine, au bout de la place, l'entrée des bains douches, guettée par des hommes, une bière à la main. « Viens je veux bien t'échanger ce flash ! [bouteille d'alcool dilué, NDLR] »propose l'un d'entre eux. L'alcool coule à flot, engendrant des comportements imprévisibles. « Oh la pute ! », braille un sans-abri. Les femmes doivent braver les regards malveillants qui sillonnent Léon-Jouhaux. Cassandra « Oh non ils sont là, je me casse. Je suis pas en sécurité. » Des enfants et leur mère passent devant l'établissement, ignorant l'ambiance qui règne ici. Les chiens, Nala et Tequila, leur aboient dessus, ils protègent ce territoire qui est devenu le leur. « Regarde Nala, elle est trop drôle, elle défend bien hein ? », s'amuse Fatou Diop. « Viens là toi ! », Teddy, partenaire de Céline, met une muselière à Tequila. Les animaux se recouchent, l'air soucieux. On est en hiver, saison où le froid domine et où l'on sort de chez soi à reculons. Eux, c'est ici qu'ils trouvent refuge le matin. La fumée sort des bouches qui s'esclaffent « Ah tiens y'a le mytho qui arrive ! » Au milieu de ce brouhaha, le son des douches qui fonctionnent sans relâche depuis 8h.

9 h 18. Derrière le groupe, une porte vitrée mène à l'espace si convoité. On y retrouve le sourire de Fatou Diop. Elle salue la trentaine de personnes qui franchissent cette porte chaque jour. En dessous de sa frange brune, un regard expressif. « Je suis contente de te voir. Comment ça va depuis ton hospitalisation ? Ça a dû te faire du bien ! » Elle s'adresse à Brigitte, une femme sans-abri prise en charge par le Centre de Santé Mentale Angevin (CESAME). Elle ne l'a pas vue depuis plusieurs semaines. « C'est trop bien là-bas ! » Fatou Diop a raison, elle a le sourire aux lèvres. Elle semble aller mieux. « Ils n'ont pas intérêt à te laisser dehors après », finit la travailleuse sociale. Nouer du lien est important ici. Certains passent en coup de vent, disent bonjour, se douchent, puis repartent. D'autres sont des habitués. « Six familles viennent régulièrement ici, mais toujours sans enfant. Leur place n'est pas aux bains douches... Cinq, six femmes viennent tous les jours se doucher. La plus jeune qu'on a reçue avait 16 ans. C'est jeune, très jeune », précise Fatou Diop.

FAIRE LA MANCHE C’EST PLUS FACILE APRÈS UNE CANETTE DE BIÈRE, ÇA DONNE DU COURAGE - CASSANDRA, 24 ANS

9 h 36. « Ma maison a brûlé, j'ai perdu toute ma vie. Mais je ne veux pas faire la manche, ce n'est pas ma vie. Je n'ose pas demander aux gens parce que je ne sais pas comment faire, je ne suis pas faite pour ça. J'ai toujours travaillé avec mon petit confort », murmure Alexandra, l'âme vide, pleine de nostalgie. La honte d’être une femme à la rue. Beaucoup d’entre elles ne se sentent pas légitimes d’être épaulées. Elles préfèrent continuer leur combat et se battre seule pour leur survie.

ON N'EST PAS LES PLUS À PLAINDRE - ALEXANDRA, 50 ANS

9 h 48. « Il fait super chaud là ! », s'écrie l'homme au béret. « Si t'as trop chaud tu retournes dehors, arrête de te plaindre ! », rétorque Jenifer, employée aux bains douches. Ironie de la situation. Le climat est humide. Les radiateurs tournent à plein régime. De la buée sur la vitre brouille la vue sur la place Léon-Jouhaux. « Faut peut-être mettre un petit coup de bombe d'ambiance là ? », propose Lény, employé à Aide Accueil. L'odeur de chaud vient se mêler à celle de l'humidité des douches, de la cafetière en marche et de la fumée qui émane des déodorants.

10 h 03. Les discussions suivent leur cours : « T’as vu hier, ils sont venus la chercher à deux voitures », « deux voitures de flic et leurs chiens pour une femme, franchement, on fait si peur que ça ? » Céline cherche dans ses cinq sacs, étalés dans la petite pièce du fond, ses affaires. « Fatou, tu peux fermer la porte ? On va à la douche. » Teddy allume l'enceinte et les voix deviennent inaudibles.

AVANT ET APRÈS LA DOUCHE, CE NE SONT PLUS LES MÊMES PERSONNES - FATOU DIOP, AGENT D'ACCUEIL

10 h 08. Un cri interrompt la routine matinale : « C'est qui le pervers qui me regarde sous la douche ? Deux fois, deux fois j'ai vu quelqu'un sous la porte ! » Les mots de Céline parcourent à vif les bains douches. Les regards se lèvent, tout le monde s’en mêle. Fatou récupère vite le téléphone fixe pour appeler la mairie : « Il faudrait venir mettre au plus vite des planches en bas des douches, s’il vous plaît. » Deux voix coupent les autres, stridentes et graves : « Si vous voulez vous rincer l'œil, y'a YouPorn ! », balance Céline. Teddy : « Ça va se finir en coup de matraque, je te promets ! » Le voyeur n'est pas sorti de sa douche.

10 h 22. Laetitia arrive ensanglantée. Sous son oeil, un bleu de la taille d'une main. Fatou : « Les agressions pour les femmes à la rue, c'est ça. C'est ça la réalité ».

ON LE VOIT, ON LE SAIT, ELLES SONT ICI AVEC NOUS MAIS LEUR ESPRIT EST PARTI LOIN DEPUIS LONGTEMPS - FATOU DIOP, AGENT D'ACCUEIL.

11 h 02. « Oh bah tiens ! Qu'est-ce que vous faites là ? Ça fait longtemps ! Oh mais qu'est-ce qu'il t'arrive ? » Fatou Diop accueille Johanna et Isabelle. Les « anciennes » sans-abris reviennent souvent la voir aux bains douches. Johanna est en fauteuil roulant. « Infection rénale et calculs rénaux, ça me bloque toute la jambe droite depuis une semaine. » « C'est le prix des excès ça ! », rétorque Fatou Diop. 20 ans d'addictions lui ont détruit les reins. « Je suis tombée alcoolique à 17 ans, c'est ma mère qui m'a mise là-dedans. J’ai été de l’âge de 17 ans à 41 ans à la rue, sans compter les passages en prison. Je me suis battue, après ma dernière incarcération il y a un mois, pour avoir ma place en foyer. Je l’ai eu, je suis trop contente. » Johanna est mère de sept enfants et n’a plus de lien avec eux. « Je suis tombée dans l’alcool, je ne voulais pas qu’ils me voient comme ça. La plus jeune a trois ans. Je suis en guerre avec ma grande. Elle a 24 ans. J'ai claqué une pote à elle alors elle m’en veut, elle me dit que je ne suis plus sa mère. » Un homme murmure dans la pièce : « Ouais… On ne choisit pas toujours sa vie. » « Ah non, je ne l’ai pas choisie. Il y a deux semaines, j’étais debout », termine Johanna.

Aide Accueil : Le déjeuner

11 h 31. « Nous avons deux services le midi, à 11 h 30 puis 11 h 45. Il n’y a que 35 repas, et pas un de plus », indique Sylvie Rabouin. « Ils connaissent les horaires, à 12 h 16 tout le monde est parti », explique une bénévole. En rentrant dans la salle, la même que celle du petit-déjeuner, l’ambiance est différente. Les visages se sont réveillés, quelques voix se font entendre. « Bonjour ! Vous allez bien aujourd’hui Céline ? » « Ça va. » Lentement la salle se remplit, bientôt elle bourdonne « On n’a pas trop le temps de se poser, on est tout le temps en mouvement », explique l’une des bénévoles. La soupe fait son entrée. Les odeurs s’entremêlent ; le potage chaud, les légumes, la chaleur humaine, la transpiration. La salle prend vie. « S’il reste des plats, ils sont redistribués le lendemain, on essaie de ne pas jeter », insiste Sylvie Rabouin. Parfois, certains préfèrent même manger à l’extérieur. « Ils n’aiment pas manger avec les autres, on respecte leur choix. Nous distribuons leur repas dehors, ils nous remercient et s’en vont. » Les autres ne restent pas longtemps pour autant. « Quand ils ont fini de manger, ils repartent et la journée continue », glisse une bénévole. Céline jette son repas, à peine entamé, et quitte les lieux, toujours flanquée de son « partenaire ». Ils se dirigent tous deux vers le jardin du Mail, avec leurs deux chiens.

1 jour de rue, 1 an pour s’en remettre - SYLVIE Rabouin
L'APRÈS-MIDI J'ERRE DANS LES JARDINS - CÉLINE, 41 ANS

Le PASS : café social

Le PASS est difficile d'accès dû à un trafic dense et de nombreux travaux rue Joseph-Cussonneau.

15 h 02. Dans l’antre de cet Algeco morne et gris en surface, l’ambiance est tout autre. « Bienvenue au Pôle d'Aide Santé Solidarité (PASS), vous venez pour le café social ? » Au 2 rue Joseph-Cussonneau, Stéphanie Popineau, travailleur social, accueille les personnes à l’entrée. L’atmosphère est calme et sereine ; des jeux de société par dizaines sont empilés à l’entrée : Monopoly, Puissance 4, Mille Bornes, Triominos, Pictionary. A côté, des canapés et transats sont disposés dans les coins de la pièce. Ceux qui souhaitent, peuvent venir se relaxer et se reposer toute la journée. Des douches sont mises à disposition le matin. « Ils se lavent quand ils veulent, ils ont toute la matinée. Pour leurs lessives, nous avons mis un système de liste où chacun doit inscrire son prénom, ils peuvent mettre des noms lambda, nous n’avons pas besoin de leur identité, nous voulons juste l’effectif. Certains prennent des noms de super-héros comme Wonder Woman, d’autres d’acteurs comme Clooney », sourit Stéphanie Popineau. Dans une autre pièce, des tables et des chaises sont placées dans chaque recoin. « C’est ici que l’on prépare les activités, il y a des ateliers tous les jours, chaque agent d’accueil en créé un. Aujourd’hui c’est couture avec Virginie ! », s'exclame Stéphanie en préparant les boissons chaudes pour les arrivants. Cela fait 25 ans qu’elle travaille dans le social. « Mon rôle n’est pas de remplacer le référent social, je suis ici pour mettre du sens dans leur vie chaotique, je leur explique les étapes à suivre, que ce soit pour les demandes d’asile, de titre de séjour ou encore la réinsertion professionnelle, les CV… Les femmes sans-abris touchent le Revenu de Solidarité Active (RSA) et pour certaines, l'Allocation aux Adultes Handicapés (AAH). Je les aide avec ces procédures. Elles peuvent également être domiciliées et recevoir leur courrier à l'association Abri de la Providence. » Elle sort à l’extérieur. Sur la table, des hommes fument et discutent. « Personne ne veut un café ? », demande-t-elle. Sans réponse, elle continue son tour. « Parfois il y a un atelier jardinage, ils peuvent semer et planter légumes et fruits. Ensuite, ils les récupèrent et les utilisent pour les ateliers cuisine », continue-t-elle. Au milieu du séjour, trois femmes et un homme entament un jeu de société. « Vous allez devoir dessiner sur les ardoises, et deviner le mot de chacun », annonce une agent d’accueil. « Le fait d’échanger et de jouer avec eux permet de créer du lien et de libérer la parole, c’est parfois très difficile. On ne peut pas les forcer à parler, il faut surtout les mettre en confiance et les rendre acteur de la situation », commente Stéphanie. Dans la salle « atelier », la couture a commencé. Deux femmes d'origine étrangère essaient d’apprendre à faire des sacs. Virginie les accompagne, les aide et leur montre la technique. Les gestes parlent plus que les mots. Stéphanie : « Au PASS, 60% des femmes sont en demande d’asile. Elles sont souvent étrangères, elles peuvent donc avoir accès à un interprète de langue, ça facilite la communication, surtout pour l’administratif. » Les personnes qui en ressentent le besoin peuvent être suivies par une psychologue et une infirmière directement au sein du PASS. « C’est vraiment une complémentarité pluridisciplinaire entre nous trois ».

Le PASS propose diverses activités comme l'atelier couture un mercredi sur deux avec Virginie, travailleur social pour la Ville d'Angers.
Elles attendent juste d'etre considérées - Stéphanie Popineau, travailleur social

Les Restos du Coeur : Le Resto-bus place Sémard

19 h 15. Il fait noir et froid, l’ambiance est lugubre et très peu rassurante. Les camionnettes arrivent sur le parking de la gare. Les douze bénévoles des Restos du Cœur déchargent les dizaines de boîtes et s'installent en cinq minutes chrono. Il y a déjà la queue devant eux. « On est fourni par le foyer de jeunes travailleurs et les maisons de retraite », détaille Jacques Lafon, le chef de soirée ce mercredi soir. « On a toujours de la soupe, des plats chauds, du pain et des boissons chaudes. » Le Resto-bus offre aussi des produits d'hygiène et des vêtements. Les personnes défilent. Ils mangent debout sur la place, ou bien s’en vont. « Je connais à peu près tout le monde. Ce sont souvent les mêmes personnes. Beaucoup d'entre elles viennent ici pour parler et maintenir un lien social », poursuit-il. On peut se resservir jusqu'à épuisement des stocks. « Si on n’a plus de rab, on a toujours des sacs de secours de prêts, avec un repas froid, des barres de céréales et un fruit », explique une bénévole. « On sert souvent des jeunes femmes, parfois des enfants. C’est très compliqué pour moi de voir des femmes ici », témoigne Adeline, présente aux Restos du Cœur depuis cinq ans. « Il y a souvent des disputes. On essaye d’intervenir autant qu'on peut. Quand cela devient trop dangereux, on les laisse et on remballe tout. Certaines bénévoles se sont déjà faites agressées, ou du moins fortement secouées », complète le responsable de soirée.

20 h 22. « Je peux en reprendre ? », demande Patou. Elle raconte « J’ai fui mon mari violent. J’ai échappé à la mort. Il a essayé de me trancher la gorge, j’ai une cicatrice de 12 centimètres sur l’épaule. J’ai été à-même la rue un mois et demi. J’ai eu beaucoup de chance de tomber sur quelqu’un qui a accepté de me louer un appartement contre des heures de ménage. Mon ex-mari est sorti de prison. J’ai peur, je sais qu’il veut ma mort et qu’il me trouvera. » Elle répète son histoire, en boucle, toute la soirée. Livrer leur vie en bloc est une forme d'exutoire. Les femmes ont plutôt besoin d'une oreille que d'une écoute attentive.

21 h. Les bénévoles commencent à ranger. lls placent les lourds caissons dans les camionnettes. En 10 minutes, plats chauds, vêtements, produits d’hygiène sont remballés. L’adrénaline retombe. Les femmes finissent de discuter. « Nous servons environ 9500 repas par an. Ce soir c’est calme, on a distribué 40 repas. Avant la COVID-19, on avait un vrai bus et on servait 120 personnes tous les soir », conclut Jacques Lafon.

Les Restos du Coeur sont présents le lundi, le mercredi et le vendredi soir, place Pierre Sémard à côté de la gare.

La Halte de Nuit : hébergement nocturne d’urgence

IL N’Y A PAS D’ADRESSE POUR LA HALTE DE NUIT, C’EST UN PEU UN COMBLE POUR ACCUEILLIR DES SANS DOMICILE FIXE - FRÉDÉRIC GUILLOUX, RESPONSABLE DU PÔLE VEILLE SOCIALe À L'ABRI DE LA PROVIDENCE.

Mélanie Mercerolle est travailleur social à l'association Abri de la Providence. Elle est présente le mardi et vendredi soir sur le site de la Halte de Nuit.

La Halte de Nuit n'a pas d'adresse, les travailleurs sociaux la surnomme « chemin de traverse ».

19 h. Le temps semble arrêté entre les Algeco gris et le béton du chemin de traverse, comme ils l’appellent. Les vigils à l’entrée vident les sacs des arrivants de canettes de bière. Le protocole est immuable : regroupement par pairs dans la cour, manger, se coucher. « Numéro 36. » « Caisse Y, le duvet bleu. » Les sans-abris font la queue pour récupérer leur duvet et drap housse dans le bureau de la Halte de Nuit. « Ils gardent leurs draps une semaine », explique Mélanie. Dans les modulaires, la chaleur contraste avec le froid de l’hiver. A côté des lits, pas de table de chevet, pas d’oreiller, pas de prise. Dans les sanitaires, l’odeur d’excrément mélangée à la chaleur des chauffages électriques est pestilentielle. Quelques enfants courent. Une enfant porte dans ses bras un nourrisson enveloppé dans une grenouillère polaire. Sur un banc, des hommes discutent.

19 h 25. Le modulaire des Restos du Cœur ouvre à 19 h. Quatre bénévoles attendent. Personne ne se bouscule, les sans-abris entrent un par un. « 20 personnes mangent en même temps dans la pièce. C’est Restoria qui livre les repas », commente Timothé, en service civique. « On prévoit toujours 60 repas mais on réalise rarement plus de 40 couverts. Il y a toujours des plats chauds et des boissons chaudes. Il n’y a jamais de porc à manger car beaucoup de personnes sont musulmanes. » Les repas supplémentaires sont jetés à la poubelle. « Si l’on donne du rab un soir, ils en voudront tous les soirs. Or, ils n’en auront pas forcément à chaque fois ! », défend Timothé. Une famille approche et attend qu’une table de quatre personnes se libère. Des gens bien habillés, en chemise et polo, des enfants avec les dernières baskets à la mode, des jeunes, des vieux, des femmes.

ON n'EST JAMAIS À L'ABRI QUAND ON EST UNE FEMME À LA RUE - ALEXANDRA, 50 ANS

7 h 30. Céline s'en va de la Halte de Nuit. Sur son dos le bazar d'une vie. Ses chiens tenus en laisse ouvrent une marche qui peut aller jusqu'à 20 kilomètres. Mais pour l'heure, c'est petit-déjeuner, rue Crimée.

Ana LE ROY, Aurore MAUBIAN, Karina DUCHENE - Licence 3 spécialité journalisme multimédia et réseaux sociaux - 2022.

Credits:

Karina Duchêne, Ana Le Roy, Aurore Maubian

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